QUAND ON VEUT ETRE PROFESSIONNEL, IL FAUT FAIRE DES SACRIFICES
Tout comme sa voix enthousiaste au bout du fil, Rosalie Marie Ciss (ancienne basketteuse) a voulu partager avec Wiwsport son histoire avec le sport sénégalais.

Tout comme sa voix enthousiaste au bout du fil, Rosalie Marie Ciss a voulu partager avec Wiwsport son histoire avec le sport sénégalais. Ancienne basketteuse passée par le Saltigué de Rufisque avant de s’envoler en France son lieu de naissance, cette binationale issue d’une famille passionnée par le sport, suit de près le sport sénégalais depuis l’Hexagone.
Pouvez-vous vous présentez et rappeler un peu votre identité ?
Alors, je m’appelle Rosalie Marie Ciss, mais je suis plus connue sous le nom de Rose. J’ai plusieurs petits surnoms (Rires). Alors il faut savoir que je suis née en France et j’ai grandi au Sénégal où j’ai fait une partie de mon cursus, mon parcours scolaire et sportif. Ce qui a d’ailleurs fait de moi une binationale.
Pouvez-vous revenir sur votre histoire d’amour avec le basket ? Comment ça a commencé ? Où est-ce que ça a pris ?
Alors, mon amour pour le basket, c’est… Comme tous les jeunes, quand c’est la rentrée des classes, on essaie de trouver une activité sportive, histoire de s’occuper le week-end ou le mercredi. Et mon grand-frère avait un ballon de basket à la maison. Donc, en m’amusant parfois avec le ballon, sans pour autant avoir un vrai tas de basket, j’avais créé un petit cerceau à la maison, parce qu’on avait une grande maison avec une cour immense. Et j’avais accroché ça au bout de la terrasse et j’avais mis des briques, histoire d’avoir un cerceau. Et un bon matin, je me suis dit qu’il était temps d’aller me renseigner sur l’existence d’un club de basket dans la ville. Et c’est par la suite que mes copines et moi avions découvert un club du nom de SALTIGUE DE RUFISQUE. À noter que j’avais opté pour l’athlétisme au début. J’avais commencé à m’entraîner, mais j’avais jugé les entraînements un peu redondants. Je n’adhérais pas autant, même si je savais courir. Mais je ne kiffais pas. Donc, je suis partie au basket. Et c’est de là que j’ai commencé à jouer, à apprendre à dribbler, à faire des tirs au panier, des lay-up, comme on dit, dans le jargon actuel. Et de fil en aiguille, je me suis retrouvée à faire que du basket. J’ai également eu à faire un peu de hand, ce qui m’avait permis de participer à diverses activités sportives de mon école tout en ayant pour sport favori le basketball. Ce qui m’avait permis d’avoir été sélectionnée pour représenter la ville de Dakar lors des rencontres sportives de la semaine nationale de la jeunesse. Je vous assure que c’était le rendez-vous des sportifs de l’année. C’était beau comme début d’histoire.
Donc, vous avez eu à jouer quelques saisons en pro avec Saltigué ?
Oui, j’ai joué en senior avec le Saltigué, équipe avec laquelle nous avions pratiquement parcouru toutes les régions du Sénégal avant de monter en première division.
Quel était le plus grand défi quand vous avez finalement opté pour le basket ? Les études, la famille ?
Alors, le plus grand défi, c’était les études parce que quand on a un papa qui favorise les études, c’est dire qu’on n’a pas le droit à l’erreur, on est obligé de bosser. Et comme j’étais à fond dedans, je savais qu’à la moindre baisse de régime, la sanction allait être catégorique. Les études c’était primordial à la maison et le sport n’a jamais été une contrainte. L’essentiel c’est qu’il fallait qu’on bosse à l’école et dès qu’on avait fait tous nos devoirs, tout ce qu’il fallait faire, on avait carte blanche et pouvait aller au sport.
Et j’imagine que vous avez fait comme désiré qui est maintenant docteur ?
