LICENCES DE PECHES : LES MYSTÈRES D’UNE LISTE
La publication récente de la liste des bateaux autorisés à pêcher soulève plusieurs interrogations sur la transparence et l'équité du processus, certains navires étrangers ou entreprises semblant bénéficier d'un traitement de faveur
C’est désormais chose faite. La liste des attributaires de licences de pêche est depuis hier connue. En effet, la nouvelle ministre des Pêches a satisfait à l’exigence de transparence dans la conduite des affaires de l’Etat que prône le nouveau régime. «Conformément aux engagements des plus hautes autorités, je rends publique la liste des navires autorisés à pêcher dans les eaux sous juridiction sénégalaise, à la date du 6 mai 2024. Cet acte répond au principe de transparence dans la gestion des ressources naturelles qui
constituent un patrimoine national», a indiqué Dr Fatou Diouf dans son avis. Elle a cependant précisé que cette liste ne tient pas compte des dossiers qui sont en cours de renouvellement.
Les mystères du Dr Fatou Diouf Ce qui témoigne d’un fait. La publication de la liste s’est faite dans la précipitation. Déjà sous le ministre Alioune Ndoye, 129 bateaux battaient pavillon sénégalais. Et Pape Sagna Mbaye en a attribué au moins une quinzaine. A peine un mois après son installation, la nouvelle ministre a publié une liste de 132 bateaux battant pavillon sénégalais. Ce qui montre, selon des sources dignes de foi, que la liste a été établie à la va-vite, donc bâclée. Autre mystère qui interpelle dans cette liste, c’est la prééminence de certains armements. C’est le cas par exemple de SOPASEN. Cette société
qui appartient à Saër Seck, ancien président de la ligue sénégalaise de Football professionnel et président de l’institut de Football Diambars et à l’homme d’affaire Adama Lam du patronat sénégalais alimente la suspicion dans le milieu de la Pêche. Puisque ces deux plus grands activistes dans le secteur maritime avec leurs partenaires français se sont taillé la part du lion en se retrouvant avec 20 licences dans des zones réservées principalement à la pêche artisanale. Une prééminence qui provoque une rupture d’équité dans l’attribution des licences de pêches.
Autre mystère qui interroge, c’est que des navires qui ne battent plus pavillon sénégalais depuis 4 ans figurent sur la liste. C’est comme les licences des bateaux YI FENG 15 et YI FENG 16. Il faut aussi dire que la liste des attributaires de licence de pêche confirme un rapport de l’Office national de lutte contre
la fraude et la corruption (Ofnac). En effet, dans son rapport de 2021, l’Ofnac révélait que parmi les 131 navires battant pavillon Sénégalais, « figurent des navires avec des noms à consonance chinoise mais appartenant à des sociétés de droit sénégalais, car naturalisés conformément au Code de la Pêche maritime ». Dans la liste publiée par la nouvelle ministre des Pêches, on y voit des noms d’armement à consonance chinois, coréen, espagnol et italien battant pavillon sénégalais alors qu’ils sont des sociétés de droit sénégalais.
Une enquête est en cours sur l’attribution des licences
Selon la liste, au total 19 navires étrangers ont été autorisés jusqu’au 2 mai 2024 à pêcher dans les eaux sénégalaises. Ils sont tous de l’Union européenne dont 11 battants pavillons espagnols et 8 battants pavillons français. Toutefois, précise le ministère des Pêches, sur ces 19 navires étrangers, deux ne sont pas des navires de pêche mais des navires d’appui aux senneurs. La période de validité des licences s’arrête pour la quasi-totalité des navires étrangers, le 17 novembre 2024 excepté le navire battant pavillon français et immatriculé CC 933 961. Dans la liste publiée par le ministère des Pêches, il est indiqué que sa licence court jusqu’au 31 décembre 2024. S’agit-il d’une licence ou d’une autorisation de pêche ?
Au Sénégal, les autorisations de pêche sont accordées pour une période de 6 mois, renouvelables une fois. Alors qu’une fois que la licence est délivrée, elle est renouvelable chaque année. Toujours est-il, selon une source du secteur de la pêche, qu’une enquête est déjà ouverte dans les services du ministère des Pêches sur l’attribution des licences de pêches. Car il y a un décalage entre le nombre déclaré et le nombre existant de pirogues dans les eaux sénégalaises.