BAH DIAKHATE, LE MIROIR QUE SONKO NE VEUT PAS REGARDER
Le Premier ministre pensait que tout ce qu’il disait des autres leur glissait sur la peau et retournait dans les caniveaux. Et si désormais il pense que sa position de pouvoir ne devrait autoriser des attaques contre sa personne, c’est assurément un aveu
L’arrestation de l’activiste Bah Diakhaté et de l’imam Cheikh Tidiane Ndao, pour avoir tenu des propos abjects, est fort regrettable. On ne peut préjuger du verdict qui sera rendu par le Tribunal des flagrants délits. Cependant, il convient de dire notre gêne devant les propos obscènes tenus à l’endroit de l’homme Ousmane Sonko, père de famille, dont la dignité et celle de ses proches doivent être respectées. La personne du Premier ministre doit être respectée et des égards lui sont dus. J’ai exprimé ma compassion à mon ami Bah Diakhaté, pour les tribulations qu’il subit. Pour autant, je lui ai signifié qu’il a malheureusement donné à ses adversaires le bâton pour se faire battre, pour lui régler quelques petits vieux comptes. Cet épisode de la vie publique sénégalaise est plein d’enseignements. La première leçon est qu’on découvre que Ousmane Sonko est sensible aux attaques ad personam et en dessous de la ceinture. Franchement, je ne pouvais croire qu’une personne qui pouvait se mettre sur la scène publique pour insulter, vilipender, affabuler sur d’autres personnes, souffrirait qu’on lui retourne ses propres armes. Ousmane Sonko a encouragé ses partisans à déverser toutes sortes d’insanités sur des personnes dont ils ignoraient tout de leur vie, de leur parcours et de leur moralité.
Le pari de Pastef était à qui insulte le mieux, le plus salace
Il fallait chercher à faire mal et le pari pour Pastef était à qui profère le plus de grossièretés, les plus salaces. Il n’y avait le moindre égard ou le moindre respect pour le chef de l’Etat, les membres du gouvernement, les autorités administratives, judiciaires, militaires ou religieuses. Ils ne respectaient rien, ni personne. Aucun scrupule, tout était désacralisé, y compris surtout la vie privée de celles et ceux qui ne sont pas de leur bord politique. Le comble a été, le 7 février 2023, jour où le Khalife général des Niassènes, Cheikh Mahi Niass, dira avec une émotion à peine contenue : «Je sais qu’après je vais essuyer une bordée d’insultes, mais pour le bien du Sénégal, je dirai ce que j’ai à dire.» Ousmane Sonko donnait le ton en insultant à chacune de ses sorties, la plus haute autorité du pays, le président de la République. On comprend pourquoi il s’emploie quotidiennement à supprimer certains de ses déclarations et de ses posts des réseaux sociaux. On peut présumer que les cinq années à venir ne suffiront pas à ses équipes pour terminer d’épurer et de dépolluer ses pages et autres murs publics de leurs désormais trop pesantes boules puantes. En effet, depuis qu’il est entré sur la scène publique, il n’existe pas une sortie de Ousmane Sonko, syndicaliste ou homme politique, dans laquelle on ne trouve pas matière à diffamation, injures ou fausses accusations ou contre-vérités proférées contre des personnes et/ou des autorités publiques. Ses détracteurs se font un malin plaisir à faire circuler ses vidéos vieilles de quelques semaines ou mois ou années ! Mais il est amusant aujourd’hui d’observer que si l’on s’en prend à sa personne de la même manière, Ousmane Sonko en souffre tant, jusqu’à pester et ordonner l’arrestation des sales et grandes gueules. Bah Diakhaté en est le parfait révélateur. Peut-être que le nouveau Premier ministre pensait que tout ce qu’il disait des autres leur glissait sur la peau et retournait dans les caniveaux. Et si désormais il pense que sa position de pouvoir ne devrait autoriser des attaques contre sa personne, c’est assurément le meilleur aveu ! «Quand tout va mal, regarde-toi dans le miroir», conseille le proverbe chinois. L’histoire des peuples enseigne que les autocrates ne reculent devant aucune lâcheté pour épargner leur propre personne des sorts cruels auxquels ils soumettraient les autres. Qui n’a pas remarqué que ceux qui cherchent à accabler Bah Diakhaté s’indignent qu’il aurait reçu des libéralités de la part de personnalités proches du régime politique déchu ? Qui organisait la «Mafia kacc kacci» pour collecter des dizaines de millions de francs en vue de suborner des témoins pour faire mentir Adji Sarr qui accusait Ousmane Sonko de viols et sévices sexuels ? Qui avait récompensé par ce moyen un officier de la gendarmerie radié pour avoir publiquement confessé avoir sabordé une enquête judiciaire qu’il dirigeait ? Les initiateurs de l’opération ne semblent pas s’en rendre compte, mais «kacc» signifie mentir de façon invétérée en wolof. Le subconscient joue parfois quelques petits tours rieurs !
