HOMMAGE AU PROFESSEUR MOUHAMADOU MAWLOUD DIAKHATE (1957 – 2024)
Il est, dans la vie, à travers les âges, des personnes dont la disparition demeure une perte ô combien lourde pour notre communauté tant elles ont symbolisé l’utilité, de par leur profession, leur œuvre, leur parcours, et que sais-je ?
Il est, dans la vie, à travers les âges, des personnes dont la disparition demeure une perte ô combien lourde pour notre communauté tant elles ont symbolisé l’utilité, de par leur profession, leur œuvre, leur parcours, et que sais-je ? Le rappel à Dieu du Professeur Mouhamadou Mawloud DIAKHATE en est l’exemple patent. Cet éminent intellectuel aux qualités exceptionnelles, tire sa révérence, ce lundi 08 janvier 2024, après une journée de labeur où il préside une réunion au Haut Conseil des Collectivités Territoriales, jusqu’à 12 heures 20 minutes, avant de se retirer et honorer son dernier rendez-vous, l’inéluctable, celui d’avec la mort. Hélas, l’illustre enseignant nous quitte, sur la pointe des pieds.
«Oui oui », Professeur, ton tic, le « oui, oui », que tu répètes, je te parle d’outretombe, pour témoigner, par devoir, devant Dieu, toi et les hommes, de ce que fut ta vie, pour t’avoir côtoyé, comme tant d’autres, durant deux décennies, je dis sous l’angle de cette amitié, née dans les méandres de l’Alliance des Forces de Progrès, mon ex parti, le tien. Cette amitié, sincère, aux antipodes de celles sorties des limbes au forceps, comme c’est le cas, malheureusement, de nos jours ; je parle de cette amitié naturelle née de mes publications dans la presse de notre pays.
Loin de toute contingence, chevillé sur le libre esprit de l’intellectuel, mû que par le traitement du savoir, tu te prononces, sur le sujet dont ma modeste personne, a eu l’honneur de se faire lire par nos concitoyens. Impressionné que je suis par tes réactions, - je l’avoue -, parce qu’ignorant, à priori, ta profession d’universitaire, mais j’en fus heureux dès lors que j’en ai eu le cœur net. Ce fut une joie d’avoir enrichi mon cercle d’amitié, d’un éminent intellectuel aux qualités humaines remarquables, trempées de l’humilité du pratiquant d’arts martiaux.
Et je commence à connaitre ta personne. Celle du bon musulman, sérieux, honnête, debout sur la marche supérieure de l’escalier de la dignité ; droit et généreux, abhorrant toutes formes de triche. Qui sait prendre la parole partout, sans heurter qui que ce soit, mais en assénant des vérités basées sur des connaissances avérées, des idées claires, une analyse scientifique, rigoureuse, cimentées par la cohésion d’un intelligent. Comme savent le faire les sachants d’un certain rang. Cette pédagogie qui enseigne les attentifs si peu qu’ils aient la chance de partager avec des personnes de ta trempe.
Né en 1957, tu quittes ce bas-monde, soixante-six ans plus tard, le lundi 08 janvier 2024. Alors que 66 est la valeur numérique du nom de Dieu, « Allahou ». Tu déclines dans ton deuxième livre In memoriam : « À ma mère Yacine DIOP, Femme de Cœur, Femme d’Honneur ; À mon Père Bassirou DIAKHATÉ, Homme transcendant, Parangon de vertu, qui ont eu l’extrême élégance de partir quand j’eus le dos tourné ».
Ton érudition n’est pas usurpée en ce sens que tu es le petit-fils de Khaly Madiahaté Kala, cet érudit qui a enseigné le Coran au vénéré Serigne Touba, Cheikh Ahmadou Bamba MBACKÉ. Qui plus est, je comprends le pourquoi de ta connaissance du livre saint et des disciplines connexes.
Guendal, mythique quartier de la ville de Rufisque, te voit intégrer le lycée Abdoulaye SADJI. Tu te sublimes au Concours Général, cérémonie solennelle de distinction des craks des classes de première et de Terminale de l’enseignement secondaire. Trois fois lauréat, en Sciences physiques, en Philosophie et en Sciences naturelles, et muni de ton baccalauréat de la série D, la bourse étrangère de l’État t’est accordée, mais, au regard de ton jeune âge, ton papa décide de ton inscription au département de Géographie, à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de l’université de Dakar, toi le scientifique, comme tu me l’as expliqué, un jour, chez moi.
Admis en licence 3, tu t’envoles pour la France, à Lyon, précisément, où tu soutiens une thèse de doctorat sous la supervision du Professeur Jacques BERTHEMOND, ton «Serigne » comme tu aimes à l’appeler, toi son « talibé », tel qu’il affectionne de te rendre la politesse. Un sujet encore si explicite sur ta spécialité Ecodynamique des milieux et effets d’impact potentiel du barrage de Diama dans le Delta du fleuve Sénégal
Enseignant chercheur, Maitre de conférences, puis Professeur titulaire des Universités, tu diriges à l’UGB les laboratoires LEïDI « Dynamique des Territoires et Développement » et codirige le Mixte International PATEO « Patrimoine et Territoires de l’eau » de l’Institut Français de Recherche pour le Développement (IRD). En outre, tu es élevé au prestigieux titre de Docteur Honoris causa par deux universités.
