VIDEOAAR SUNU ELECTION BOYCOTTE LE DIALOGUE
Accusant Macky Sall de plonger le Sénégal dans le chaos, la plateforme de défense du scrutin refuse de cautionner ce qu'elle qualifie de "simulacre". Elle demande au Conseil constitutionnel d'agir pour sortir le pays de l'impasse
La plateforme Aar Sunu élection (protéger notre élection), un regroupement d’organisations se réclamant de la société civile, a annoncé, vendredi, à Dakar, sa décision de ne pas participer au dialogue national auquel appelle le président Macky Sall et rejeté par seize des dix-neuf candidats retenus par le Conseil constitutionnel.
Le chef de l’Etat a appelé à des concertations avec les forces vives de la nation afin de résoudre la crise politique née de l’interruption de facto du processus électoral à la veille du démarrage de la campagne électorale pour la présidentielle initialement prévue le 25 février.
“Aar sunu élection informe l’opinion nationale et internationale qu’elle ne participera pas à un simulacre de dialogue qui relèverait de la compromission, sèmerait les germes de la division et ne pourrait aboutir à aucun consensus au vu des intérêts divergents des parties invitées”, ont indiqué les membres de cette plateforme, par la voix de Thiaba Camara Sy.
Les responsables de Aar Sunu élection rencontraient les journalistes au lendemain d’une sortie publique du chef de l’Etat lors de laquelle il a invité les forces vives du pays à prendre part à un dialogue devant se tenir lundi et mardi afin de déterminer une nouvelle date pour l’élection présidentielle et trouver les voies et moyens de permettre au pays de dépasser la crise politico-institutionnelle qu’il traverse.
“Cette posture du président de la République risque de plonger le Sénégal dans le chaos en créant les conditions d’une instabilité institutionnelle, économique et sociale dont le pays mettrait du temps à se relever”, a alerté Mme Sy, en lisant une déclaration devant des journalistes.
Disant tirer les conséquences des propos du chef de l’Etat lors de son entretien en direct à la télévision publique (RTS) avec des médias sénégalais, Aar Sunu election invite le Conseil constitutionnel à prendre ses responsabilités en fixant une nouvelle date pour l’élection présidentielle.
Les responsables de la plateforme d’organisations se réclamant de la société civile ont ainsi fait part de leur volonté d’organiser un rassemblement samedi à Grand Yoff, un quartier de Dakar.
Ils ont également demandé à chaque électeur de se rendre, dimanche 25 février, à son bureau habituel de vote en guise de protestation contre le report du scrutin.
Aar Sunu election dit envisager d’appeler à une journée villes mortes sur toute l’étendue du territoire, mardi.
Le Sénégal est en proie à une crise politique née de l’annonce du report de l’élection présidentielle devant déboucher sur le choix d’un successeur au président Macky Sall, au pouvoir depuis 2012 et qui a renoncé à briguer un nouveau mandat de 5 ans.
Vendredi, plus tôt dans la journée, seize des 19 candidats retenus par le Conseil constitutionnel ont fait part de leur décision de ne pas répondre au dialogue convoqué par le chef de l’Etat.
La convocation de cette concertation est le procédé choisi par Macky Sall préalablement à la détermination d’une nouvelle date pour l’élection présidentielle.
Il s’était notamment engagé le 16 février à pleinement exécuter une décision du Conseil constitutionnel invitant les autorités compétentes à fixer une date pour l’élection présidentielle, après que la juridiction a constaté l’impossibilité de l’organiser le 25 février, comme initialement prévue.
Dans cette même décision, le Conseil constitutionnel a jugé ‘’contraire à la Constitution’’, l’adoption par l’Assemblée nationale, d’une loi repoussant au 15 décembre prochain la tenue du scrutin.
Cette loi parlementaire a été votée le 5 février, deux jours après que le président de la République a annoncé, lors d’un discours à la nation, l’abrogation du décret par lequel il avait convoqué les électeurs aux urnes le 25 février.
En prenant cette décision, le 3 février, il a invoqué des soupçons de corruption concernant des magistrats parmi ceux qui ont procédé à l’examen des 93 dossiers de candidature et jugé recevables 20 d’entre eux.
S’adressant à la nation, le chef de l’État a souhaité l’organisation d’’un dialogue national ouvert, afin de réunir les conditions d’une élection libre, transparente et inclusive dans un Sénégal apaisé’’.
Les accusations de corruptions ont été portées par des députés du groupe parlementaire du PDS (Parti démocratique sénégalais), dont le dossier de candidature de son leader, Karim Wade a été déclaré irrecevable par le Conseil constitutionnel en raison de la double nationalité française et sénégalaise du fils de l’ancien président Abdoulaye Wade.
Au Sénégal, il faut être de nationalité exclusivement sénégalaise pour briguer la magistrature suprême, selon la loi électorale. Les membres du groupe parlementaire Liberté et démocratie ont demandé et obtenu la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire pour faire la lumière sur les allégations de corruption et de connexions douteuses.
L’ouverture d’une information judiciaire a mis fin aux travaux de cette commission d’enquête parlementaire.
Quatre personnes ont perdu la vie dans les violences qui ont émaillé les manifestations de protestation contre le report annoncé de l’élection présidentielle. Ces victimes ont été enregistrées à Dakar, Saint-Louis et Ziguinchor lors de heurts ayant opposé des protestataires aux forces de l’ordre.
Ces évènements ont été suivis quelques jours plus tard par une vague de libérations d’activistes et de militants arrêtés dans le cadre d’activités en lien avec leur engagement politique.