CES OBSÉQUIEUX QUI NOUS GOUVERNENT
EXCLUSIF SENEPLUS - Monsieur le président, on s’achemine inéluctablement vers cette fin vulgaire qui vous guettait déjà au début, quand vous aviez renié votre promesse de ramener votre mandat de sept à cinq ans
“On reconnait un médiocre à ce signe qu’il est généralement insensible à l’annonce de catastrophes prochaines” – Bernanos
“La moitié des hommes politiques sont des bons à rien. Les autres sont prêts à tout” – Coluche
Le sacra fames d’un prétendant à une parcelle de pouvoir sous Macky Sall est pire que la voracité aurifère d’un chercheur d’or du Kédougou.
Je les ai, surement vous aussi, côtoyés de près ceux-là ! Ils vous écartent sans ménagement, ils mentent sur vous, ils rabaissent votre savoir-faire, ils vous masquent au regard du chef, de peur que vous ne preniez la lumière. Ils fréquentent des sangomas *pour vous jeter des sorts funestes qui vous écarteront définitivement du regard de celui qui compte. Ils vous sourient, mais ils affûtent leurs poignards sous leurs boubous.
Dès que vous avez un genou à terre, ils se rueront en masse sur vous, sortiront leur couteau pour vous achever. Demander à Mimi.
« Tout démentir, tout trahir, renier leurs opinions passées, faire arrêter leurs anciens amis, faire fi de tout mais garder leur parcelle de pouvoir ». C’est leur motto*, dirait Rochefort. Ils ne respirent en réalité que par ce bout de pouvoir qu’ils croient détenir.
Comme le malade atteint de paludisme, l’homme politique atteint de la fièvre du pouvoir est hanté par les hallucinations et les délires. Il dit tout et son contraire, fait tout et son contraire. C‘est ce à quoi nous assistons avec ces revirements de positions des hommes politiques de tous bords. Il y a ceux de l‘opposition qui nous disaient avant 2019 que le président pouvait se représenter en 2024, donc de ne pas voter pour lui et, il y a ceux de la majorité qui nous disaient qu’il fallait voter pour lui en 2019 car ce serait son dernier mandat !
Ceux de la majorité soutiennent la candidature de Macky juste pour ne pas perdre les quelques avantages acquis. Cette cohorte obséquieuse le suit partout, devançant ses intentions, elle a peur de perdre ce qu’elle n’a jamais gagné de haute lutte. Elle a peur de perdre ce qu’elle a obtenu parce que, juste elle était là, au gré des circonstances de la vie. Elle pense que c’est son destin fabuleux ; nous pensons que ce sont de vulgaires opportunistes.
Le hasard, heureux pour eux et malheureux pour la nation, les a placés là aux commandes !
Il suffit qu’ils imaginent l’instant d’après, celui où ils auront perdu le pouvoir – qu’ils n’avaient jamais du reste – pour se réfugier tout de suite dans le déni. Ils ne s’imaginent pas sans les motards et autres flèches qui leur ouvrent les voies dans les embouteillages de cette ville immonde ; ils ne s’imaginent pas faire la queue comme tout le monde devant les magasins parce qu’ils s’étaient crus citoyens à part. On ne les appellera plus 100 fois dans la journée Monsieur le ministre, Excellence ou Honorable, eux qui s’étaient habitués aux titres vides et ronflants. Ils ne comprendront pas pourquoi le sort s’est acharné sur eux et sur eux seuls. Ils ne comprendront pas pourquoi tel est resté et pas eux. Ils croiront subitement que tout le monde les prend pour des idiots alors qu’ils furent, de tout temps de grands sots.
