MILLE MERCIS
On ne sait point ce qui peut leur arriver dans les jours à venir, mais jamais ils ne pourront tomber bas. Le soleil dont les «Lions» du basket chauffent les cœurs, n’est pas de cette chaleur qui mène en enfer. C’est une lumière qui illumine les destins et trace les chemins des bienheureux.
Il y a un an, cette discipline était dans la fange, éclaboussée par les scandales de fraude sur l’âge, perturbée par une transition difficile, passant d’une direction fédérale à une autre dans une ambiance de délations, de coups bas et de coups tordus. Mais c’est souvent dans le chaos que se fécondent les révolutions.
Pour la première fois de son histoire, le Sénégal va jouer un deuxième tour de Coupe du monde de basket. Dans les moments de morosité économique, de déprime sociale et de doutes politiques, c’est un rayon de bonheur qui fait enfin sourire en regardant le drapeau national. Ce n’est pas 2002, simplement parce que ce n’est pas le foot. Et c’est dommage.
Il n’en reste pas cette fierté embuée de larmes au coup de sifflet final du match gagnant contre la Croatie, devant ces accolades rageuses, ces poings fièrement brandis, cette communion avec une petite colonie de supporteurs aussi exubérante qu’attendrissante. C’était une sorte de libération extatique après que le chrono eut vidé la charge de tension, de pression, de peurs…
Le ruisseau de bonheur que les «Lions» font couler dans ce Mondial espagnol est une sorte de revitalisation d’une vallée fossile. On se rappelle ce long fleuve tranquille sur lequel des générations de «Lions» et de «Lionnes» ont navigué comme des paquebots, des années 1960 aux années 1980, avant de voir les Ivoiriens et les Rd Congolaises les entrainer dans des torrents tumultueux et renversants, et les Angolais finir par les noyer dans les eaux profondes de leur insolente suprématie.
Qu’importent les rigueurs et la durée des sécheresses, l’eau qui abonde retrouve toujours son chemin. C’est ce qui arrive avec les «Lions».
On ne cherche pas les équivalences. On salue leur performance. La Croatie est la quatrième nation européenne de basket, au vu du classement du dernier Euro. Porto Rico fait figure d’outsider dans cette compétition, là où les «Lions» sont arrivés comme de simples «offsiders», le genre d’équipe que ses adversaires ont du mal à situer sur une mappemonde, dont on prononce le nom en rigolant.
Peut-être qu’au bout de la compétition, chacun va rester à sa place. Mais c’est en tutoyant les Dieux qu’on mesure l’immensité de ses possibilités. Et on ne domine pas avec autant d’assurance, de détermination et de talent de grandes équipes comme la Croatie et Porto Rico sans avoir le sens de la hauteur et l’aisance des grands sommets.
La défaite enregistrée hier devant l’Argentine et la première déroute face à la Grèce encadrent ces deux sursauts qu’on espère être autant d’orgueil que de talents. Mais cela ne suffit pas pour asseoir l’excellence dans la haute compétition. A ce niveau d’adversité et de performance, l’expérience des grands rendez-vous est une donnée fondamentale.
Or, dans ce groupe, techniciens et joueurs découvrent pour la première fois le cercle fermé du Mondial. Au nom du Sénégal, ils entrent dans l’inconnu d’un second tour en repoussant des frontières que jamais aucun «Lion» dans ce pays n’a pu approcher de près.
De telles expériences se vivent souvent comme un apprentissage dans la gestion des grands enjeux, une familiarisation au défi et à l’environnement, une mise à niveau par rapport à la pression et au challenge technico-tactique.
Ce Mondial de Grenade est une promesse du futur. L’arbre dont les «Lions» escaladent les premières branches est trop grand pour qu’on puisse espérer les voir en cueillir les fruits. La satisfaction est de les voir prendre de la hauteur sans souffrir du vertige des cimes.
Quand ils reviendront sur le plateau continental, ce qui leur était aquilon leur deviendra peut-être zéphyr. Reste à assurer le défi de la continuité et des moyens qu’il faut pour rester à niveau. C’est mieux que tous les discours d’honneur et de félicitations.