COUMBA DANSAIT…
Ils n’auraient pas lu Aragon mais seraient tous portés vers Le con d’Irène. Que le pays ne bruisse plus que d’histoires de culs. Une obscénité collective ! Pas seulement. Des affaires en tous genres leur disputant la Une.
Ils n’auraient pas lu Aragon mais seraient tous portés vers Le con d’Irène. Que le pays ne bruisse plus que d’histoires de culs. Une obscénité collective ! Pas seulement. Des affaires en tous genres leur disputant la Une. Si fréquemment que l’on penserait à des marronniers. Seulement, une banalité suicidaire. Il s’agirait de délits et de crimes. Une écriture du désastre d’un pays à construire. Peut-être ne seraient-ils plus eux-mêmes ? Où devrions-nous convoquer des états généraux de la raison ? Pourtant, Coumba avait prévenu. Sa devise, voire son taasu, était une excellente leçon à revisiter.
Coumba se vêtait de sa beauté. Elle était gracieuse. Une boisselière (laobé) sublime. Une pureté. Une convivialité à toujours construire un vivre-ensemble. Sa présence offrait un bol d’air, une hilarité contagieuse. Empreinte de bonnes manières, son urbanité exquise. Elle n’importunait point. Elle ne psalmodiait sa devise qu’avec l’assentiment de son assemblée qu’elle interpellait ainsi : « Ma yéegëlam ? - Un tortillement ? » Un chœur (repris et vulgarisé par Mbaye Dièye Faye) lui répondait : « Coumba yéegëlal ! - Déhanche ! » Et… Coumba dansait…
Coumba maîtrisait son art. Elle était splendide et majestueuse. Sa belle croupe, forte et grosse, lui obéissait comme pas possible. Elle la tortillait, l’ondulait à sa guise… Des déhanchements d’enfer… Et… Coumba disait… Elle était poète. Taillée dans l’éloquence de la métaphore, de l’hyperbole. Et… Coumba exhortait : « Bu ma yéegëlee wolof toj kees laobé sàcc mbaam. » Un déhanché de Coumba... et bonjour les détournements et autres vols, alertait-elle. Et le chœur de fuser : « Coumba yéegëlal ! » Aujourd’hui, mille ersatze de Coumba fleurissent. Et le pays en souffre. L’éthique torpillée. Des affaires de fripouilles. L’argent détourné… des sociétés et autres entreprises ruinées…
Le con d’Irène ! Plus que des fantasmes pathologiques... Ils veulent voir, caresser, en jouir… brandir leur butin de guerre… Des frémissements éveillent des chairs jamais engourdies. Des braguettes ne ferment plus. Des agressions sexuelles, des viols, des vidéos de sextapes, des actes contre nature, l’inceste… s’étalent partout. Un immense temple de l’accouplement où toutes les formes de pourritures s’épousent. Des ascètes de la luxure qui crient au respect des mœurs avec cette rythmique endiablée de fesses qui tournent et retournent, lascives et circulaires, emportant des esprits ivres de désirs démoniaques, addicts au salace. Des enfants délinquants sexuels ou criminels... Et des ersatze de Coumba continuent de se trémousser…
Sur des fesses de l’ambiguïté et de l’incertitude
Les fabriques de faux billets poussent comme des herbes folles. Les rapports des corps de contrôle de l’État pullulent. Les fautes de gestion sont fertiles. Se reproduisent et sont énormes. Ignobles ! D’une répugnance qui vire à l’injure, l’offense à la République. Les affaires sont sur toutes les lèvres. Point besoin de revendiquer un droit de savoir ou d’informer. Tout est fuité. Même si une publication est prévue par des textes de la République. Et le complot brandi comme moyen de défense. Chacun se trouve des adversaires et autres ennemis qui veulent le liquider. Face au dévoilement, plus personne n’assume ses faiblesses coupables et actionne des paraboles pour distraire la vérité. Faut dévot, bon ceddo n’absout pas de tout. Même en se convertissant à la com’, flirtant avec des prêcheurs 2.0. Ainsi, plus rien ne devrait être fatal… et vous tresserait des lauriers. Malgré le dénuement moral qui culbute votre for intérieur. Aujourd’hui, même dans le pire, on se vante d’être mieux que les autres.
La danse a beaucoup à dire, selon Maurice Béjart. Pour Joséphine Baker, « le sexe était une forme d’exercice agréable, comme la danse ». Le plaisir des sens et de l’esprit ! Des gens qui bandent pour le délit ou le crime. Mais Coumba dansait… Et Coumba disait… l’esprit de conduite sans laquelle jamais une construction d’un pays n’est possible. Cependant, elle n’était pas écoutée. Ainsi, le Sénégal tangue-t-il aujourd’hui sur des fesses de l’ambiguïté et de l’incertitude. Des populations comblées et blessées. Un État jalousé et escroqué… Des vies entre miel et amertume… Des impunités… Des silences assourdissants… Un cynisme croissant… Et le mal de se gangrener. Car, « ce que l’on nous dit cache ce que l’on ne nous dit pas, tout comme ce que l’on nous montre camoufle ce que l’on ne nous montre pas » ! Et chacun guette le fruit pourri à livrer et qui servirait aussi à la propagande de l’autre. Parce que le Sénégal est à la croisée d’une ère d’impostures où « la valeur d’un énoncé ne réside pas dans sa vérité ou dans sa sincérité, mais dans les systèmes de renvois qui font jouer tel ou tel groupe contre tel ou tel autre » (Gaspard Koenig).