DÉCARBONATION DU TRANSPORT MARITIME, L’AFRIQUE APPELLE À UNE TRANSITION ÉQUITABLE
Responsable de 3 % des émissions mondiales de GES, le transport maritime vise la neutralité carbone d’ici 2050. L’OMI envisage une taxe carbone universelle, dont les modalités seront discutées du 7 au 11 avril à Londres.

Le secteur du transport maritime, responsable de 3 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES), s’est engagé à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Pour accompagner cet objectif, l’Organisation maritime internationale (OMI) étudie l’instauration d’une taxe carbone universelle, dont les modalités seront discutées du 7 au 11 avril à Londres, avec une adoption prévue en octobre 2025. Si elle était fixée à 100 dollars par tonne, cette taxe pourrait générer près de 60 milliards de dollars par an, selon la Banque mondiale.
Mais cette transition suscite de nombreuses interrogations, notamment de la part des pays en développement. L’Afrique, en particulier, s’inquiète de l’impact d’une telle taxe sur ses économies, son commerce et sa sécurité alimentaire. Plusieurs études, dont l’analyse d’impact globale de l’OMI, soulignent que les pays les plus vulnérables pourraient subir des effets négatifs si les mesures proposées ne sont pas accompagnées de mécanismes d’équité.
Une opportunité à condition d’être équitable
Pourtant, cette transition est aussi perçue comme une chance de transformation. L’Afrique possède d’immenses ressources pour produire des carburants propres, comme l’hydrogène vert, et jouer un rôle stratégique dans la décarbonation mondiale. Mais pour que cette opportunité se concrétise, les pays africains réclament des garanties : une redistribution équitable et transparente des revenus de la taxe, basée sur les besoins sociaux, climatiques et économiques ; des financements sous forme de subventions et non de prêts ; et des exemptions temporaires pour protéger leurs exportations et leur sécurité alimentaire.
Des voix africaines fortes
Plusieurs responsables africains ont exprimé leurs attentes à l’approche de la réunion cruciale de l’OMI.
« La décarbonisation du transport maritime n’est pas une option, mais un impératif », a affirmé Amb Ali Mohamed, envoyé spécial du Kenya pour le climat. « Mais elle ne doit pas se faire au détriment des économies africaines. Les fonds collectés doivent être redistribués sous forme de financements pour l’adaptation et la résilience. »
Pour Faten Aggad, directrice exécutive du Centre africain des politiques d’avenir, il est essentiel que « le principe du pollueur-payeur reste au cœur des discussions », avec des capitaux non porteurs d’intérêts affectés à des projets énergétiques et sociaux.
Stanley Raja Korshie Ahorlu, président de la Chambre de la marine marchande du Ghana, rappelle que l’Afrique dispose d’atouts majeurs : une population jeune, un vaste marché, des ressources naturelles abondantes. « Mais elle fait aussi face à des défis structurels : une flotte insuffisante, un déficit de formation maritime, des infrastructures portuaires sous-développées. La taxe carbone pourrait être un levier pour corriger ces déséquilibres. »
Une taxe mondiale, un enjeu commun
À mesure que l’OMI affine les contours de cette politique, une tendance se dessine : affecter une partie des recettes à la lutte contre le changement climatique dans les pays en développement, notamment les petits États insulaires et les pays les moins avancés. Eldine Glees, conseillère en politique maritime au Centre micronésien pour le transport durable, souligne que « la taxe mondiale sur le carbone est une occasion unique de transformer les risques climatiques en investissements durables. »
L’Afrique se mobilise donc pour que la transition verte du transport maritime soit aussi une transition juste. Elle réclame une politique cohérente, ambitieuse, mais surtout inclusive, afin de ne pas creuser davantage les inégalités économiques et climatiques à l’échelle mondiale.