''LE SÉNÉGAL DOIT ÊTRE TRÈS AGRESSIF DANS LA PROMOTION''
ABDOULAYE DIOUF SARR, MINISTRE DU TOURISME
La relance du tourisme passe par une promotion agressive de la destination Sénégal, mais aussi par une mise à niveau des réceptifs hôteliers, l’amélioration de l’offre touristique, une bonne formation du personnel, estime le ministre du Tourisme et des Transports aériens, Abdou- laye Diouf Sarr, dans cette interview.
Monsieur le ministre, quelle touche comptez-vous apporter à la tête du département du Tourisme que vous dirigez depuis le 14 août dernier ?
Ce que nous comptons faire pour le département du Tourisme, c’est d’aller dans le sens de la vision contenue dans le Plan Sénégal émergent (Pse). Le tourisme est l’un des piliers les plus stratégiques de notre planification sur les dix ans. Dans les 27 projets phares du Pse, le tourisme doit jouer un rôle extrêmement important. Nous devons faire en sorte que le secteur se mette à niveau.
C'est-à-dire la mise à niveau de l’offre de modernisation, de requalification, d’investissements nouveaux pour apporter du sang neuf. Il y a la grande problématique de la promotion. Aujourd’hui, il est important de se mettre autour du secteur avec les instruments de planification de l’offre mais surtout des instruments de promotion pour qu’il soit compétitif.
Il s’agit de nous adapter à la vision du Pse, d’être présent aux côtés des acteurs pour leur permettre de se mettre à niveau, mais surtout, il faut que l’Etat organise toute la stratégie de promotion pour que la destination Sénégal redevienne très prisée par le marché touristique international.
Le Sénégal a l’ambition d’atteindre 1,5 million d’entrées de touristes en 2016. Cet objectif vous semble-t-il réalisable au vu de la situation difficile du secteur ?
Oui, l’objectif est tout à fait réa- liste. Il y a un objectif d’atteindre, d’ici à 2016, 1,5 million de touristes et un objectif à terme de trois millions de touristes. C’est réalisable. Cependant, il faut mettre en place un dispositif qui permet de réaliser cet objectif. Ce dispositif, c’est d’abord dans la gouvernance publique du secteur, mais aussi, il y a une part importante à jouer par les acteurs du secteur.
Aujourd’hui, l’Etat doit travailler à mettre en place l’infrastructure d’accompagnement pour que le Sénégal soit attractif. L’investissement autour de l’aéroport de Diass, qui va devenir un hub aérien pour la sous-région, va être un facteur favorable à la réalisation de cet objectif. Mais, nous ne nous arrêterons pas à ce niveau. Il y a urgence à faire fonctionner l’Agence de promotion du tourisme.
Cette agence doit mettre tout en œuvre pour positionner le Sénégal dans l’ensemble des marchés. Notre pays doit être présent sur tous les marchés de promotion touristique. Autre élément important, c’est un travail qu’il faut faire dans l’offre touristique. Les réceptifs doivent être mis à niveau.
Il faut aussi régler la question de la police touristique et de la sécurité des touristes, l’environnement, la promotion de nouveaux sites de dé- couverte. Mais, il faut aller au-delà pour repositionner le tourisme de loisir. L’ensemble de ces questions combinées, doit permettre au Sénégal d’atteindre cet objectif.
Le tourisme au Sénégal est largement dominé par le balnéaire. Que comptez- vous faire pour diversifier l’offre et attirer davantage de touristes ?
Le balnéaire est un produit important qu’il ne faut pas dégrader. Il faut le consolider par un travail de requalification de l’ensemble de nos côtes qui font 700 km dont 500 km sont des plages touristiques. Il faut mieux entretenir nos côtes, installer un cadre attractif.
Cependant, la diversification s’impose. Le Sénégal, avec l’ensemble du dispositif qui tourne autour de l’investissement productif, doit être un centre d’affaires, un centre de services qui permette au tourisme d’affaires de fréquenter notre pays.
La perspective du Sénégal dans les années à venir va lui permettre de jouer un rôle de centre de conférence international avec Dakar comme cité des affaires, grâce à la nouvelle ville de Diamniadio et la politique de territorialisation qui va créer une nouvelle dynamique et attirer l’investissement. Au-delà, il est important de faire la promotion de nos sites qui doivent être connus du monde.
Le tourisme local est un aspect essentiel, les Sénégalais, de manière générale, ne visitent pas suffisamment leur pays. Nous avons une stratégie de promotion du tourisme local qui sera le matelas de sécurité du secteur. Même s’il y a des chocs exogènes, à l’interne, il y aura un matelas de sécurité dans la demande qui fera que le secteur ne sera pas totalement tributaire de l’extérieur.
Il s’agit de faire la promotion du tourisme local mais aussi de lever certains freins psychologiques selon lesquels le tourisme est réservé aux étrangers. Il ne faut pas considérer qu’on ne fait du tourisme qu’en prenant l’avion. Tout cela nécessite une très bonne communication et une stratégie, nous y travaillons.
