UN PROJET DE LOI D'AMNISTIE TRÈS POLÉMIQUE
Le projet de loi d'amnistie défendu par Macky Sall fait des vagues au Sénégal. Sa propre majorité lui fait front, dénonçant un "déni de justice". L'opposition crie également à l'"impunité". Dans ce climat explosif, l'avenir du texte interroge
Le projet de loi d'amnistie sur les faits liés aux manifestations politiques entre 2021 et 2024 présenté par le président sénégalais Macky Sall fait l'objet de vives controverses, révèle une enquête du journal Le Monde.
Porté par le chef de l'Etat comme un geste en faveur de "la cohésion nationale" dans le contexte de crise politique née du report de l'élection présidentielle, ce texte vise selon lui à "surmonter ces moments difficiles" à travers "l'amnistie et le pardon". Il prévoirait d'amnistier les personnes poursuivies dans le cadre des manifestations qui ont fait une soixantaine de morts ces dernières années.
Cette mesure permettrait notamment à l'opposant Ousmane Sonko, en détention depuis sept mois, de recouvrer la liberté. "Je souhaite, au-delà du souci légitime de justice et de redevabilité, que l’amnistie et le pardon, par leurs vertus salutaires pour la nation, nous aident à surmonter ces moments difficiles", a déclaré Macky Sall lors de l'ouverture d'un dialogue national boycotté par la majorité des candidats à la présidentielle.
Cependant, ce projet suscite d'importantes réticences au sein même de la majorité présidentielle, rapporte Le Monde. "Certains ministres l'ont durement désapprouvé", affirme une source proche du chef de l'État. Lors de la présentation du texte, le ministre du Travail Samba Sy, membre d'un parti allié, a ainsi "vertement dénoncé ce projet", selon ses termes: "Notre parti ne peut accepter que l’université ait été brûlée en chantant, que deux jeunes filles aient été consumées dans un bus".
De nombreuses voix s'élèvent également dans l'opposition pour dénoncer un "déni de justice". "Cette loi n’a pas pour but de pacifier le pays (...) Le président veut en fait protéger les membres des forces de sécurité, des responsables politiques et les nervis qui ont participé aux sanglantes répressions", affirme le directeur d'Amnesty International Sénégal.
Alors que le pays traverse l'une de ses plus graves crises, les débats sur ce projet de loi s'annoncent âpres. Le texte devra être adopté par une Assemblée divisée, la majorité présidentielle ne disposant que de 80 députés sur 165. Au sein même du camp de Sonko, certains dénoncent une "légalisation de l'impunité", plaçant les députés de l'opposition face à un dilemme.