LUTTE CONTRE LA CORRUPTION : COMMENT L'OFNAC A ÉTÉ RENFORCÉ
Ce nouveau dispositif anti-corruption améliorera, à coup sûr, l'efficacité de l'Office dans la lutte contre la prévarication des deniers publics.
"La corruption est un mal insidieux dont les effets sont aussi multiples que délétères. Elle sape la démocratie et l'Etat de droit, entraîne des violations des droits de l'homme, fausse le jeu des marchés, nuit à la qualité de la vie et crée un terrain propice à la criminalité organisée, au terrorisme et à d'autres phénomènes qui menacent l'humanité". Elle constitue, en effet, un frein à la croissance économique en même temps qu'elle décourage l'investissement privé, surtout étranger, réduit les ressources disponibles pour le développement et menace les fondements de l'Etat de droit.
La corruption n'épargne aucun pays, aucun secteur d'activité et constitue une véritable entrave au développement des Etats. C'est la raison pour laquelle, sur le plan international, une convention strictement dédiée à la lutte contre ce fléau été adoptée en 2003. Il s'agit de la Convention des Nations Unies contre la corruption que le Sénégal a ratifiée en 2005.
Au niveau national, le Sénégal a érigé la Bonne Gouvernance, la transparence, la lutte contre la corruption et la concussion en principes à valeur constitutionnelle.
En sus, il a mis en place un arsenal normatif et institutionnel pour faire face à la fraude, la corruption, l'enrichissement illicite, aux infractions connexes et pratiques assimilées dont la Loi n°2024-06 du 09 février 2024 modifiant la loi n° 2012-30 du 28 décembre 2012 portant création de l'Office national de Lutte contre la Fraude et la Corruption (OFNAC).
Dix (10) ans après la création de l'OFNAC, des limites quasiment légales sont constatées. Il s'agit, entre autres, de la stagnation des dossiers d'enquêtes déposés auprès du Procureur de la République par l'OFNAC, de l'absence de pouvoirs pour les enquêteurs de l'OFNAC de poser certains actes d'enquête et d'utiliser certaines techniques d'enquêtes comme le font les officiers de police judiciaire.
C'est dans ce sens que la réforme de 2024 revêt beaucoup d'intérêt avec comme innovations majeures, entre autres, le renforcement des pouvoirs d'investigation de l'Office par la possibilité de prendre des mesures de garde à vue, de faire des enquêtes pour les enquêteurs assermentés de l'OFNAC et les officiers de police judicaire sur saisine du Président de l'OFNAC, faire usage des techniques d'enquêtes, dans les conditions et formes prévues par les textes en vigueur, prendre une mesure de gel de biens, de fonds ou d'autres ressources détenus, possédés ou contrôlés par toute personne physique ou morale contre qui existent des indices de commission des faits de fraude, corruption, d'enrichissemnt illicite, de pratiques assimilées et d'infractions connexes.
La loi nouvelle apporte par ailleurs une réponse aux exigences résultant de la CNUCC, de rationaliser les interventions en matière de lutte contre la corruption.
À cet effet, les compétences de l'OFNAC sont étendues à toutes les infractions prévues par ladite Convention, notamment à l'enrichissement illicite, qui relevait de plusieurs autorités d'enquête, avec son lot d'inefficacité et de conflits de compétence.
Entre autres innovations, nous pouvons retenir l'allongement et l'uniformisation des délais de prescription de l'action publique en matière de lutte contre la corruption et les délits assimilés, qui passent pour la plupart (enrichissement illicite, corruption active, corruption passive etc.) de 3 à 7 ans à compter de la date des faits ou de l'acquisition du bien visé dans la poursuite, comme en matière de détournement de deniers publics.
Il convient de préciser que la loi nouvelle met un terme au débat sur le point de départ du délai de prescription en matière d'enrichissement illicite, que certains spécialistes fixent à la date des faits, d'autres à la cessation des fonctions, d'autres à la mise en demeure, etc.
En effet, pour l'enrichissement illicite, le délai de prescription de l'action publique court à compter de la date d'acquisition, du bien visé de la poursuite; si plusieurs bien sont en cause, le délai de prescription court pour chaque bien, à sa date d'acquisition; tout bien acquis moins de 7 ans avant la poursuite, peut être pris en compte dans la poursuite.
Cette rigueur dans l'allongement des délais de prescription s'explique par les difficultés et la complexité de la détection et de la répression des délits liés aux deniers publics.
Dans le même sillage, le législateur a renforcé l'OFNAC en légiférant sur le délit d'entrave au fonctionnement de l'OFNAC qui s'explique par le refus non justifié de répondre à une convocation de l'OFNAC, le refus d'exécuter les instructions du Président de l'OFNAC, le refus de communiquer toute information ou tout document utile dûment réclamé dans le cadre de l'exécution de ses missions et le fait de jeter le discrédit sur l'OFNAC ou sur un de ses organes.
La loi n°2024-06 du 09 février 2024 modifiant la loi n° 2012-30 du 28 décembre 2012 portant création de l'OFNAC a posé de grand bond en avant en matière de lutte contre la corruption. D'ailleurs, c'est ce qui nous a motivés à considérant cette réforme de 2024 comme consolidante de la Bonne Gouvernance en général, de la lutte contre la corruption en particulier.
Ce nouveau dispositif anti-corruption incarné par l'OFNAC, améliorera, à coup sûr, l'efficacité de l'Office dans la lutte contre la prévarication des deniers publics.
Saliou DIOP, Juriste, Enseignant-chercheur,
Expert formateur en Bonne Gouvernance et Lutte contre la Corruption