VIDEOLE ROI D'ESPAGNE ABDIQUE POUR INSUFFLER «LE RENOUVEAU»
Le chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, a annoncé ce lundi matin le départ de Juan Carlos, auquel son fils Felipe devrait succéder.
(AFP)- Le roi d’Espagne Juan Carlos, affaibli par de multiples ennuis de santé et à la popularité ternie par les scandales, va abdiquer au profit de son fils, le prince Felipe, a annoncé lundi le chef du gouvernement Mariano Rajoy, prenant le pays par surprise. Le prince des Asturies, âgé de 46 ans, doit devenir le prochain roi d’Espagne sous le nom de Felipe VI.
Peu de temps après, le roi lui-même a expliqué sa décision dans un message télévisé. Évoquant la soif «en nous d’un élan de renouveau, de dépassement, de correction des erreurs», le monarque, âgé de 76 ans, a déclaré que son fils, «a la maturité, la préparation et le sens de la responsabilité nécessaires pour prendre avec toutes les garanties la tête de l’Etat et ouvrir une nouvelle étape d’espoir où seront alliées l’expérience acquise et l’impulsion d’une nouvelle génération».
«Mon fils Felipe, héritier de la Couronne, incarne la stabilité qui est la marque d’identité de l’institution monarchique», a-t-il poursuivi. «Lorsque j’ai eu 76 ans en janvier dernier, j’ai estimé que le moment était venu de préparer dans quelques mois la relève pour laisser la place à celui qui se trouve dans des conditions parfaites pour garantir cette stabilité», a expliqué Juan Carlos.
Alors que l’Espagne affiche un taux de chômage parmi les plus élevés du monde industrialisé, à près de 26%, le souverain a évoqué la «grave crise économique» que traverse le pays depuis 2008. Celle-ci «a laissé de profondes cicatrices dans le tissu social mais elle nous montre aussi la voie vers un avenir plein d’espoir», a-t-il dit. «Tout cela a réveillé en nous un élan de renouveau, de dépassement, de correction des erreurs», a-t-il ajouté, sans faire d’allusion directe au scandale judiciaire qui frappe sa fille cadette, Cristina et son gendre, Iñaki Urdangarin.
«Je souhaite le meilleur à l’Espagne, à laquelle j’ai consacré ma vie entière, et au service de laquelle j’ai mis toutes mes capacités, mon enthousiasme et mon ardeur», a-t-il déclaré. Exprimant sa «gratitude» à la reine Sofia, son épouse, il a affirmé que son fils Felipe pourrait quant à lui compter «sur le soutien» de la princesse Letizia, avec qui il est marié depuis dix ans.
Problèmes de santé et scandales
Juan Carlos, monté sur le trône à la mort du dictateur Francisco Franco en novembre 1975, a construit sa popularité en menant la transition de l’Espagne vers la démocratie, avant de connaître une fin de règne marquée par les problèmes de santé et les scandales. «Le roi m’est apparu convaincu que ce moment était le meilleur pour procéder en toute normalité au changement à la tête de l’Etat et à la transmission de la couronne au prince des Asturies», a déclaré Mariano Rajoy lors d’une déclaration institutionnelle exceptionnelle convoquée en urgence.
La Maison Royale a publié ce lundi matin la lettre d’abdication adressée au chef du gouvernement. «Afin que soit mis en œuvre le processus constitutionnel, je joins le document que je lis, je signe et je remets à Monsieur le chef du gouvernement, par lequel je l’informe de ma décision d’abdiquer de la Couronne d’Espagne», écrit le roi.
Mariano Rajoy a convoqué «un conseil des ministres extraordinaire» mardi. Pour ce processus d’abdication, il sera «nécessaire d’approuver une loi organique», a-t-il rappelé. «J’espère que dans un délai très court, la Chambre des députés espagnole pourra approuver la nomination comme roi» du prince Felipe, a ajouté Mariano Rajoy, alors que le calendrier devant mener au couronnement de Felipe n’est pas encore connu.
Le prince, aux côtés de la future reine, la princesse Letizia, occupait depuis plusieurs années une place croissante, représentant son père dans les cérémonies officielles, et a échappé à la chute de popularité qui frappe la monarchie espagnole. Le roi Juan Carlos «fut le plus grand promoteur de notre démocratie». Il est le«meilleur symbole de notre vie ensemble en paix et en liberté», a ajouté Mariano Rajoy.
Symbole de démocratie
Le 23 février 1981, le jeune roi en uniforme militaire ordonnait, dans un message télévisé resté gravé dans les mémoires, aux officiers putschistes de la Garde civile qui occupaient alors le Parlement de rentrer dans leurs casernes. En déjouant cette tentative de coup d’Etat menée par le lieutenant-colonel Antonio Tejero, celui que le dictateur Francisco Franco avait, dès 1969, désigné comme son dauphin, s’imposait ce jour-là, avec éclat, comme le héros de la transition démocratique.
Couronné le 22 novembre 1975, à 37 ans, deux jours après la mort de Franco, Juan Carlos aura accompagné le destin d’une Espagne sortie de la dictature pour rejoindre le cercle des grandes démocraties européennes. Le président français, François Hollande, a d'ailleurs salué l'«artisan de la Transition après la dictature franquiste» qui «a incarné l’Espagne démocratique».
Pendant des années, les manières simples et naturelles de ce chef d’Etat réputé proche de son peuple, menant discrètement sa vie privée, passionné de sport, notamment de voile et de ski, lui ont valu l’affection des Espagnols.
Grande figure de la démocratie espagnole, le roi Juan Carlos avait pourtant vu sa popularité sombrer sous les scandales qui ont entaché ses dernières années de règne. D’abord le scandale judiciaire qui frappe sa fille cadette, Cristina, 48 ans, mise en examen pour fraude fiscale et blanchiment d’argent, et son époux, Iñaki Urdangarin, soupçonné de corruption. La luxueuse partie de chasse à l’éléphant du printemps 2012 au Botswana, qui serait restée secrète si le roi n’avait pas été rapatrié d’urgence après une chute, avait choqué les Espagnols plongés dans la crise.
Le tout se cumulant aux multiples ennuis de santé de Juan Carlos, qui a subi plusieurs opérations ces dernières années. Apparu amaigri, chancelant sur ses béquilles, en début d’année, il affichait une meilleure santé ces dernières semaines et avait repris son agenda officiel. Décrit comme «un ambassadeur de luxe pour l’Espagne» grâce à un épais agenda et de bonnes relations avec de nombreux dirigeants internationaux, le roi s’était rendu à la mi-mai en Arabie saoudite pour y rencontrer des responsables saoudiens dans le but de favoriser les relations commerciales entre les deux pays.