COMPRENDRE LE BUDGET DE LA NATION
EXCLUSIF SENEPLUS - Héritage difficile pour le nouveau gouvernement qui exécute un budget déséquilibré, sans le rectifier. Décryptage des rouages complexes de la gestion des finances publiques
Synthèse de la Loi 2023-18 portant Loi de finances 2024
La Déclaration de Politique Générale du nouveau chef du gouvernement sénégalais est attendue dans les jours ou semaines à venir. La question du budget sera sans doute un des sujets importants qui seront abordés par le Premier ministre M. Ousmane Sonko lors de son adresse à la représentation nationale.
Il s’agit, en effet, d’un sujet crucial qui concerne tous les citoyens, car relatif à la façon dont notre argent, à nous tous, est géré par les autorités administratives. Seulement voilà, les textes de lois de finances qui définissent le budget de la Nation sont d’une telle complexité que seuls les spécialistes des finances publiques ou ceux qui se donnent la peine de les étudier sérieusement, c’est notre cas, sont en mesure d’en saisir tous les aspects. Ceci est d’autant plus regrettable que cette méconnaissance des mécanismes du budget et leurs implications dans la vie nationale est un terreau favorable à la mal gouvernance, qui conduit nos gouvernements à faire un peu n’importe quoi avec nos ressources financières sans être challengés par leurs administrés que nous sommes.
Pour aider le citoyen lambda à avoir une meilleure compréhension du budget et briser cette logique de méconnaissance généralisée de la gestion du budget, nous avons conçu un modèle de synthèse du texte de loi de finances. Cette synthèse devant permettre, grâce à des graphiques et des schémas simples sur une seule page et d’un glossaire, d’en saisir les points saillants et de comprendre la signification des principaux agrégats de la loi de finances, leurs interconnexions et leurs implications.
L’objectif poursuivi dans cet article, et ceux que nous que publions régulièrement, est de permettre une meilleure veille citoyenne sur la gouvernance de nos ressources et d’éclairer le débat public sur des aspects méconnus de la gestion budgétaire. Cela permettra, en l’occurrence, d’éviter la manipulation, en particulier de ceux qui comparent déjà la gestion budgétaire des nouvelles autorités avec la leur quand ils étaient au pouvoir. Le nouveau gouvernement ne fait en réalité, jusqu’ici, qu’exécuter le Budget dont ils ont hérité, ce qui est d’ailleurs regrettable. Une loi de finances rectificative aurait dû être présentée avant toute chose, au vu du déséquilibre scandaleux qui continue d’y avoir entre les dépenses de fonctionnement et celles consacrées à l’investissement.
Nous espérons qu’avec cette synthèse graphique, ces enjeux seront mieux cernés par nos concitoyens.
Notes explicatives
Loi de Finances La loi de finances est une loi adoptée par le parlement qui détermine, pour une année civile, la nature, le montant et l'affectation des ressources et des charges de l'État (les recettes et les dépenses). Elle est le principal instrument de la politique budgétaire et fiscale de l'État.
Loi de Finances Rectificative Une loi de finances rectificative modifie, en cours d'année, les dispositions de la loi de finances initiale. Elle permet d'ajuster les prévisions de recettes et de dépenses en fonction des évolutions économiques et financières imprévues.
Budget Général Le budget général du Sénégal représente l'ensemble des ressources et des charges de l'État pour une année budgétaire donnée. Il inclut toutes les recettes collectées et les dépenses effectuées par le gouvernement dans le cadre de ses fonctions économiques et sociales.
Comptes Spéciaux du Trésor Les comptes spéciaux du Trésor sont des comptes spécifiques gérés par l'État en dehors du budget général. Ils sont utilisés pour des opérations financières particulières qui nécessitent une comptabilité distincte. Ils s'équilibrent en recettes et en dépenses.
Budget Initial Le budget initial correspond au montant arrêté dans la loi de finances initiale. Ce montant est égal aux dépenses prévues, augmentées de l’amortissement . En principe, l'amortissement n'est pas censé être pris en compte dans le Budget, mais cette synthèse reflète les chiffres validés par la Loi de Finances initiale 2024. L’autre particularité de ce budget 2024, c’est qu’il succède à un autre budget initial sans loi de finances rectificative entre les deux, malgré les gros écarts entre les réalisations à fin 2023 et les prévisions de la loi de finances initiale. Une responsabilité conjointe du gouvernement sortant, de l’Assemblée nationale et de la Cour des Comptes, et un manquement qui en dit long sur le sérieux et la rigueur mis dans la tenue de nos comptes publics.
Recettes Les recettes représentent l'ensemble des ressources financières perçues par l'État. Elles se divisent en deux grandes catégories : les recettes internes et les recettes externes.
Recettes Internes Les recettes internes proviennent des ressources générées au sein du pays, incluant les impôts, les taxes, les droits de douane, les redevances et les cotisations sociales. Elles sont cruciales pour le financement des dépenses publiques sans dépendre de l'extérieur.
