POURQUOI REPONDRE A L’APPEL AU DIALOGUE DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE MACKY SALL ?
Quelle que soit la position adoptée par les uns et les autres, ce dont on peut se convaincre, c’est que le Président ne l’a pas fait de gaité de cœur, mais plutôt sous la contrainte des « Wahrheiten der realpolitk ! » (des verites de la realpolitik !)
Le Président de la République MACKY SALL vient de lancer et de réitérer à troisreprises un appel au dialogue à l’endroit surtout de la classe politique sénégalaise. Beaucoup de ses partisans saluent un acte d’ouverture sincère en direction du peuple, pour garantir la paix sociale et la concorde face à la gravité de la crise actuelle. Une importante partie de l’opposition rejette cet appel qu’elle soupçonne de manœuvres dolosives pour l’affaiblir et faire avaler au peuple sénégalais l’idée d’une recevabilité de candidature du Président pour un 3ème mandat. Quelle que soit la position adoptée par les uns et les autres, ce dont on peut se convaincre, c’est que le Président ne l’a pas fait de gaité de cœur, mais plutôt sous la contrainte des « Wahrheiten der realpolitk ! » (des verites de la realpolitik !) comme disent les Allemands.
« Tout le monde sait que le Sénégal traverse une période difficile de son histoire. Dans la plupart des domaines de la vie nationale, les fruits de l’alternance démocratique n’ont pas tenu les promesses des fleurs du 19 mars 2000. Aux contentieux politiques d’ordre institutionnel ou électoral viennent s’ajouter les difficultés croissantes de la vie quotidienne, dominées par une pauvreté et un chômage endémiques, une inflation galopante et des pénuries de toutes sortes.
Face à cette crise multidimensionnelle aux conséquences imprévisibles, l’inquiétude et le désarroi se répandent, tandis que chacun s’interroge avec perplexité sur l’avenir. L’acuité des problèmes de survie du plus grand nombre et l’accumulation des périls à l’horizon, exigent de l’ensemble des forces vives du pays une réflexion collective, une mobilisation massive et une action pacifique mais résolue. Tous ensemble, nous devons nous poser la question suivante : où va le Sénégal ?
Notre opinion est que le pays se trouve dans une impasse et notre choix est de lui éviter des convulsions douloureuses ; de tenter de l’en sortir par le dialogue, qui est conforme à nos traditions, à notre culture, à notre civilisation » (fin de citation).
Cette citation introductive n’est pas de nous, mais renvoie textuellement à un passage des « Termes De Références » des Assises Nationales du Sénégal tenues du 1er juin 2008 au 24 mai 2009 et présidées par notre icône nationale, en l’occurrence l’éminent Professeur AMADOU MAHTAR MBOW, ancien ministre et ancien Directeur Général de l’UNESCO.
Que ce soit le Président MACKY SALL ou ses trois prédécesseurs, la logique de la REALPOLITIK découlant d’un rapport des forces politiques qui se faisaient et se font maintenant face, a toujours conduit les tenants du pouvoir à lâcher du lest et à se résoudre à dialoguer. Le Président LEOPOLD SEDAR SENGHOR a dialogué suite aux évènements de 1968. Le Président ABDOU DIOUF, dont le sens de la réserve est légendaire, a été obligé de dialoguer en 1992, suite aux élections violentes de 1988 où la pression de la rue l’avait poussé à un dérapage verbal et à traiter une certaine jeunesse sénégalaise de « malsaine ». Le Président ABDOULAYE WADE a également été contraint au dialogue avec son opposition. Aujourd’hui, le rapport quasi égalitaire des forces parlementaires de l’opposition et du pouvoir à l’assemblée nationale combiné à l’hostilité grandissante d’une frange de la société civile face au régime en place, ainsi que l’occupation spatiale nationale de la rue largement répandue et suggérant des velléités insurrectionnelles, ne laissent aucun choix au Président MACKY SALL que celui d’appeler au dialogue, n’en déplaise à certains durs de sa coalition qui veulent l’en dissuader, en voulant privilégier le recours à la répression.