Revoilà les tournées économiques dans des régions déshéritées où les foules entières seront drainées pour recevoir le président qui aime tant savourer les excès de zèle de ses courtisans. Il goûtera l’ineffable bonheur d’entendre les applaudissements de rigueur de masses qui ne seront pas venues pour comprendre les messages mais pour se faire voir de leurs représentants, qui leur octroieront quelques miettes de ce qu’ils auront glanés comme prébendes de la République. Pourtant ce sont eux qui ont voté contre vous aux locales et aux législatives dernières. Le peuple a compris, ils vous applaudissent aujourd’hui, ils vous sanctionnent demain. Ils ont appris, grâce à vous, le jeu de glaner de l’argent facile. Ils le jouent mieux que quiconque !
Yann Moix disait qu’« il faut savoir reconnaitre la part d’histoire dans le présent et dans l’avenir » ? « Les catastrophes ont tendance à recommencer, mais pas avec leur date d’origine. Elles se choisissent d’autres dates, d’autres lieux, d’autres acteurs, d’autres raisons », poursuivait-il.
Ne voilà-t-il pas, monsieur le président, l’histoire du « troisième mandat de Wade » qui recommence avec une autre date 2024, d’autres acteurs et d’autres raisons qui sont invoquées ici et là par vos lieutenants ?
Vous savez mieux que quiconque, ce qu’il en est advenu. Pourquoi ignorer ce pan de l’histoire qui fait effraction dans notre présent et risque de nous entraîner vers des lendemains de chaos à cause de votre éventuelle candidature ?
Aujourd’hui, l’opposition s’est radicalisée : l’alternative est simple. On est contre Macky ou on est avec Sonko. Si on déroge à ces deux lignes, on est vilipendé, insulté et même agressé physiquement. C’est la pensée unique, on s‘aligne un point c’est tout. Pape Djibril Fall vient d’en faire les frais. Les condamnations du leader du Pastef n’y changent rien. Le vers est dans le fruit. Inacceptable ! Ce pays manque cruellement d’éducation ! Il est temps d’en extraire les sauvageons.
Pour votre majorité, ce n’est point différent : il leur faut repeindre le monde avec les couleurs qui vous plaisent. D’aucuns ont même poussé la compréhension au premier degré, jusqu’à repeindre les bus, les façades des bâtiments publics aux couleurs marron beige de votre parti.
Mais où va ce pays ?
Monsieur le président, depuis votre « ni oui, ni non » je ne décolère pas contre vous, vous qui semblez oublier les conditions de votre accession au pouvoir. Vous avez été élu en 2012 grâce à tous ceux qui avaient voulu empêcher Wade de faire un troisième mandat. Rappelez-vous, quand les citoyens avaient eu le choix, seuls 26 % vous choisirent. Soit ¼ des votants. Cela faisait un Sénégalais sur 13. Ce n’est assurément pas beaucoup. C’est comme cela qu’on vous a mis le pied à l’étrier. Cela devrait inciter à plus de retenue, plus de prudence, à plus d’inclusion et surtout à ne pas vouloir exercer une magistrature éternelle.
Vous savez que si les gens savent que vous ne serez pas candidat vous êtes mort. Ils enjamberont allègrement votre cadavre encore chaud pour rallier ou s’attirer les bonnes grâces de celui qu’ils penseront avoir les faveurs du peuple. Ils joueront XBET (votre jeunesse y joue déjà beaucoup) sans attendre le véritable match.
Immanquablement, le fait de ne pas se représenter vous affaiblirait forcément, dans votre autorité à gérer les affaires du pays dans cette dernière ligne droite. Vous ne sortirez donc de l’ambiguïté que le plus tard possible, car vous connaissez le dicton : on sort de l’ambiguïté à ses dépends.
C’était bien là la vraie explication du « ni oui ni non », pas celle que vous nous avez servie, infantilisant vos collaborateurs : « ils ne travailleront pas s’ils savent que je ne suis pas candidat ».
Qu’importe votre choix, on s’achemine inéluctablement vers cette fin vulgaire qui vous guettait déjà au tout début de votre premier mandat, quand vous aviez renié, à la surprise générale, votre promesse de ramener votre mandat de sept à cinq ans !