Alors, tout le monde a son domaine de prédilection et dans chaque famille chacun a ses choix dans un domaine bien précis. L’essentiel c’est d’être soutenu dans ses choix, chose qui a été faite par nos formidables parents qui ont toujours été là pour nous.
Maintenant que vous avez accroché, ça vous manque parfois de jouer au basket ? Ou arrivez-vous parfois à trouver le temps de tâter un peu le ballon ?
Alors, ça ne me manque pas du tout. Ça m’arrive de temps en temps d’aller toucher un peu la balle, histoire de courir, d’entretenir le corps, comme on dit. S’inscrire dans une salle de sport c’est bien, mais quand tu as l’habitude de faire du sport collectif et que tu te retrouves à faire du sport solo c’est bizarre, ce n’est pas le même confort. C’est pourquoi je préfère aller de temps en temps dans mon petit club, histoire de me rappeler les bons moments passés sur le parquet.
Quels ont été vos moments les plus mémorables sur le terrain, en club ou en sélection ?
Il faut savoir que je n’ai pas eu la chance d’avoir été sélectionnée en équipe nationale sénégalaise. Mes moments les plus mémorables sur le terrain furent « la coupe des Landes », championnat bien connu du sud-ouest. Alors, il faut savoir que c’est quand tu vas en finale que toute la magie opère. C’est une finale qui se joue dans des arènes. C’est très spécifique car de base c’est une arène pour faire de la corrida (Rires).
Vous disiez tantôt que vous n’avez jamais été sélectionnée en équipe nationale. Aujourd’hui, avec le recul, avez-vous des regrets ? Qu’est-ce que cela vous a fait de ne jamais être sélectionné en équipe nationale ?
Alors, au début, j’aurais aimé. En étant jeune, j’ai eu à faire plusieurs présélections, mais jamais j’ai été sélectionnée. Sur le coup, je me disais que peut-être il y en avait qui étaient meilleures que moi à mon poste ou je n’en sais rien, tu vois. Je n’ai pas posé plus de questions que ça. À vrai dire comme tout sportif j’aurais bien aimé porter le maillot du Sénégal et le représenter, mais quand j’entendais mes copines qui ont eu à être sélectionnées, me raconter une partie de leur expérience, je peux dire aujourd’hui que je n’ai aucun regret de n’avoir pas été sélectionnée.
Combien de clubs avez-vous connus en France ? Avez-vous joué en pro, non ?
Ouais, j’ai joué en professionnel et j’ai connu plusieurs clubs durant ma carrière. Bon je vais dire les plus grands. Alors, j’ai joué à Basket Landes, à Landerneau, j’ai aussi évolué sous les couleurs de Chartres.
Avez-vous eu des modèles, des mentors, quelques joueuses, qui vous ont inspiré tout au long de votre carrière ?
Alors, moi, quand j’étais au Sénégal, celle que je kiffais, c’était Mame Maty Mbengue. C’est une légende. Il y avait aussi Nathalie Sagna ou encore Anne-Marie Dioh. Franchement, quand je les voyais jouer, j’étais en admiration. C’était génialissime. Et je suivais beaucoup le basket NBA quand j’étais plus jeune. Et la personne que je kiffais voir jouer, c’était Dennis Rodman. Je suivais les Chicago Bulls, mais à fond. Et la seule personne qui, franchement, me vendait du rêve sur un parquet, c’était Dennis Rodman.
À quel moment vous avez senti qu’il fallait mettre un terme à votre carrière professionnelle ? Comment avez-vous vécu cette transition ?
Alors, la transition, il faut savoir que ça se prépare. Beaucoup de sportifs ont du mal dans ce domaine-là. Moi, j’avais anticipé bien avant d’y mettre un terme en allant jouer à un niveau plus bas afin de pouvoir entamer et me concentrer sur ma carrière professionnelle.
Alors, quels sont vos projets actuels ? Êtes-vous toujours impliquée dans le monde du sport ?
