LE TALENT AU BOUT DU PINCEAU
MADY SIMA, PEINTRE
Produit de l’Ecole nationale des arts (Ena), Mady Sima, jeune artiste peintre, commence petit à petit à se faire un nom dans le monde des arts visuels. Il a fait de l’environnement son sujet de prédilection à travers le recyclage des objets usagers aux quels il prend un malin plaisir à donner une nouvelle vie dans ses toiles.
Il court, il court, il court, Mady Sima. En cette période de ferveur...Biennale, difficile de lui mettre la main dessus. Entre les nombreuses sollicitations et la préparation de son exposition à Keur Samba, un coin de Diourbel, cet artiste visuel ne s’arrête plus. Finale- ment, c’est à la Fondation Sonatel où il est invité dans le cadre de l’exposition « Off » intitulée « Cheminements artistiques » qu’on réussira à le coincer. Enfin, il est là Mady.
Mise simple, barbichette bien taillée et surtout cette large banane qui le singularise, il est loin de la caricature que l’on se fait de l’artiste : air absent, accoutrement qui sort de l’ordinaire, voix traînante. Cet enfant de la Médina a les pieds sur terres et son inspiration, il le tire du quotidien de la société sénégalaise.
A l’image de cette toile camaïeu appelée « Espace » qui orne les jardins de la Fondation Sonatel. Pourquoi « Es- pace » ? « Parce qu’au Sénégal, surtout à Dakar, nous avons un problème d’occupation rationnelle de l’espace », rétorque-il. 0,5 % du territoire national, 1/3 de la population, Dakar étouffe en effet. Dès lors, une bonne occupation de l’espace s’impose.
C’est ce message que cet ancien élève du lycée Lamine Guèye veut transmettre à travers ce tableau de petite dimension où le maximum de morceaux de tissus usagers de formes carrées et à la couleur ocre sont superposés.
Pour ce tableau, l’inspiration lui est venue des tables des marchands ambulants où le maximum de marchandises est entreposé sur un tout petit espace. « Je trouve les marchands ambulants très ingénieux dans leur manière d’occuper l’espace. Dans un périmètre réduit, ils parviennent à mettre le maximum d’éléments possibles. C’est juste pour montrer que pour survivre, il faut véritablement une bonne organisation, c’est devenu une nécessité, une obligation.
Les solutions à nos problèmes peuvent être trouvées sur le plan organisationnel. Si on est organisé, on peut prétendre à faire avancer les choses. C’est le message que je veux transmettre dans la plupart de mes œuvres », avance Mady de sa voix caverneuse.
Mady Sima est venu à la peinture par amour. Pourtant, au lycée Lamine Guèye, en dehors des salles de classe où il excellait, il était plus connu pour ses talents de footballeur. Un défenseur central raffiné qui prenait du plaisir à tenter de beaux gestes dans la surface de réparation.
A l’époque, au tréfonds de lui, ce trentenaire avait des certitudes sinon une : il aime dessiner, cela depuis sa plus tendre enfance. Cette passion, il l’a ensuite exprimée en faisant de la décoration, mais c’est l’Ecole des Beaux-arts qui lui a fourni les clés des arts visuels.
En effet, juste après le baccalauréat en poche en 2004, il n’a pas traîné au département d’Italien de la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines. En 2010, Mady Sima sort de l’Ena avec un diplôme d’artiste visuel et professeur d’éducation artistique. Aujourd’hui, il sert au Cem de Keur Samba Kane dans la région de Diourbel.
En plus de ses obligations professionnelles, Mady participe régulièrement à des expositions nationales et internationales, à des séminaires sur les arts visuels, à des workshops et à des forums, anime des ateliers de production organisé par des promoteurs culturels privés. « Devenir artiste visuel aujourd’hui, pour moi, c’est une suite logique. Tous les enfants dessinent mais pour le devenir, il faut vraiment avoir l’amour de cet art, le cultiver et être patient.
Je ne suis pas devenu un artiste par accident, c’est quelque chose que j’ai toujours aimé », confie-t-il. Mais ce n’est pas que ça, le fait d’avoir un oncle artiste, Viyé Diba, et d’avoir grandi dans un quartier où il côtoyait des artistes comme Moussa Tine, l’a sans doute aussi influencé.
Toujours dans les jardins de la Fondation Sonatel, une autre de ces œuvres s’offre à la vue. C’est une
toile où pendent un sac usager et des crochets de sandale. Vous cherchez le beau, passez votre chemin. Mais le message qu’elle véhicule vaut bien un temps d’arrêt. « Quand je faisais mon mémoire, il fallait utiliser un élément comme prétexte et j’ai choisi le sac.
''MONTRE-MOI TON SAC, JE TE DIRAIS QUI TU ES''
C’est un objet qui peut nous en dire beaucoup sur une personne. Ce n’est pas qu’un accessoire, c’est une source d’informations inestimable sur l’individu. A travers un sac, on peut connaître la profession d’un individu, on peut savoir qui est qui, qui est quoi. Nous avons un sac pour écolier, pour médecin, pour ingénieur. Bref, « montre-moi ton sac et je te dirais qui tu es », dit-il.
C’est que dans ses œuvres, le natif de la Médina, n’essaie pas de faire plaisir mais de « se faire plaisir, de faire passer un message, de sensibiliser sur des problèmes de société. D’ailleurs, c’est sur le thème de l’environnement et du recyclage qu’il a présenté son mémoire de fin d’études à l’Ena.
« Dans toutes mes œuvres, j’intègre ces deux aspects. Je suis amoureux de l’environnement et je prends du plaisir à redonner vie aux objets abandonnés ».
Après presque dix ans dans ce métier, Mady Sima veut redessiner un autre horizon, se démarquer de la décoration intérieure et extérieure car, pour lui, les arts visuels ne se limitent pas seulement à ces deux aspects, c’est aussi des concepts forts.
« Je suis en train de voir comment perfectionner mon travail à partir de concepts forts qui pourront faire l’objet de discussions, de débats, etc. J’ai arrêté de faire la décoration depuis très longtemps parce que ce n’est pas la beauté de l’œuvre qui est importante, mais le message qu’elle véhicule. Une œuvre peut être belle ou moche, mais l’essentiel, c’est que le message soit important. Je ne peux pas passer ma vie à faire de la décoration, tout le monde peux le faire », laisse-t-il entendre.