MOUNTAGA, UN ELEPHANT DANS UN MAGASIN DE POR(T)CELAINE !
Si Macky cherchait un bulldozer pour lui décongestionner le Port de Dakar, il l'a trouvé en Mountaga Sy. Seulement voilà, dans son zèle à exécuter les instructions du président, notre bulldozer fonce sans faire de discernement
Il ne fait aucun doute que si le président de la République cherchait un Bulldozer pour lui décongestionner le Port autonome de Dakar — où des bateaux attendaient au large de la rade de la capitale parfois pendant de longues semaines et se ruinaient en payant des surestaries plus que salées —, le président a donc trouvé en Mountaga Sy ce Bulldozer. En effet, dès sa nomination à la tête de cette infrastructure par laquelle passent plus de 97 % de nos importations, l’ancien directeur général de l’APIX a pris par les cornes le taureau de l’encombrement de notre port et réussi à faire en quelques jours seulement ce que l’on pensait jusque-là impossible. A savoir décongestionner totalement le Port de Dakar, désencombrer les quais, évacuer toutes les marchandises qui s’y entassaient depuis des mois voire des années pour certaines vers Diamniadio etc. Résultat de cet excellent travail : la congestion du Port autonome de Dakar n’est plus qu’un lointain souvenir pour la plus grande joie des armateurs et autres opérateurs maritimes. Encore une fois, un brillant résultat obtenu en quelques jours seulement par un directeur général qui a payé de sa personne et n’a pas hésité à passer des jours et des nuits d’affilée sur le terrain pour nettoyer les écuries d’Augias du PAD. Les DG se sont succédé à la tête de cette société nationale sans réussir ce qui s’apparentait à une mission impossible et que Mountaga Sy a réalisé en quelques jours. Qui fait mieux ?
Seulement voilà, il semble que, dans son zèle missionnaire à exécuter les instructions du président de la République, notre Bulldozer fonce les yeux fermés, sans faire de discernement. Au risque de commettre des dommages collatéraux à la manière d’un éléphant dans un magasin de porcelaine. Car notre pachyderme Sy écrase au passage au moins un courageux entrepreneur sénégalais qui devrait être soutenu parles autorités de son pays plutôt que d’être expulsé comme un malpropre à la force des baïonnettes de nos braves gendarmes! Ce courageux entrepreneur sénégalais, qui mérite plutôt de la Nation, c’est Mbacké Samb, un ancien émigré en Italie qui a répondu à l’appel du président de la République pour rentrer dans son pays. Depuis son retour, et en quelques années seulement, ce ressortissant d’un village du département de Louga a créé une entreprise de transport et de logistique à l’enseigne de «Gouyar Transports Logistique »,Gouyar étant le nom de son village. Avec un parc de 150 camions en très bon état, cette entreprise dispose de l’un des plus importants parcs de toutes celles opérant au port de Dakar. Mieux, Mbacké Samb a pu bénéficier de concours bancaires à hauteur de 1,8 milliard de francs pour acheter des équipements lourds et autres engins de manutention comme des Kalmar, Reachstacker, des grues, des remorques entre autres. Certains de ces engins coûtent, neufs, entre 350 millions à 400 millions de francs pièce. Conscient que la qualité n’a pas de prix et sans regarder à la dépense, notre ancien émigré a accepté de consentir ces lourds investissements. Mieux, de par son ardeur au travail et son sérieux, il a réussi à gagner la confiance d’armateurs référencés comme CMA CGM (deuxième armateur mondial !), Hapag Lloyd etc. Des armateurs qu’il risque de perdre aujourd’hui à cause de l’acharnement du Port à l’expulser coûte que coûte d’un espace — les locaux de l’ex-SERA sur la route de Rufisque — qu’il occupe depuis quelques années. Ce sous le prétexte d’y réaliser un « projet d’utilité publique » alors que certaines sources font plutôt état de la volonté du président d’y construire un hangar de stockage de 600.000 tonnes de céréales avec l’Ukraine !
