DAAKAA, TERRE DE PÈLERINAGE ET DE TRANSACTIONS DE CHAPELETS
Sous le soleil brûlant, les vendeurs s'activent depuis le début de la retraite spirituelle. Certains sont installés dans de modestes huttes, exhibant leur marchandise de manière statique. D'autres parcourent les allées, à la recherche de clients
Les vendeurs de chapelets sont omniprésents au Daakaa, une retraite spirituelle annuelle qui se tient sur un site situé à 10 km de la commune de Madina Gounass, dans le département de Vélingara (sud).
Cet objet de dévotion est très prisé par les pèlerins qui l’utilisent pour faire leurs invocations quotidiennes (zikr) durant les dix jours de cette retraite spirituelle qui se déroule en pleine brousse.
Des commerçants venus du Sénégal et de la sous-région ont pris d’assaut le site dès le premier jour de la 83e édition du Daakaa, lancée officiellement samedi, par le khalife de Madina Gounass, Thierno Amadou Tidiane Ba.
Certains d’entre eux exposent leurs chapelets sur les principales allées du site, dans des huttes faisant office de cantines. D’autres misent sur la mobilité en se faufilant dans les foules des fidèles dans l’espoir d’écouler rapidement ces objets de dévotion utilisés pour accomplir des zikr.
Sur l’allée principale jouxtant la grande tente sous laquelle se tiennent les prières quotidiennes, des chapelets sont exposés devant des huttes.
Assane Ba, un ressortissant d’Agnam (région de Matam, nord) basé à Dakar, a déjà fini de s’installer et d’exposer ses chapelets. Depuis sept ans, Ba vient au Daakaa pour vendre des chapelets qu’il confectionne lui-même. Tête baissée, assis sur une natte, le jeune garçon est concentré sur un gros fil noir dont un bout est noué autour de son gros orteil droit et le second entre ses doigts. Il fait glisser une perle, puis une autre, afin de respecter le nombre requis.
Il précise que suivant le type de chapelet, il peut varier entre 99 et 100 perles. Les chapelets de 100 perles sont plus nombreux, s’empresse-t-il de signaler.
La tête recouverte d’un bonnet dont la couleur est vraisemblablement ternie par le chaud soleil, Assane Ba vient au Daakaa pour vendre ses chapelets, mais aussi et surtout pour la retraite spirituelle. Il passe ainsi une partie de la nuit à prier et à faire les douze mille salatoul fatiha recommandés par le fondateur du Daakaa.
Son commerce de chapelets l’amène à fréquenter régulièrement le Daakaa de Madina Gounass, le Magal de Touba, les Gamou de Tivaouane et de Madina Baye. Il peut confectionner entre 5 et 15 chapelets par jour. Tout dépend de son humeur et de sa détermination, s’empresse d’ajouter.
Une ruée qui se fait attendre
Entouré d’autres panôtriers et vendeurs de chapelets, il guette vainement l’arrivée des clients qui ne se bousculent pas encore devant sa hutte. Une situation qu’il explique par l’arrivée tardive des pèlerins sur le site, même s’il espère une grande affluence vers la fin du Daakaa.
‘’Nous sommes juste au deuxième jour. Il nous reste huit jours, donc les acheteurs viendront’’, prédit-il, soulignant n’avoir vendu que 7 chapelets pour des prix variant entre 5000 mille et mille francs.
Harouna Ka, lui aussi confectionneur et vendeur de chapelets, a fini de prendre ses quartiers sur la même allée. La cinquantaine révolue, la tête revêtue d’un bonnet, l’homme est assis, un tas de perles noires enserré entre les jambes.
Il confectionne des chapelets à 5000 francs l’unité. Les chapelets exposés devant sa hutte sont vendus plus chers, car coûtant 90 000 francs l’unité, précise-t-il. D’autres chapelets de qualité supérieure peuvent même coûter jusqu’à 300 000 francs, dit-il.
Les chapelets ‘’youssourou’’ qui viennent de La Mecque, sont vendus à 70 000 francs, signale-t-il. Au passage, il vante la qualité des grains avec lesquelles ils sont fabriqués.
Les chapelets dits ‘’dialambaré’’ et ‘’baxline’’ sont vendus respectivement à 5000 et 40000 francs, informe le quinquagénaire, non sans préciser qu’ils sont confectionnés au Sénégal.
Il déplore la faible affluence des clients qui ne favorise guère les bonnes affaires. Depuis 1989, année où il a commencé à venir au Daakaa, c’est pendant les vendredis précédant la clôture de la retraite spirituelle que les fidèles s’arrachent les chapelets. ‘’Je réussis toujours à écouler le plus grand nombre de mes chapelets ce jour-là’’, se félicite-t-il.
A l’en croire, les chapelets vendus entre 5000 francs et 90 000 francs sont utilisés par les fidèles pour accomplir les recommandations de l’initiateur du Daakaa, Thierno Mamadou Saidou Ba. Avec ce type de chapelet, les pèlerins font chaque jour 12000 zikr de ‘’salatoul fatiha’’, durant les dix jours de recueillement et de piété, déclare-t-il.