Vous aviez oublié par là l’essentiel, monsieur le président. La grandeur d’un homme politique se fabrique dans l’attachement à des principes qui le dépassent. Pour vous, vous êtes au-dessus de tout et c’est bien là le malheur du Sénégal.
Les milliards du fonds Covid dilapidés indûment sont présentés par vos ministres comme de pures vétilles qui ne méritent point notre indignation. Quand un ministre est épinglé dans un scandale, c’est toute la République qui est fragilisée, c’est toute la République qui est salie. On vous a élu pour que vous protégiez la République, pour ne laisser quiconque, fussent-ils vos proches, la salir. Ces manquements répertoriés par la Cour des comptes jettent l’opprobre sur la République entière. Nous en souffrons. Les bonnes pratiques dans les grandes démocraties dont vous aimez tant à vous réclamer, les mis-en-causes sont démis ou mis sur la touche le temps de l’investigation. C’est ce qu’on attend de vous à minima. Votre absence d’actions fragilise encore un peu plus nos institutions et notre République.
Déjà, les comportements agressifs de nos députés à l’Assemblée nationale avaient largement érodé la confiance en nos institutions.
Ces dernières sont investies par des énergumènes, armés de leur carence, ayant la gifle facile et l’insulte qui se pavane sur la bouche. Ils deviennent de véritables faquins qui nous narguent du haut de leurs bêtises. Jamais fadaises et bassesses ne seront tombées d’aussi haut dans cette Assemblée ! Comment comprendrait-on une seconde que des gens avalisent des violences physiques commises dans une Assemblée ? Il faut un rassis de la moelle pour ne pas condamner quelqu’un, député de surcroit, qui gifle quelqu’un d’autre, députée de surcroit. Il n’y a pas de « oui mais », c’est juste inadmissible. Aux verbes tonitruants d’avant dans cette Assemblée, il nous faut dorénavant rajouter les taloches, les coups de pied et les jets de chaise. Le pays part en vrille et on se complait hélas dans des fagots de byzantinismes !
L’opposition radicale est en train de vouloir mettre à terre nos institutions, et vous les y aidez en répondant à leurs coups par des coups encore plus tordus. Ils veulent construire sur ses ruines, une tyrannie. Ils y parviendront si personne ne s’y oppose. Qui pour les en empêcher ? Qui pour combattre ces factieux et les faire rentrer dans l’ordre ?
Voulons-nous voir une Assemblée représentative, diverse, qui élève la voix dans ses travées plutôt que de voir un peuple avili sous le joug d’un « dictateur » ?
Ces questions se posent et il va falloir y apporter des réponses sous peine de se voir ensevelis par la lame de fonds qu’elles génèrent.
Quant à vous monsieur le président, votre discours à la nation fut de la même tonalité que les précédents. Pauvre et banal. Vous dites des mots dont quelque fois on se demande si vous en connaissez le sens tellement ce que vous faites est à l’opposé de ce que vous dites. Vous nous parlez de paix, de mieux vivre ensemble, vous qui emprisonnez à tour de bras. Pape Alé Niang et bien d’autres sont sous vos fers. Le secret de l’allocution réussie réside dans la sincérité de celui qui l’exprime. En fait, il y a longtemps que vos compatriotes ont arrêté de vous écouter. Et le concert des casseroles n’y est pour rien !
En son temps, Senghor avait créé un peu l’ouverture de son régime « autoritaire » en instaurant un « régime présidentiel déconcentré ». Voilà que, quelques 50 ans plus tard, vous nous inventez un « régime présidentiel concentré ».
Tel est le recul que vous nous avez fait subir en tant que République !
Bonne année quand même !
Dr Tidiane Sow est coach en Communication politique.
Notes :
Motto : devise
Henri Rochefort, Journaliste, La lanterne
Yann Moix : Ecrivain, Dehors, Grasset
Sangomas : terme sud-africain pour désigner les sorciers et jeteurs de sorts.