NIGERIA: PREMIERE RENCONTRE ENTRE LE PRÉSIDENT ET LES PROCHES DES LYCÉENNES DE CHIBOK
Abuja, 22 juil 2014 (AFP) - Les parents des lycéennes kidnappées au Nigeria par les islamistes de Boko Haram ont raconté leur cauchemar au président Goodluck Jonathan, qui les a rencontrés pour la première fois mardi, cent jours après leur enlèvement qui avait ému le monde entier.
Cette rencontre très attendue avec le chef de l'Etat, critiqué pour son manque de réactivité au lendemain de ce kidnapping de masse, est intervenue au moment où l'insurrection islamiste gagne encore en intensité dans le Nord-Est.
Une délégation de plus de 150 habitants de la ville de Chibok, où 276 jeunes filles avaient été enlevées dans leur lycée le 14 avril, a rencontré le président Jonathan, le président du Sénat, David Mark, et le gouverneur de l'Etat de Borno (nord-est)--où se trouve Chibok--, Kashim Shetima, selon un journaliste de l'AFP.
Certains parents se sont effondrés en larmes en prenant place dans la salle des banquets de la villa présidentielle, où une prière collective a eu lieu devant les médias, avant la rencontre, qui s'est déroulée à huis clos.
La délégation, arrivée à Abuja à bord d'un avion affrété par la présidence, était composée de proches des otages, des 57 lycéennes ayant réussi à s'échapper et de responsables de la communauté des anciens de Chibok, a précisé une source à la présidence ayant requis l'anonymat.
"Ce fut une rencontre très paisible", a rapporté l'oncle de deux captives, Ayuba Chibok. Le président "a promis de tout faire pour que les filles reviennent", "il a dit qu'il allait améliorer nos conditions de sécurité", "mais j'attends maintenant de voir les résultats", a-t-il ajouté.
"Ils ont dit ce qu'ils avaient sur le coeur", a indiqué le porte-parole de la présidence Reuben Abati. "Les jeunes filles qui ont réussi à s'enfuir ont raconté ce qu'elles ont traversé", a-t-il ajouté.
Certaines d'entre elles ont réussi à sauter des camions dans les heures qui ont suivi leur enlèvement, d'autres se sont enfuies du camp où elles avaient été emmenées dans la forêt de Sambisa, située non loin de Chibok, connue pour abriter des bases islamistes.
M. Abati a assuré que la libération des 219 lycéennes toujours portées disparues "est la priorité du gouvernement". Le président, qui ne s'est jamais rendu à Chibok, a tenté, la semaine dernière, d'organiser une rencontre avec quelques proches des victimes, suite à la visite de la jeune militante pakistanaise Malala Yousafzai, venue à Abuja apporter son soutien à la campagne #bring back our girls ("Ramenez nos filles") pour la libération des lycéennes.
Mais la petite délégation conviée avait décliné son invitation, considérant que si le président Jonathan refusait de leur rendre visite, il pouvait au moins faire venir à Abuja l'ensemble des familles touchées par ce drame.
- "On en a marre de dormir dans la brousse" -
Plusieurs puissances occidentales ont offert une aide logistique et militaire au Nigeria pour tenter de retrouver les lycéennes mais peu d'informations ont filtré quant à l'avancée des recherches.
En dépit du lancement d'une vaste offensive militaire en mai 2013 et de l'instauration de l'état d'urgence dans trois Etat du Nord-Est, Boko Haram, dont les attaques ont fait plus de 10.000 morts depuis 2009, multiplie les opérations meurtrières.
Une attaque lancée jeudi soir sur Damboa (nord-est) s'est poursuivie durant le week-end, forçant 15.000 personnes à prendre la fuite. "Les insurgés ont toujours le contrôle de Damboa", a affirmé à l'AFP un membre d'une milice locale, Kabiru Ali, qui a fui la ville. Ils y ont même "hissé leurs drapeaux", a-t-il ajouté.
Certaines zones seraient entièrement régies par les islamistes, mais cela reste difficile à confirmer, notamment à cause du réseau de téléphonie mobile, très mauvais dans cette région. L'armée tente de minimiser l'étendue de la crise.
"Nous ne concédons aucune portion de ce pays à quelque groupe terroriste que ce soit", a déclaré son porte-parole Chris Olukolade, assurant que "les services de sécurité consolident leur déploiement dans tout le secteur ".
Les attaques se sont aussi multipliées autour de Chibok ces dernières semaines, poussant les habitant à se cacher, la nuit, de peur de nouveaux massacres. "On en a marre de dormir dans la brousse", lâche Ayuba Chibok.