IL FAUT DECANTER ET DECAPER LA NEBULEUSE DES HYDROCARBURES ET DES MINES
A l’heure où les Sénégalais s’indignent des scandales révélés par les rapports des corps de contrôle (Ige, Cour des comptes, Contrôle financier), il leur est aussi loisible d’exiger que la lumière soit faite sur les contrats gaziers, pétroliers et miniers
A l’heure où les Sénégalais s’indignent des scandales révélés par les rapports des corps de contrôle (Ige, Cour des comptes, Contrôle financier), il leur est aussi loisible d’exiger que la lumière soit faite sur les contrats gaziers, pétroliers et miniers. En langage technique, il est nécessaire de décanter et décaper la nébuleuse des hydrocarbures et des mines. Cette exigence citoyenne est d’autant plus légitime que le Sénégal est décrit comme un futur eldorado avec une croissance à deux chiffres.
Monsieur Macky Sall, prédécesseur du Président Bassirou Diomaye, s’offusquait d’entendre le commun des Sénégalais s’exprimer sur ces questions qu’il a délimitées comme étant la chasse gardée des sachants de son acabit. Dans sa vision des choses, les citoyens sont tenus de croire, sans exprimer le moindre doute, aux promesses d’une vie meilleure avec l’exploitation de nos ressources naturelles, principalement le gaz et le pétrole.
Entre l’espoir et la naïveté, il n’y a qu’un pas que nos compatriotes, exigeants sur eux-mêmes et sur leur gouvernement, se garderont de franchir. Leur circonspection est fondée car aucune communication clairement déroulée ne leur permet de saisir la justesse et la fiabilité des projections faites concernant cette exploitation desdites ressources naturelles.
En attendant de voir les premiers barils de pétrole et les premiers mètres cubes de gaz dépotés dans les raffineries et centrales électriques, il convient d’abord de mettre de l’ordre dans le secteur minier où les exploitants trainent les pieds, font de la résistance abusive pour s’acquitter de la redevance minière et d’autres taxes dûment exigées au titre de l’appui aux collectivités locales dont ils accaparent les terres arables au détriment de l’agriculture.
Sous prétexte qu’elles appliquent, pour des montants dérisoires du reste, une politique de responsabilité sociétale, les entreprises minières appauvrissent démesurément les populations dont les revendications entraînent une répression inadmissible des forces de sécurité réquisitionnées pour faciliter la tâche aux capitalistes sans état d’âme. Et il n’est nul besoin d’aller jusqu’à Kédougou pour voir des exemples de ces exactions des compagnies minières au détriment des populations sur les terres desquelles elles exercent. A titre d’exemple, non loin de Dakar, dans l’arrondissement de Méouane (région de Thiès), des groupes miniers comme Indorama et Grande Côte Opération (Gco) décapent, à qui mieux- mieux, des milliers d’hectares pour exploiter des phosphates et du zircon. Les impacts sur l’environnement et la santé sont nuisibles et les populations riveraines des installations n’en peuvent plus de suffoquer sans une prise en charge médicale adéquate. Et sans bénéficier des retombées de l’exploitation de leurs terres.
L’attrait de l’or a dépeuplé les champs…
A Kédougou, dans la région naturelle du Sénégal-Oriental, l’exploitation de l’or a réduit les surfaces agricoles comme peau de chagrin. Dans cette région jadis propice aux cultures du coton, du riz et du fonio, la soif de l’or a désorienté les priorités économiques. Naguère engagées dans une stratégie d’intensification des cultures, sous l’encadrement de la société de développement des fibres et du textile (Sodefitex), les populations de cette région se contentent aujourd’hui d’une production vivrière minimale. L’attrait de l’or a dépeuplé les champs et cette ruée vers le métal jaune a compromis les perspectives de développement agricole offertes par l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Gambie (Omvg).
Or, de cet or (sans jeu de mots !), les Sénégalais n’en ont qu’une vague connaissance. Pour ne pas dire qu’ils n’en voient pas les retombées. Depuis plus qu’un quart de siècle, ils en entendent parler sans que leur quotidien en ait été transformé qualitativement.
Au nord de notre pays, dans la circonscription administrative de Matam (région naturelle du Fouta-Toro), l’exploitation du gisement de phosphate de Ndéndory, Orkodiéré et Ouali-Diala est réellement un énorme gâchis. Concédé sur des bases nébuleuses pour enrichir des hommes de paille, ce gisement est malheureusement exploité selon des procédés aux antipodes de choix économiques raisonnables. Résultat, les affairistes se disputent sans cesse les panneaux miniers au mépris des dispositions réglementaires. D’où l’impératif d’un redressement sur la base d’un code minier judicieusement élaboré pour mieux situer les intérêts de l’État dans la constitution des sociétés concessionnaires.
Parallèlement aux erreurs de l’exploitation minière, le gouvernement doit se pencher résolument sur la complexité des contrats établis pour l’exploitation des hydrocarbures. Il est évident qu’il aura fort à faire pour déjouer les coups fourrés des majors dans l’exploitation du gaz et du pétrole. Les coûts cachés et les sociétés-satellites induisent une répartition inappropriée des profits. Les sociétés satellites sont créés pour l’évasion fiscale et l’usurpation des ressources théoriquement destinées au contenu local. Ces facteurs doivent être cernés et corrigés de sorte que les gisements ne deviennent pas un marais dans lequel le Sénégal s’enlisera.
En bonne intelligence avec la République de Mauritanie, et dans une dynamique de réajustement sans ambiguïté, les autorités de notre pays ont l’impérieux devoir de normaliser le processus qui doit aboutir à un partage convenable des recettes de l’exploitation de notre pétrole et de notre gaz.
Mbagnick Diop