Le plus cocasse c’est que l’ancien directeur général du PAD lui-même qui avait attribué au patron de « Gouyar Transports Logistique » ces locaux de la défunte Sera achetés pour le prix du mètre carré sans doute le plus cher au monde, mais ça c’est une autre histoire ! En 2019, suite à un refus de Dubaï Port World de réceptionner les containers vides dont le Port de Dakar en relation avec des opérateurs voulait se débarrasser, les transporteurs avaient déclenché une grève qui avait failli étrangler le port. Pour mettre fin à cette grève, Aboubacar Sedikh Bèye avait supplié Mbacké Samb de prendre l’espace dont on veut l’expulser aujourd’hui pour y transporter et entreposer vite fait les containers indésirables ! En quelque sorte, on avait fait jouer au propriétaire de « Gouyar Transports et Logistiques » le rôle de briseur de grève pour la bonne cause. C’est à la suite de cela qu’il s’était rapproché des banques pour investir sur le site.
A près la tempête, par temps de mer calme, Bèye a servi, en mars dernier, une mise en demeure à l’ancien émigré pour qu’il débarrasse le plancher avec tous ses gros engins en arguant que le contrat qui le liait au Port autonome de Dakar a expiré depuis le 31 décembre 2021.Une rencontre avec le DG du Port permettait de faire entrevoir une lueur d’espoir au jeune entrepreneur sénégalais quant au renouvellement de son bail. Les choses ont traîné jusqu’en décembre et l’accession à la tête du PAD de Mountaga Bulldozer Sy. Dès le 8 décembre, il somme «Gouyar Transports et Logistique » de vider les lieux. En même temps, la Brigade de recherches de la gendarmerie entre en scène et multiplie les convocations en même temps qu’un défilé de ses hommes sur le site. Une atmosphère idéale pour travailler! Les pandores avaient promis de revenir hier lundi avec des renforts et les gros moyens pour expulser cette entreprise sénégalaise qui emploie 350 personnes et est aussi partenaire attitré et référencé de la compagnie Ola Energy dont elle gère trois stations d’essence. Comprenons-nous bien : Mbacké Samb ne fait pas de la résistance, ne refuse pas de quitter les lieux qu’il occupe sans droit depuis le 31 décembre 2021. Il demande juste un délai d’un mois, maintenant que son expulsion a été prononcée par les tribunaux —ses avocats ont interjeté appel. Un mois, juste 30 jours pour lui permettre de partir de manière honorable et digne, lui qui n’est quand même pas un malfrat mais un honnête entrepreneur comme on aimerait en avoir des centaines dans ce pays afin de résoudre définitivement la lancinante question du chômage dans notre pays. Sur l’international, notre pays est désespérément à la recherche d’investisseurs. Et pour une fois qu’il en trouve un, et un Sénégalais de surcroît, voilà qu’il est traité de façon cavalière, malmené comme un malfrat, l’homme à la manœuvre pour briser cet investisseur n’étant autre que…l’ancien directeur général de l’agence de promotion des investissements du Sénégal ! Cherchez l’erreur…
Mais enfin honorable Mountaga Bulldozer Sy, un petit mois est-ce la mer à boire pour le tout-puissant patron du Port que vous êtes ?
PS : Nous avons appris que Mountaga Sy, qui a décidément mangé de la vache enragée ces temps-ci, a envoyé hier un courrier au patron de Cma-Cgm pour lui demander d’enlever fissa — c’est-à-dire dans un délai de 24 heures — les conteneurs appartenant à sa société et entreposés sur le site de SERA par la société de transport « Gouyar ». Passé ce délai de 24 heures, le Port procédera, en relation avec la Douane et les services de défense et de sécurité (bigre !) au transfert de tous les conteneurs au niveau de la plateforme industrielle de Diamniadio. Bah, du moment que Mountaga Bulldozer Sy