Il faut saluer ce geste de raison et de lucidité du Président de la République, conscient qu’il est, qu’il ne faut surtout pas troquer la paix sociale et la sécurité des populations contre la probabilité d’une non gouvernabilité du pays !
Le 19 mars 2000 consacra la première alternance dans la gouvernance de notre pays. La seconde est intervenue le 25 mars 2012 avec la consécration du Président MACKY SALL à la tête de la nation sénégalaise. La situation décrite plus haut dans les Termes De Références des Assises Nationales en 2008, pour décrire la réalité d’une crise endémique et pesante que subissaient stoïquement les Sénégalaises et les Sénégalais en matière de gouvernances politique, économique etsociale, ainsi que la chienlit qui caractérise notre « vivre ensemble » d’aujourd’hui, sont encore d’une véracité et d’une actualité déconcertantes ! Le Sénégal va mal en 2023 et les Sénégalaises et Sénégalais « sont fatigués », pour paraphraser l’éminent juge KEBA MBAYE qui interpella le Président ABDOU DIOUF en ces termes, lorsque ce dernier prenait le flambeau de la succession du Président LEOPOLD SEDAR SENGHOR en 1981.
Dans la vie d’une nation, chaque composante significative devrait pouvoir demander à dialoguer pour conjurer les effets néfastes d’une crise ; c’en est ainsi également dans les rapports entre les nations. Même en période de guerre, les peuples et les pays n’ont jamais cessé de dialoguer. L’exemple de dialogue quoique violent qui se déroule sous nos yeux, est celui entre la Russie et l’Ukraine, car malgré les bombardements et les échanges de missiles et de drones quotidiennement, les deux belligérants sont obligés de dialoguer, ne serait-ce que pour échanger des dépouilles de soldats et des prisonniers de guerre ! On pourrait historiquement citer plusieurs exemples comparables, d’hier et malheureusement d’aujourd’hui dans tous les continents du globe. Mais tout finit toujours inéluctablement autour de la table de négociation. Il faut donc à l’étape cruciale actuelle saluer la main tendue du Président pour dialoguer. L’opposition aurait pu engager la même démarche sans pour autant perdre la face.
La politique de la chaise vide…
Certains acteurs politiques ont répondu « OUI » à l’appel du chef de l’état, d’autres l’ont rejeté sans même laisser pour le moment une porte entr’ouverte à un possible retournement de situation. Ce serait bien dommage, car les faits historiques doivent servir à quelque chose : la politique de la chaise vide qui est en soi contreproductive a peu prospéré dans notre pays. A quoi a servi le boycott des élections législatives de 2007 par l’opposition significative de notre pays, pour ne citer que cet exemple récent ? A rien en termes de progrès palpable pour notre démocratie.
En 2008, le Président ABDOULAYE WADE avait réservé à l’appel au dialogue inclusif lancé par les Assises Nationales du Sénégal une fin de non-recevoir, et menacé de ses foudres ces dernières et ceux parmi les partis de sa coalition gouvernementale qui seraient tentés d’y répondre favorablement. Cela n’a pas empêché les Assises d’avoir été une réussite totale au niveau national comme international, et d’avoir fait avancer la démocratie participative dans notre pays d’une manière jamais égalée. Ces Assises ont surtout eu le mérite d’avoir convaincu ceux-là mêmes qui au départ l’avaient boycottées, à venir signer sa CHARTE DE GOUVERNANCE DEMOCRATIQUE.