Recettes Externes Les recettes externes sont les ressources financières obtenues de l'extérieur du pays. Elles incluent les aides financières, les dons obtenus auprès des institutions internationales ou des pays étrangers. A ne pas confondre avec l'emprunt qui alimente la dette.
Dépenses Les dépenses regroupent l'ensemble des décaissements de l'État pour financer ses activités et programmes. Elles se subdivisent en plusieurs catégories, incluant les dépenses de fonctionnement et les dépenses d'investissement, les intérêts et commissions de la dette
Déficit Le déficit budgétaire survient lorsque les dépenses de l'État excèdent ses recettes. Il indique un besoin de financement supplémentaire que le gouvernement doit combler, souvent par l'emprunt. Lorsque les dépenses sont inférieures aux recettes, on parle d'excédent.
Emprunt L'emprunt est une source de financement pour l'État lorsqu'il y a un déficit budgétaire. Le gouvernement emprunte des fonds sur les marchés financiers nationaux et internationaux pour couvrir ses besoins de financement. C’est ainsi qu’une émission d’Eurobonds a été réalisée pour couvrir une partie de l’emprunt prévu dans la loi de finances 2024, arrêté à 2138,4 milliards de FCFA. Notre synthèse montre clairement que cet emprunt, complété entre autres par les Droits de Tirages Spéciaux du FMI avec les conditions que l’on sait, sert beaucoup plus à rembourser d’autres dettes qu’à financer le déficit et donc les investissements qui auraient dû être le réceptacle exclusif de la dette.
Amortissement L'amortissement représente un montant versé aux créanciers de l'Etat pour réduire l'encours de la dette. En principe, l'amortissement devrait se faire avec la croissance générée, grâce aux recettes internes. Mais quand la dette contractée n’est pas utilisée à bon escient pour alimenter de l’investissement productif mais exposée à la gabegie et aux détournements d’objectif, combinés à l’absence d’évaluation de son impact réel sur la croissance, elle ne servira qu’à jouer aux pompes funèbres pour hyènes - suul bukki sulli bukki, les Sénégalais comprennent.
Intérêts de la Dette Les intérêts de la dette sont les paiements périodiques effectués par l'État pour rémunérer les prêteurs. Ils constituent une charge financière liée aux emprunts. Ils sont inclus dans les dépenses ordinaires du budget général ou dépenses de fonctionnement.
Commissions de la Dette Les commissions de la dette sont des frais additionnels associés à la gestion et à la souscription des emprunts. Elles incluent les frais de conseil, de garantie, et d'autres coûts financiers. Ces commissions, souvent noyées par abus de langage dans les appellations “charges financières de la dette” avec les intérêts de la dette, sont de plus en plus élevées car les intérêts et commissions combinés dépassent même le principal remboursé sur certains mois, avec des montants que ne saurait seul expliquer les taux d’intérêt annoncés. Il serait utile que le gouvernement ou une commission d’enquête parlementaire se penche sur ces commissions pour en connaître la structure exacte et les bénéficiaires. On ne peut continuer à verser des centaines de milliards de FCFA de commissions sans savoir exactement à qui, à quel titre et si le service rendu est à la hauteur de ce coût exorbitant.
Service de la Dette Le service de la dette englobe l'ensemble des paiements effectués pour honorer les emprunts, incluant l'amortissement, les intérêts et les commissions. C'est une part importante des dépenses de l'État.
Dépenses de Personnel Les dépenses de personnel concernent les salaires et les rémunérations versés aux fonctionnaires et employés de l'État. Elles constituent une part significative des dépenses de fonctionnement.
Achats de Biens et Services Ces achats couvrent les dépenses liées à l'acquisition de biens et de services nécessaires au fonctionnement des administrations publiques, tels que les voitures, les biens immobiliers, les voyages, l'organisation d'évènements.
Transferts Courants Les transferts courants incluent les subventions, les dotations aux institutions constitutionnelles, aux entreprises publiques et aux collectivités territoriales, les aides sociales et les autres paiements de transfert effectués par l'État sans contrepartie directe.
Dépenses de Fonctionnement Les dépenses de fonctionnement, ou dépenses ordinaires, regroupent l'ensemble des coûts nécessaires au fonctionnement courant des services publics. Elles incluent les salaires, les achats de biens et services, les transferts courants et la charge financière de la dette.
Dépenses d'Investissement Les dépenses d'investissement, ou dépenses en capital, concernent les fonds utilisés pour financer des projets à long terme, tels que les infrastructures, les équipements publics, et les programmes de développement. Elles visent à améliorer la capacité productive du pays.
Arona Oumar Kane est Ingénieur Logiciel
Bangath Systems - Dakar
Sources:
- Loi 2022-22 du 09 Décembre 2022 portant loi de finances pour l’année 2023
- Loi 2023-18 du 15 Décembre 2023 portant loi de finances pour l’année 2024
- Tableaux de Bord de l'Économie Sénégalaise par la DPEE
- Calculs et Analyses avec SIADE, Système Intégré d’Analyse de Données Économiques par Bangath Systems
- Document de Programmation Budgétaire et Economique Pluriannuelle 2025-2027