LA CARTE BLANCHE DE DIOMAYE
Autorisé à dissoudre l'Assemblée nationale dès le 12 septembre, le président prend un risque calculé pour asseoir son pouvoir. Cette décision destinée à contrecarrer l'opposition, annonce des législatives anticipées décisives
Les députés du groupe parlementaire majoritaire Benno Bokk Yaakaar qui avaient annoncé la préparation d’un projet de loi visant à empêcher la dissolution de l’Assemblée nationale auraient-ils été court-circuités par le président Bassirou Diomaye Faye ? En tout cas, force est de reconnaître que le Sénégal semble se diriger tout droit vers la suppression du mandat des députés XIVe législature qui devait expirer en 2027. Ce, après l’aval donné par le Conseil constitutionnel au Président Bassirou Diomaye Faye qui, depuis son élection à la magistrature suprême, compose avec une majorité parlementaire dominée par l’opposition, par l’entremise de la coalition Benno Bokk Yaakaar.
Les jours de la XIVe législature du Sénégal sont désormais comptés. Pour cause, le Président de la République, Bassirou Diomaye Faye, a reçu le feu vert du Conseil constitutionnel avant-hier, jeudi 29 août, en ce qui concerne la dissolution de l’Assemblée nationale. Selon cette juridiction, l’Assemblée nationale peut être dissoute à compter du 12 septembre prochain. Le Chef de l’Etat avait saisi les « Sept sages » pour déterminer la meilleure date sans enfreindre ses prérogatives et violer la Constitution. Élus à l'issue du scrutin du 31 juillet 2022, les députés ont été installés le 12 septembre de la même année. La XIVe aurait ainsi écoulé deux années franches, à la date butoir du 12 septembre 2024.
Investi après avoir prêté serment le 2 avril dernier, Bassirou Diomaye Faye n’en a pas remporté pour autant une victoire totale car composant avec une majorité de députés d’opposition, membres de l’ancienne coalition présidentielle Benno Bokk Yakaar. Ce qui pourrait comprimer sa liberté de manœuvre pour gouverner et exécuter son programme. Du coup, beaucoup de ses partisans n’ont cessé d’appeler à une dissolution de l’Assemblée nationale, pour aller à des élections législatives anticipées afin d’obtenir la majorité au Parlement.
La dissolution pourrait remettre à sine die la tenue du Grand oral du nouveau chef du gouvernement. Attendu à l’Assemblée nationale pour faire sa Déclaration de politique générale, le Premier ministre Ousmane Sonko avait exigé la modification du Règlement intérieur (RI) de l’Assemblée nationale. En réaction, le Bureau de l’Assemblée nationale a annulé la tenue du Débat d’orientation budgétaire. Accusé par l’opposition de ne pas être prêt à faire face aux députés craignant de faire l’objet d’une motion de censure, le chef du gouvernement a réitéré son « impatience à tenir cet exercice ». Toutefois, malgré la modification du RI, il n’a pas encore tenu sa DPG devant une Assemblée nationale sous contrôle de l’opposition. Qui plus est, le Chef de l’État Bassirou Diomaye Faye a saisi l’Assemblée nationale non pas pour la tenue du Grand oral mais plutôt pour un projet de loi portant modification de la Constitution et visant la suppression du Haut Conseil des Collectivités territoriales (HCCT) et du Conseil économique social et environnemental (CESE). Les députés de la majorité qui ont décrié dans une large mesure cette initiative du chef de l’Etat vont-ils bloquer ce projet de loi ou non ? On le saura dans les prochains jours après l’ouverture de la deuxième session extraordinaire de l’Assemblée nationale avant-hier, lundi, et l’organisation envisagée dans la fourchette requise des quinze jours d’une plénière de validation ou d’invalidation de la suppression du Hcct et du Cese. Des institutions de la République respectivement dirigées par Aminata Mbengue Ndiaye, la patronne du Parti Socialiste (ancien parti au pouvoir de l’indépendance à 2000), et autre Abdoulaye Daouda Diallo de l’Apr (Alliance pour la République qui vient de perdre le pouvoir après douze années de règne total). Pour rappel, les députés du groupe parlementaire majoritaire Benno Bokk Yaakaar avaient annoncé la préparation d’un projet de loi visant à empêcher la dissolution de l’Assemblée nationale.
« Face à ce qui apparaît comme une volonté manifeste de se soustraire à la règle constitutionnelle de responsabilité du gouvernement devant l'Assemblée nationale, le groupe parlementaire Benno Bokk Yaakaar que je préside, a enclenché une réflexion de réformes tendant à supprimer les articles qui permettent au président de la République de dissoudre l'Assemblée nationale. Mais également qui va empêcher l'Assemblée nationale de déposer une Motion de censure à l'endroit du gouvernement », avait dit le président du groupe BBY, Abdou Mbow. Reste à savoir si le nouveau régime va s’assurer, en procédant à la dissolution de l’Assemblée nationale, une victoire confortable à l’occasion d’élections législatives anticipées.