Il faut saluer dans l’opposition politique l’attitude courageuse de certains membres de YEWWI ASKAN WI qui rejettent l’option de la politique de la chaise vide, en l’occurrence le Parti Démocratique Sénégalais (PDS) et le mouvement TAXAWU SENEGAAL de KHALIFA ABABACAR SALL. Il y a certes des raisons d’être sceptiques du côté des partis de l’opposition quant à la sincérité de l’appel. Mais si on discute à deux ou plusieurs, la première chose à faire au plus tard lors de la première rencontre, c’est d’accepter de tous les côtés de rédiger des Termes De Références consensuels sans ambiguïté ainsi qu’un règlement intérieur comme l’avaient fait les Assises Nationales. Le dialogue de 1992 voulu par le Président ABDOU DIOUF était adossé à des Termes De Références acceptés par tous et magistralement dirigé par un juge indépendant, compétent et équidistant de toutes les parties prenantes, en l’occurrence le grand magistrat KEBA MBAYE. Le Président DIOUF avait pris un engagement solennel et public devant tout le peuple sénégalais, à savoir celui de ne pas changer une seule virgule au code électoral consensuel que les conclusions de cette conclave lui soumettraient. Et il a tenu parole !
C’est avec ce code électoral consensuel qu’ABDOULAYE WADE a battu son initiateur ABDOU DIOUF en 2000 avant d’être vaincu à son tour en 2012 par le Président MACKY SALL, toujours avec ce même code. Mais ce code a malheureusement été tripatouillé, agressé, déformé sous l’actuel régime et constitue la principale cause de cette situation délétère que nous vivons.
Le dialogue est une tradition au Sénégal
Notre appel à l’opposition, c’est d’accepter d’aller au dialogue, même si nos réserves et nos réticences sont légitimes et fondées. Le dialogue est une tradition au Sénégal, et même si les attentes ne sont pas toujours satisfaites, on a pu engranger néanmoins des avancées significatives (Exemples :
1. Le Code consensuel de 1992 du Président KEBA MBAYE sous le Président ABDOU DIOUF,
2. La Haute Autorité chargée de l’Election Présidentielle de 2012 sous le Président ABDOULAYE WADE et plus récemment,
3. L’élection des Maires au suffrage universel sous le Président MACKY SALL).
Ce dialogue devrait, à l’image des Assises Nationales être inclusif et inviter en dehors des partis politiques, la société civile, les syndicats, les religieux de tous bords et certaines personnalités connues pour leur intégrité morale, leur rigueur et surtout leur impartialité.
Les Termes De Références devraient pouvoir sans a priori aborder les points suivants :
1. La recevabilité de la candidature de l’actuel Président de la République (Le terme « troisième mandat » étant inapproprié), qui devrait constituer une question préjudicielle ;
2. La garantie de non poursuite judiciaire ;
3. L’audit du fichier électoral pour en extirper toutes les éventuelles incohérences ;
4. La question des parrainages face aux dispositions réglementaires de la CEDEAO ;
5. Le nécessaire toilettage du code électoral (articles L29, L57 et autres) ;
6. La caution ;
7. Le format du scrutin (Bulletin unique ou non) ;
8. L’éligibilité des candidats menacés, sans interférence dans les procédures judiciaires ;
9. La pertinence de limiter l’âge des candidats à la Présidentielle à 75 ans.
Dans la représentation des délégations au dialogue, l’opposition politique dans sa globalité devrait avoir le même quota que l’exécutif, si on veut respecter le parallélisme des formes de la volonté populaire des urnes.
Pour ce qui concerne l’opposition encore réticente, au lieu d’avoir des positions figées, nous devrions tous nous convaincre qu’il n’y aura pas de solution à la crise actuelle, si nous ne discutons pas, sauf à opter pour des solutions insurrectionnelles.
Enfin, le Président de la République MACKY SALL devrait adopter la même posture que le Président ABDOU DIOUF en 1992, à savoir l’acceptation des propositions consensuelles qui seraient issues dudit dialogue inclusif, sans y changer une seule virgule.
Pr. Aliou DIACK
S.G. du Parti M.P.-R.D.A. KEMET Mouvement Panafricain pour la Renaissance et la Dignité de l’Afrique
KEMET Président du Comité Départemental de Pilotage (CDP) de DAGANA des Assises Nationales