LE RECIT DE QUATRE FEMMES PARTAGE SANS TABOU
L’écrivaine et scénariste Amina Seck, Kalista Sy productrice scénariste, Nathalie Vairac, comédienne, directrice artistique et la productrice turque, Zeynep Özbatur Atakan, animaient une table ronde intitulée «Créer au féminin au cinéma»
Dans le cadre de la célébration du centenaire de la République de Turquie, le Centre culturel turc Yunus Emre de Dakar a organisé une table ronde intitulée «Créer au féminin au cinéma». Elle a été animée par quatre femmes qui ont mis le curseur sur les opportunités offertes dans l’industrie cinématographique.
Elles sont quatre femmes aux profils différents certes, mais elles ont la même passion, l’amour du métier, dans leurs domaines respectifs. Il s’agit de l’écrivaine et scénariste Amina Seck, Kalista Sy productrice scénariste, Nathalie Vairac, comédienne, directrice artistique et la productrice turque, Zeynep Özbatur Atakan. Elles animaient une table ronde à l’espace culturel turc Yunus Emre, dans le cadre des activités du centenaire de la République Turquie. La rencontre, modérée par la journaliste Oumy Ndour, a duré plus d’une heure. Ces dames se sont relayées au pupitre pour animer le thème «Créer au féminin au cinéma». Et sans gants, ni tabou, elles ont partagé des expériences, des témoignages, les uns plus émouvants que les autres, des récits de vie et leur vision sur la problématique par rapport au travail des femmes, surtout dans le cinéma. Elles ont fustigé la discrimination, l’injustice, les pesanteurs sociales, mais ont mis également en lumière les opportunités qui leur sont offertes dans l’industrie cinématographique et audiovisuelle.
Nathalie Vairac : «Il n’y a rien qui puisse m’arrêter»
Avec une voix douce, empreinte d’émotion, la comédienne Nathalie Vairac constate que le cinéma est un moyen de résistance et d’émancipation, et les femmes s’y font de plus en plus de place. «Ce n’est pas un chemin facile parce que, dans mon cas, il s’agit d’être femme et d’être une femme noire. Ce besoin-là était tellement plus fort que tout dans ma vie», a-t-elle souligné. Elle qui vient d’obtenir son premier rôle grâce la réalisatrice burkinabè, Apolline Traoré, pour son long métrage «Sira» dont l’avant-première a été projeté à Dakar et relate la résilience et la résistance de la femme. «Il n’y a rien qui puisse m’arrêter. Il n’y a personne sur cette terre qui vit déjà et qui a un pouvoir de me donner l’autorisation d’exister ou pas. Donc, aujourd’hui, en tant que comédienne, je considère que c’est un acte politique d’exister, c’est un acte de soulèvement, avoir la chance de dire des mots», peste cette métisse de père guadeloupéen et de mère indienne, qui adore le Sénégal où elle «s’épanouie» depuis une décennie. Cependant, Nathalie estime que la faible présence des femmes s’explique aussi par le manque de formation de celles-ci aux métiers du cinéma. «Le cinéma pour moi est un métier que l’on apprend. Et le métier d’acteur, c’est un travail», insiste l’artiste qui a bouclé plus 30 ans de carrière dans le théâtre.
«Ne pas surestimer les acquis que nous avons»
Pour sa part, la réalisatrice de la série «Maîtresse d’un homme marié» Kalista Sy souligne qu’au Sénégal, il y a des acquis, même si le chantier reste immense. «Il ne faut pas surestimer les acquis que nous avons. Nous, on n’assume de porter à l’écran des femmes qui ne sont pas forcément dans des stéréotypes. On est vraiment à l’ère où la femme se raconte par rapport à ses problématiques et à la réalité sociale», explique-t-elle avec fierté et aisance. Poursuivant sa communication, l’auteure de «Yaye 3.0» est convaincue que de la douleur naissent les plus belles créations, les différences aussi. «Je pense que ma différence, c’est ce qui m’a construite et a construit ma trajectoire. Je ne suis pas victime, je ne suis pas conventionnelle. Je m’assume et j’assume la personne que je suis», fulmine l’ex journaliste de la 2sTv qui s’est reconvertie en scénariste. Elle précise, cependant, qu’on ne peut pas écrire aujourd’hui le cinéma sans inclure les femmes. Pour elle, il est impératif qu’au aujourd’hui, les hommes et les femmes doivent s’asseoir à la même table. «Le regard masculin sur le corps féminin n’est pas le même que le regard féminin sur le corps masculin ou sur un corps féminin», fait-elle remarquer. Amina Seck, elle, a déclaré : «Plus jamais la dévalorisation des femmes. Pour moi, on ne peut pas se battre dans la vraie vie pour que les femmes puissent retrouver leur dignité et les combattre aussi dans la fiction. On ne se lamente pas pour raconter nos histoires. C’est ce qu’on vit qu’on raconte.» Venue présider la rencontre totalement féminine, l’ambassadrice de la République de Turquie à Dakar, Hatice Nur Sağman, a proposé plusieurs idées concrètes qui pourraient servir de leviers à une meilleure représentation des femmes dans le septième art.