Protéger le Premier ministre dit-on, soit ! Que dire d’un président de la République ?
Au demeurant, Ousmane Sonko reconnait ainsi qu’il avait tout faux et avait totalement tort de parler des autres comme il le faisait. En outre, les poursuites pénales contre Bah Diakhaté et Cheikh Tidiane Ndao viseraient à protéger le «Premier ministre», dans l’esprit de protéger de l’offense «toute personne détentrice de tout ou partie des pouvoirs du chef de l’Etat». On peut applaudir le trait de génie des excellents parquetiers qui ont eu l’ingéniosité d’éplucher le Code pénal sénégalais pour sortir cette «nouvelle» arme d’emprisonnement massif ! Et cela renseigne alors qu’il était de bon escient de poursuivre toutes les personnes qui promettaient de réserver au président Macky Sall le sort de l’ancien président libérien Samuel Doe, qui avait été découpé, le 9 septembre 1990, en menus morceaux par les hordes du chef de guerre Prince Johnson. Faudrait bien admettre qu’à l’échelle des ignominies, ce sadisme ne dépasse pas les propos portés par Bah Diakhaté. Il semble donc qu’il était légitime et opportun de poursuivre toutes les personnes qui appelaient publiquement à l’insurrection et au coup d’Etat militaire, ou qui insultaient copieusement le président de la République, les autorités judiciaires, les hauts gradés de l’Armée, de la gendarmerie, de la police ou les hommes et femmes membres du gouvernement ou des autres institutions républicaines. Toutes personnalités et fonctions protégées par la loi, comme elles le sont toujours du reste ! Encore une fois, dans ces colonnes, le 26 février 2024, je m’interrogeais : «Pardonner à Ousmane Sonko ? Oui, mais le Sénégal serait digne d’un repentir !» C’était, il faut le rappeler, quand Macky Sall s’était assis sur son orgueil et la dignité des siens, pour s’accorder avec Ousmane Sonko sur le «pacte de Cap Manuel». Pourrait-on espérer un geste de grandeur quand on note que dans les premières nominations à de hautes fonctions publiques, le gouvernement s’est évertué à récompenser les insulteurs qui étaient les plus en verve ? Au point que, considérant être oublié dans les nominations, un hâbleur installé aux Etats-Unis d’Amérique, Ousmane Tounkara, multiplie les vidéos, pour exiger sa récompense, de la part du nouveau régime. Il exhibe ses hauts faits d’armes qui sont d’avoir insulté, brisé des ménages et financé l’insurrection armée. C’est lui-même qui l’avoue, comme pour narguer les victimes de crimes graves ! J’allais oublier, gagné par une grande magnanimité, Macky Sall a fait amnistier tous ces sordides faits ! Tounkara peut bien se permettre la revendication, car on a vu par exemple le tandem Diomaye-Sonko nommer, au poste de Directeur général d’une entreprise publique, une personne qui montrait sur des plateaux de télévision comment confectionner des cocktails Molotov et comment les balancer contre les Forces de sécurité ! Vous pouvez toujours effacer vos posts, Monsieur Sonko, les gens n’oublieront pas pour autant, tant que vous n’aurez pas l’honnêteté de reconnaître vos turpitudes et de vous en excuser ! On peut aussi espérer que vous en apprendrez la leçon, pour daigner enjoindre vos partisans de cesser d’insulter leurs opposants. Ce serait les supplicier sans fin, que vous les insultiez du temps où vous étiez dans l’opposition et que vous continuez de plus belle, depuis que vous êtes arrivé au pouvoir. C’est véritablement plus que la double peine que vous leur infligez si, de surcroît, vous vous mettez à utiliser l’appareil judiciaire pour les punir quand ils vous retourneront vos mots. Pire, c’est une quadruple peine, certaines sentinelles auto-proclamées du régime pastéfien promettent désormais de régler physiquement leurs comptes à tout impertinent qui manquerait de respect à Ousmane Sonko ! Un facile raccourci pour séduire et se rappeler au souvenir des signataires des décrets de nomination ? «Les belles âmes ne sont pas sans tâches et les meilleurs d’entre nous sont ceux qui regrettent dans la seconde moitié de leur vie, de n’avoir pas mieux employé la première» (Franz Liszt).
