CHEIKHOU OUMAR FOUTIYOU TALL, LE PREMIER DÉPOSITAIRE DE LA TIJANIYYA EN AFRIQUE NOIRE
El Hadji Malick Sy, qui est considéré comme le précurseur du Gamou, est un fils spirituel de Cheikhou Oumar Foutiyou Tall. Un legs que les différents khalifes qui se sont succédé aussi bien à Tivaouane qu’au sein de la famille omarienne ont su perpétuer.
El Hadji Malick Sy, qui est considéré comme le précurseur du Gamou, est un fils spirituel de Cheikhou Oumar Foutiyou Tall. Un legs que les différents khalifes qui se sont succédé aussi bien à Tivaouane qu’au sein de la famille omarienne ont su perpétuer. Retour sur un guide multidimensionnel et sur l’œuvre d’un des illustres petits-fils. Qui tiennent aussi leur Maouloud à Alwar (Dakar et Fouta), à Louga, au Mali et ailleurs.
De son vrai nom Omar Saïdou Tall, El Hadj Omar est né entre 1794 et 1797 à Alwar, près de Guédé, dans le département de Podor. Son père se nommait Saïdou, fils de Uthman, fils de Makhtar, fils d’Ahmad Samba de la grande famille des Tall. Omar Saïdou Tall appartient à la précieuse lignée des Tooroodo et, à ce titre, s’initia très tôt à la culture coranique, d’autant plus que l’ethnie à laquelle il appartient avait adhéré depuis 1776 à la confrérie Qadriya. A 23 ans, il entreprend le pèlerinage à la Mecque, avec un voyage qui dura treize ans. Le Saint homme a saisi cette occasion pour se déplacer entre le Caire, la Mecque, Médine et Jérusalem. Il séjourne quelques années à Médine, ce qui lui permet d’approfondir ses connaissances du Coran, de la culture coranique et de l’arabe.
Le titre de khalife des tidianes
Pendant son séjour dans les lieux saints de l’islam, El Hadj Omar fait la connaissance du Khalife Cheikh Muhammad Al Ghali, disciple d’Ahmad Al Tidjani, qui va exercer sur lui une influence déterminante. D’ailleurs, c’est lui qui lui a décerné le titre de khalife des tidianes. Fort de cette qualité, il s’est mis sur le chemin du retour pour le Fouta en passant par le Soudan, le Nigeria, le Mali et la Guinée. Mais au lieu de s’y fixer, El Hadj Omar revient vers le sud et fonde Dinguiraye, jetant ainsi les bases d’un vaste empire musulman. Sa pensée religieuse s’affirme de plus en plus : il écrit « Al Rimah » fixant de fait sa propre approche de la doctrine religieuse. Le Saint homme lance ainsi son jihad entre 1850 et 1857. Le Bambouck et le Kaarta sont les premiers bastions païens à tomber dans son escarcelle. Quelques années plus tard, ce fut le tour de Nioro, alors capitale du royaume païen des peuples bambaras. Ce qui lui permit de porter sur les fonts baptismaux un empire s’étendant du Haut-Sénégal à la Gambie.
Ayant coïncidé avec l’époque où la domination française commençait à s’affirmer sur tout le Sénégal, le choc entre El Hadji Oumar Tall et le colon français était presque inévitable. Ainsi, en 1857, les troupes du Gouverneur Faidherbe et celles du khalife s’affrontèrent à Médine, puis à Matam en 1859 avant qu’un traité de paix ne fut signé en 1860. L’occasion était toute trouvée par El Hadj Omar pour se tourner contre les Bambaras païens et animistes et les Peuls du Macina qui, bien que musulmans, avaient refusé de lui prêter main forte contre les « ennemis de la foi ». Leur capitale, Hamdallahi, tombe en 1864 entre les mains du Cheikh. Toutefois, une violente révolte le bloque, mais il en réchappe in extremis pour disparaître ensuite dans des conditions mystérieuses en 1864 dans les grottes de Bandiagara au Mali.
Thierno Seydou Nourou Tall : le digne continuateur
Sa vie a été consacrée à la propagation de l’islam et de la Tijaniyya. Ce qui fit de lui, une figure emblématique de la confrérie Tidiane au Sénégal et en Afrique de l’Ouest. Centenaire avant sa mort, ce grand soufi Toucouleur né en 1874 à Nioro du Sahel (dans le Soudan français), il fera montre d’une érudition et d’une sainteté incomparables. Selon beaucoup d’auteurs, Thierno Seydou Nourou Tall fut sans doute l’un des plus grands hommes de son époque. Fidèle compagnon de Seydi El Hadj Malick Sy avec qui il partagera une partie essentielle de sa vie, Seydou Nourou Tall bénéficie d’un respect et d’une estime sans limites auprès de la famille Sy de Tivaouane, éternellement reconnaissante à Cheikh Omar Tall et sa famille. Un lien que les gardiens du legs à Tivaouane rappellent à suffisance. La cérémonie de clôture du Burd, ce jeudi 6 octobre 2022, n’a pas fait exception.
Trait d’union essentiel entre les familles Sy et Tall, Seydou, le fils de Nourou, sera surtout reconnu pour sa fécondité en production avec notamment sharh fait sur la gigantesque œuvre jurisprudentielle malikite intitulée Risaala. Fédérateur et doté d’un grand sens des responsabilités, Seydou Nourou participera surtout à l’installation de Serigne Babacar Sy comme Khalife de Seydi El Hadji Malick Sy. Il est l’initiateur de la réunion des Mouqaddams à Tivaouane, le 12 mai 1957, deux mois après le rappel à Dieu de Serigne Babacar Sy. Seydou Nourou a ainsi marqué de son empreinte les affaires de la famille Sy par égard à Cheikh El Hadj Malick Sy, son directeur de conscience. Et tout porte à croire que les héritiers ne font actuellement que consolider ces liens.
La canne du dialogue islamo-chrétien
Son grand guide spirituel El Hadji Malick Sy de Tivaouane, au soir de sa vie, lui aura confié ceci : « Nos rapports sont ceux qui ont existé entre le prophète Mohamed (S.A.S) et Abû bakr, nous sommes comme Arouna et Moussa, je te fais l’un de mes successeurs spirituels. » Thierno Seydou Tall fut considéré comme un père par maints chefs d’Etat, en raison de la part qu’il a prise dans leur carrière politique et l’appui constant qu’il leur a accordé sa vie durant. Son ouverture, son sens du dialogue entre les cultures et les confessions, font du petit-fils de Cheikh Oumar Foutiyou Tall le précurseur du dialogue interconfessionnel en Afrique et notamment du dialogue islamo-chrétien au service de la paix, des droits de l’Homme et du progrès.
Thierno Mountaga Tall
L’HOMME AUX PRIÈRES PRÉCIEUSES
Thierno Mountaga Tall a poursuivi cette tradition de haute considération, réciproque, avec Tivaouane. Il a, lui aussi, arroser ce jardin d’estime laissé par ses ancêtres. Et c’est pourquoi les deux familles ne ratent pas les occasions pour se rendre les amitiés. L’on se souvient encore que c’est Serigne Abdou Aziz Sy Al Amine qui avait dirigé la prière mortuaire de Thierno Mountaga. Parce que justement, c’est devenu un « domaine réservé », une marque de confiance entre les familles Sy et Tall. Lui, c’est l’humilité incarnée. La voix qui fait grand écho. Une pierre précieuse dans l’édification d’un islam soufi. L’homme aux prières précieuses aussi.