Aussi, tu as été membre des comités scientifiques du Plan National d’Aménagement et de Développement des Territoires, (PNADT- Horizon 2035) et du Schéma de Développement Economique Régional (SDER) de l’UEMO. Directeur de l’école de l’AFP, tu présides tous les comités scientifiques relatifs aux différentes cérémonies du parti, et, d’autorité, tu n’hésites, jamais, à m’y intégrer, sans mon aval, ce que je te concède, au vu de notre complicité intellectuelle. En outre, tu es membre du Comité scientifique du Magal de Touba. Et parmi de hautes personnalités, tu es choisi, Président du Conseil d’administration de la SDSN Sahel, l’initiative des Nations Unies pour un réseau de Solutions de Développement Durable ; suite à une rigoureuse sélection
Membre du Haut Conseil des Collectivités Territoriales, où tu présides les commissions « Dynamique des Pôles-Territoires » puis « Etudes, de la planification, du suivi et de l’évaluation des politiques de décentralisation », tu es admiré par le président Ousmane Tanor DIENG. Qui, souvent, t’invite à déjeuner, et échanger avec l’homme de savoir que tu es. Au point de t’interroger sur tes parcours tant tu l’as émerveillé. En dépit de son excellente plume tant chantée, il te confie la rédaction de ses discours, sachant la beauté de la tienne.
De la zawya El Hadj Malick SY de Dakar, à la maison mortuaire, en passant par le cimetière de Yoff, les témoignages disent long sur ta vie. Politesse, intelligence, humilité, sens de la vérité… sont les maitre-mots. Me revient à l’esprit la phrase que j’ai lancée au député-maire Santi Sène AGNE dans le cimetière ; « Un musulman est parti. ». « Tu as tout résumé. » : ajoute-t-il. « Ton ami est parti. » dixit mon frère Famara DIATTA
Celui du président Moustapha NIASSE, bien relayé par le HCCT Alioune DIOUCK, se focalise sur tes qualités et l’étroitesse de vos relations. Le maire Alioune NDOYE, premier à prendre la parole, devant la dépouille mortelle, parle de ta valeur intrinsèque, pour avoir travaillé avec toi, ancien maire. Ton oncle, venu de Rufisque dit ton sens de la parenté et le représentant du Recteur de l’UGB, de revenir sur le collègue émérite et vertueux. « Pourra-t-on le remplacer au HCCT ? » murmure un Haut Conseiller debout à mes côtés, en sortant du cimetière. La présidente du HCCT Aminata Mbengue NDIAYE, venue passer la journée, à la maison mortuaire, s’inscrit dans le même sillage des éloges funèbres à toi rendu.
Ton premier ouvrage : Aménagement du territoire au Sénégal – Principes, pratiques et devoirs pour le XXI eme siècle préfacé par le Professeur Jacques BERTHEMON, Paris, 2011 et le deuxième : Penser, Fabriquer, Gouverner les territoires - Le Sénégal à l’épreuve du développement territorial Dakar 2020, préfacé par Lat Soucabé MBOW, Professeur agrégé, édifient sur ton expertise. Quid de ta co- rédaction avec Marie Christine Cormier SALEM et Luc DESCROIX de l’ouvrage Sciences participatives et Gouvernance des patrimoines et territoires des deltas, IRD, Editions L’Harmattan, Paris, 2017
Toutefois, dans ton deuxième livre dont tu es venu m’offrir un exemplaire à domicile, tu griffonnes « À mon ami et frère Mame Abdoulaye TOUNKARA, pour nos convergences de vues et l’engagement pour le Sénégal, qui est le nôtre. Dakar, le 30 juin 2020. ». Et un autre que tu me remets, pour mon ami Massamba SARR, à qui je t’avais présenté. Tu me déconseilles mon départ du parti, m’enjoignant d’attendre une probable nomination pour t’épauler. La démission actée, tout triste, tu me certifies que le cas échéant, tu me chercherais partout pour me confier une responsabilité, car, dis-tu : « En France, ce sont des gens comme toi, qui font fonctionner les cabinets. ». Hélas. Tu m’apprends, aussi, qu’en deuxième année de lettres modernes, à l’UCAD, mes textes font l’objet d’enseignements par le professeur FALL dans une discipline intitulée « La stylistique ». Quelle générosité.
Professeur, voilà quelques mots que j’ai voulus dire à ton endroit, pour la postérité, afin d’enseigner aux générations futures le sens de ton combat pour le savoir que tu as honoré ; tu as défriché les champs du savoir ; tu as donné le savoir ; tu as porté haut l’étendard du savoir.
À Dieu Professeur !
Oui, oui, pour le Panthéon !
L’Histoire répètera ton nom, DIAKHATÉ
Ton obligé, Mame Abdoulaye TOUNKARA
Citoyen sénégalais