CHAQUE ANNEE, DES MILLIARDS DE DENIERS PUBLICS SE VOLATISENT DANS L’ARENE
Aujourd’hui, nous revenons sur les relations entre les responsables politiques et les acteurs de la lutte pour poser la question : Rupture ou continuité ?
Dans son édition du vendredi 05 avril dernier, « Le Témoin » se félicitait de la déroute des lutteurs et promoteurs avec la chute du régime de Macky Sall. Et surtout quand on sait que la plupart d’entre eux ne s’activaient qu’au rythme des tam-tams financiers des responsables politiques de l’Apr/Bby. D’où l’instrumentalisation de la lutte, rimant avec la tympanisation des citoyens, à des fins politiques. Aujourd’hui, nous revenons sur les relations entre les responsables politiques et les acteurs de la lutte pour poser la question : Rupture ou continuité ?
Pour mieux camper le « face-to-face » de la déroute électorale des lutteurs et responsables politiques d’une part ; lutteurs et « businessman » de la frappe (door marteau !) d’autre part, il nous « déplait » de rappeler que, durant les douze de règne de l’Alliance pour le Progrès (Apr) de Macky Sall, tous ces acteurs de la lutte s’étaient ligués contre les leaders de l’opposition. Et particulièrement les responsables politiques aux colorations « Pastef ». D’où l’instrumentalisation de la lutte sénégalaise — et la tympanisation des citoyens ! — à des fins politiques. Pour matérialiser cette politisation politicienne de l’arène, managers, lutteurs et promoteurs avaient fini par loger dans leur agenda financier annuel d’innombrables combats ou « drapeaux » dédiés aux « Aperistes » : « Drapeau Boun Abdallah Dionne», «Drapeau Cheikh Kanté », «Drapeau Youssou Ndour », «Drapeau Marieme Faye Sall », «Drapeau Matar Ba », « Drapeau Amadou Ba », «Drapeau ElHaj Mansour Mbaye », «Drapeau Lat Diop » etc. Au delà de ces drapeaux aux parrainages « Apéristes », les promoteurs-politiciens, en complicité avec le ministre des Sports Lat Diop, remplacé juste avant l’élection présidentielle par Mame Mbaye Niang, ont eu à ficeler plusieurs combats en pleine pré-campagne et campagne électorale. Ce pour divertir le bon peuple et détourner son attention des multiples scandales du pays. Voire d’un éventuel holdup électoral. Les combats montés étaient les suivants : Siteu /Narou Sogas, Modou Lo /Boy Niang, Landy Fall /Tidiane, Gora Gaye/Khérou Ngor, Gris Bordeaux /Ama Baldé et autres affiches passionnantes.
En organisant ces chocs de gladiateurs, promoteurs «door marteau » et leaders de la mouvance présidentielle pensaient que la lutte pouvait détourner les jeunes de l’opposition incarnée par Ousmane Sonko. Ils s’étaient trompés de calcul électoral ! Comme l’avait si bien révélé « Le Témoin », la coalition Apr-Bby a perdu au soir du scrutin du 25 mars dernier dans tous les grands centres de vote et quartiers populaires où habitent des lutteurs et promoteurs pro-Macky à savoir Boy Niang 2, Moustapha Guèye « Fass », Balla Gaye 2, Modou Lo, Pape Abdou Fall, Baye Niang 2, Gaston Mbengue, Luc Nicolaï, Mansour Ba, Gris Bordeaux, Kandji Production etc. Ils ont tous subi les quatre appuis infligés par le duo « Diomaye-Sonko » dépourvu de drapeaux, de sponsors, de gris-gris et de marabouts.
Le reveil de l’arène !
Dommage que les politiciens n’apprennent pas des erreurs des autres. Surtout face à l’éveil de la conscience citoyenne des jeunes devenus de plus en plus matures sur le plan politique. Toujours est-il que depuis le président Abdou Diouf jusqu’à ses successeurs Me Abdoulaye Wade et Macky Sall, les promoteurs et managers de lutte sont prompts à s’allier avec les régimes en place. Pourtant, ils ne sont pas des militants politiquement engagés mais des hommes d’affaires intéressés par l’argent. Et rien que par l’argent ! Selon un ancien célèbre chroniqueur de lutte à la retraite, seul le regretté Serigne Modou Niang de « Mouniang Productions » a été fidèle à Abdoulaye Wade jusqu’à son rappel à Dieu. « D’ailleurs, On le surnommait le ‘Promoteur de l’alternance’. Et Serigne Modou Niang l’est resté après le départ du pouvoir de Me Wade en continuant à revendiquer son appartenance au Pds jusqu’à son décès survenu le 28 janvier 2023 » se souvient notre interlocuteur.