Bah Diakhaté, éligible au statut de détenu politique, selon les critères Tine-Gassama
Toutes choses égales par ailleurs, celui qui insulte un Premier ministre doit être considéré comme un détenu politique au Sénégal. N’a-t-on pas vu les plus grands dirigeants des organisations de la Société civile, notamment Alioune Tine et Seydi Gassama, revêtir de la grande dignité de détenus politiques, des personnes poursuivies et arrêtées pour avoir insulté un président de la République, appelé à l’insurrection, au coup d’Etat militaire, d’avoir accusé de hautes autorités publiques d’homosexualité ou de pratiques franc-maçonniques ? Lors d’un point de presse, le 3 juin 2022, Ousmane Sonko a attaqué, bille en tête, le président de la République sur la question de l’homosexualité. «On est à l’ère de la tragédie de l’homosexualité. Dieu a puni des sociétés entières à cause de ces pratiques. Je veux que ça soit clair dans la tête des Sénégalais : Macky Sall porte l’agenda Lgbt. (…) Après, on aura des défilés de gays comme des Gay pride. C’est ça le programme de Macky Sall.» On devine que le président Sall avait fait sienne cette conviction que «la manie de la justification est commune à ceux qui n’ont pas la conscience tranquille». Du reste, n’a-t-on pas vu des personnes arrêtées pour avoir jeté des cocktails Molotov dans un bus bondé de passagers et calciner des mômes, saboter des centrales électriques, brûler des stations-services, piller des commerces et des domiciles privés, et y mettre le feu, et qui se retrouvent à être considérées comme des détenus politiques ? N’a-t-on pas vu des personnes accuser publiquement le chef de l’Etat Macky Sall de meurtres et d’assassinats, et se retrouver avec le respectable statut de détenus politiques ? Il est sidérant de voir des tartuffes se demander si le chroniqueur ou «liver» de «Baatu Dëg» n’était pas dans la provocation pour chercher à aller en prison, et par ce moyen ternir l’image du nouveau régime ! Cynisme ou volonté d’absoudre à tout prix ceux qui n’ont jamais tort ? Par ailleurs, on a vécu des situations où des personnes ont délibérément bouché des conduites d’égouts pour provoquer des inondations, afin de révéler les carences du régime de Macky Sall. Elles ont été comptées dans le lot des détenus politiques ! C’est pour cela qu’on ne peut pas se garder de sourire, en entendant le Premier ministre Ousmane Sonko mettre en garde les populations sur des difficultés à contenir les inondations redoutées pendant le prochain hivernage, parce que, dit-il, «les Sénégalais sont indisciplinés !». Un camionneur a été arrêté le 20 mai 2024, pour avoir dégradé la voie du BRT. Quid des sauvageons qui saccageaient les installations du Ter et du Brt pour que le régime de Macky Sall ne puisse présenter de bilan positif ? Le peuple de Pastef les applaudissait ! «Les amnésiques n’ont rien vécu d’inoubliable !» Bah Diakhaté n’a pas été aussi ignoble, devrait-on convenir et encore une fois, «qui peut le plus peut le moins !». Alors, Messieurs Tine et Gassama, ne pas le considérer comme un détenu politique, et donc le traiter comme tel, serait, à l’aune de vos critères, porter atteinte à ses droits inaliénables ; ce serait aussi considérer la personne de sa cible Ousmane Sonko, comme au-dessus de l’Etat et plus sacrée que toutes les institutions républicaines, et surtout que Ousmane Sonko aurait droit à plus de dignité que tout autre Sénégalais. Le président de Pastef aurait le droit divin de s’autoriser par exemple à clamer le «gatsa-gatsa» (loi du Talion), et donc d’insulter à tout bout de champ, menacer, appeler à la sédition ou à mettre à sac les domiciles privés et enjamber des cadavres (plus de 40 morts) pour arriver au pouvoir ! Gageons qu’on ne savait pas si bien dire, le 13 juin 2022, quand on écrivait : «Au pouvoir, les dirigeants de Pastef n’aimeraient certainement pas se voir réserver le traitement qu’ils appliquent à Macky Sall et à son régime.» Il paraît que j’avais raison, avant l’heure, en écrivant, le 14 janvier 2019 : «Monsieur Sonko, quelqu’un qui veut devenir Président du Sénégal ne doit pas faire ça...» Pourrais-je risquer, avec ces mots, d’être passible du crime de «lèse-Majesté» ou de «lèse Premier ministre», non je voulais dire de «lèse Ousmane Sonko» ? Je saurais, le cas échéant, pouvoir compter sur le soutien de Alioune Tine !