Alors, je suis toujours impliquée dans le monde du sport, dans le sens où j’ai tendance à organiser des événements sportifs. Dans le club où j’ai arrêté ma carrière, je suis membre du bureau. Après, je fais aussi partie d’une association qui s’appelle 24 Heures d’Union Solidaire. Et tout ceux-ci n’en ai aucunement un frein à ma carrière professionnelle.
Aujourd’hui, vous êtes établie en France, mais c’est sûr, vous avez un regard particulier que vous portez sur le basket sénégalais, et notamment la jeune génération. Si aujourd’hui, vous aviez quelques conseils, au moins un à donner à ces jeunes joueuses qui aspirent à une carrière dans le basket professionnel, ce serait lequel ?
Alors, ce que je leur conseillerais, ce serait de la persévérance. Dans le sens où mettre les études en premier. Parce que qui dit devenir pro dit qu’il faut être capable de tenir un discours correct, que ce soit en France ou à l’étranger. Ce n’est pas facile, c’est un combat de tous les jours. Parce que vouloir jouer au haut niveau, déjà, il faut être bien entouré. Il faut avoir de bonnes personnes qui vous conseillent dans le bon sens et qui sont honnêtes et sincères. Ce n’est pas évident parce qu’il y a beaucoup de jeunes qui se font avoir parce qu’il suffit qu’ils dominent légèrement dans leur catégorie et là, on te fait des éloges. Les éloges, c’est bien en soi. Mais le souci, c’est qu’on te fait des éloges et tu as Pierre Paul Jacques qui viennent te parler. Oui, si tu viens avec moi, je vais t’emmener aux États-Unis ou bien je vais t’emmener en France ou bien je vais t’emmener en Espagne. Peu importe ! Il y en a, les trois quarts des discours, c’est du mensonge pur et dur. Il y a plein de jeunes qui ont atterri à l’étranger, mais il faut voir la difficulté et les galères qu’ils ont parce que les bases ne sont pas bonnes, ce qui fait qu’ils se précipitent parce qu’on leur a vendu un rêve.
Pensez-vous que le basket sénégalais, féminin en particulier, a la reconnaissance qu’il mérite ? Sinon, que pourrait on améliorer pour promouvoir davantage ce sport ?
Le souci, c’est que dans quasiment presque tous les sports, c’est tout le temps les hommes qui sont mis dans un piédestal. Je sens qu’on pratique quasiment la même discipline, mais plus les années passent, plus il y a un léger progrès qui se fait. On essaie de mettre en avant le sport féminin, mais pas suffisamment, en fait. C’est dommage parce que, autant les hommes vont pouvoir le faire, il y a un engouement monstre. Dès que c’est la femme, on dit souvent qu’elle n’a pas le droit de faire du sport, qu’elle est limitée. Je me dis que du moment où c’est ouvert à tout le monde, tout le monde devrait avoir le même engouement.
Suivez-vous le basket sénégalais ? Le championnat local ?
Le championnat local, je le suis très rarement. De toute façon, c’est de moins en moins médiatisé. Pour moi qui ai joué au Sénégal, qui ai fait le championnat au Sénégal, de la petite catégorie jusqu’en senior, ça n’a rien à voir avec ce qui se passe aujourd’hui. C’est le jour et la nuit. Après, je ne sais pas comment… Plus les générations passent au niveau du basket, et cela même chez les garçons, plus ça devient alarmant. C’est triste à dire. Franchement, ça n’a rien à voir avec les années 90, 2000. À l’époque, tu voyais de vrais teams. À la fin du championnat, on ne savait même pas qui va être champion du Sénégal. C’était serré de partout. Maintenant, on démarre le championnat et on sait déjà qui va être pense champion du Sénégal. C’est vrai et on me dira que c’est un peu triste en soi, mais il y a du boulot qui reste à faire et je reste disposée à partager mes expériences dans le monde du basket avec non seulement le Sénégal mais avec tous les autres pays du monde.