En tout cas, de nombreux promoteurs ont tourné casaque après la chute de Me Wade. Les drapeaux qui portaient les noms des responsables politiques « Sopistes » (ministres, Dg, députés, maires) ont changé radicalement de parrains. Du jour au lendemain, les parrains étaient des responsables de l’Apr ou de Benno qu’ils soient ministres, Dg, députés et maires. Oubliés, les responsables du Pds ! Ignorés, les leaders de l’opposition surtout ceux de Pastef ! A quelques mois de la dernière présidentielle, croyant sans doute qu’ils pourraient détourner les jeunes du parti Pastef qui les fascinait tant, le désormais ancien président de la République Macky Sall le jour avait battu le rappel des lutteurs et promoteurs au Palais de la République. Confidences d’un ancien Directeur de l’Administration générale et de l’Equipement (Dage) d’un grand ministère. « Il est déplorable que le président Macky Sall avait mis en place un fonds de promotion de la lutte doté de plus de 500 millions cfa pour accompagner les promoteurs. Un geste qui avait encouragé certains ministres, directeurs de société et maires à puiser dans les deniers publics qu’ils distribuaient aux lutteurs et promoteurs. Un jour, j’ai remis une enveloppe de 25 millions cfa à un promoteur de lutte dont le drapeau portait le nom de mon ministre « apériste ». Et chacun des deux lutteurs à l’affiche avait reçu un montant de 5 millions cfa en guise de soutien. Sans oublier un montant de 2 millions en guise de tickets d’entrée au stade et de transports destinés aux supporteurs. Et tous ces fonds étaient puisés dans les caisses de l’Etat. Car aucun ministre, maire ou directeur de société ne va dépenser ses fonds propres dans l’arène, jamais ! » se désole notre interlocuteur qui nous révèle que chaque année, des dizaines de milliards de deniers publics se volatisent dans l’aréne.
Les confidences d’un ex-Dage…
Il est vrai que la lutte étant le sport le plus populaire après le football donne l’occasion aux responsables politiques de montrer leur capacité de mobilisation en venant au stade avec une cohorte de militants, en plus des cars remplis de supporters nourris, transportés et habillés par…l’Etat. « Ces millions de francs dépensés peuvent pourtant servir à aider les populations démunies qui sont un électorat considérable. Comment peut-on donner autant d’argent public à un seul promoteur privé qui fait le montage d’un combat à plus de 100 millions cfa alors qu’il avait déjà le soutien des sponsors ? » s’étrangle un ancien conseiller technique du ministre des Sports interrogé par « Le Témoin ». Avant de déplorer : « C’est la même chose pour les lutteurs qui, après le combat, ne remercient jamais l’entraîneur ou le manager qui a négocié le contrat, mais le responsable politique qui a affrété les cars, payé les billets et le repas pour les supporters. Si ce n’est pas de l’ingratitude, c’est tout comme ! » pense-t-il.
La razzia électorale de Pastef dans les « fiefs » de toute cette faune a montré l’inconscience des responsables « Apr » qui avaient du mal à comprendre que les lutteurs et promoteurs n’ont pas d’amis mais seulement des intérêts. Il est à souhaiter que les nouveaux dirigeants du pays rompent avec ces vieilles méthodes. Même si le sport occupe une bonne place dans leur programme, ne doivent pas accepter de parrainer des combats de lutte ou des soirées mondaines auxquelles nous étions habitués et lors desquelles, on assistait à des ballets de driankés, d’épouses de ministres parées de bijoux dont les montants distribués pouvaient construire des postes de santé ou des bornes-fontaines. Sans oublier les hommes politiques qui rivalisaient de générosité et de richesses en faisant du « battré » qui agaçait l’opinion publique.
En tout cas, les hommes et femmes du nouveau régime sont élus pour faire la rupture et combattre le gaspillage. Ils doivent en être conscients car si ces pratiques de parrainages et de gaspillages étaient payantes, les pouvoirs qui les ont devancés ne seraient jamais battus et trôneraient encore à la tête de ce pays !