Autre élément important, une connexion avec le ministère de la Culture est en train de se dessiner à propos du tourisme événementiel, c’est-à-dire le tourisme de loisir. Il est important que nous ayons le calendrier de nos événements culturels et sportifs qui doivent être un levier important pour attirer les visiteurs.
Je ne vous apprends pas tout le bien que le rallye Paris-Dakar a fait au Sénégal en termes de promotion touristique. De grands événements de cette nature doivent être développés aussi bien dans le sport que dans la culture pour permettre à notre pays d’être un centre d’intérêt pour les visiteurs.
A propos de la mise à niveau des réceptifs hôteliers à la- quelle vous avez fait allusion, on constate une profusion d’auberges qui concurrencent les hôtels. Que comptez-vous faire pour assainir le secteur ?
Je compte d’abord avoir une réflexion sérieuse avec l’ensemble des acteurs. Dans notre calendrier, cette réflexion est prévue, et dans les prochains jours, une communication sera faite à l’endroit des acteurs pour que nous nous mettions autour d’une table afin d’élaborer une stratégie. Le secteur doit reposer sur la concertation des acteurs. En tout état de cause, il faut assainir.
La destination Sénégal est relativement qualifiée de chère. Y a-t-il des mécanismes pour la rendre moins chère ?
Si l’on veut développer le tourisme dans ce pays, il faut faire un effort important sur la structure des coûts et sur le prix du package. C’est important de regarder toute la fiscalité du secteur et tous les éléments de coûts qui alourdissent inutile- ment le secteur. Il faudra essayer de voir ce qu’il faut dégrever pour avoir des prix compétitifs.
Nous sommes dans un monde ouvert où ce n’est pas seulement la beauté d’un site ou l’attractivité intrinsèque de l’offre qui détermine le choix du client, il y a aussi la soutenabilité financière à regarder. Nous sommes disposés, dans cette concertation, à poser sur la table la problématique du prix et à voir où faire des efforts pour permettre à notre destination d’être compétitive.
Ne craignez-vous pas des effets négatifs de la fièvre Ebola, présente en Afrique de l’Ouest, sur le tourisme au Sénégal ?
Si, le secteur est touché par cette maladie de la peur, c’est un secret de Polichinelle. Mais il faut apporter la bonne information au marché car, dès qu’on parle de l’Afrique, particulièrement de l’Afrique de l’Ouest, le touriste a tout de suite un réflexe de prudence. Il faut communiquer pour montrer que le Sénégal reste une destination sûre, n’a pas de cas Ebola, il avait un cas (le jeune Guinéen maintenant guéri et rapatrié, ndlr) qu’il a bien géré.
Je comprends bien le touriste qui, dans son choix, pose la problématique de sa sécurité. Mais nous sommes en train de donner de l’information au secteur et aux acteurs. Nous travaillons avec les tours operators, notre dispositif de communication est en branle et l’information leur est envoyée régulièrement. Leur réaction est favorable. Nous ne pouvons que rassurer le marché en lui disant que le Sénégal est épargné par Ebola.
43 % des arrivées de touristes sont françaises. Comment allez-vous intéresser davantage les autres comme la Chine qui a exprimé son intérêt touristique pour notre pays ou l’Allemagne à la destination Sénégal ?
La diversification de l’offre n’est pas suffisante, il faut aussi diversifier la demande. C’est de travailler sur d’autres marchés, renforcer le marché traditionnel français qui se justifie par les relations historiques et économiques entre la France et le Sénégal. Il faut aussi s’ouvrir à d’autres pays comme l’Allemagne et à des marchés plus spécifiques. Dans un protocole avec la Chine, le Sénégal a été déclaré par Pékin comme destination touristique autorisée.
Cela veut dire que les touristes chinois peuvent venir au Sénégal. Cela entre dans la logique de diversification que nous sommes en train de faire. En novembre, nous signerons un protocole d’accord avec l’Afrique du Sud pour promouvoir le tourisme. Il est extrêmement important de nous ouvrir à d’autres marchés. Nous devons être très agressifs dans la promotion de notre tourisme.
Quel bilan, à mi-parcours, faites-vous de votre collaboration avec l’Agence de sécurité de proximité devant assurer la sécurité des touristes ?
C’est une très bonne initiative. L’Asp permet déjà d’être performant en offre d’emplois, mais, au- delà, il permet à des collectivités locales et à des acteurs du tourisme de régler des problèmes de sécurité. Cependant, il faut reconnaître qu’il peut y avoir des limites dans la performance des agents de l’Asp par rapport à leur formation, relativement aux besoins du secteur qui exige un niveau important de conscience dans l’accueil et le marketing.
Il me semble important de consolider les acquis de l’agence mais aussi de mieux l’orienter vers l’approche client en insistant sur le recrutement et la formation qu’il faut pour une meilleure prise en charge de la dimension commerciale et marketing du secteur.
Le Sénégal est loin de bien vendre son patrimoine culturel...
Quand on parle de promotion d’offre touristique par les communautés, cela veut dire la prise en charge par ces communautés de la gestion de leur offre touristique. Ce sera une compétition entre communautés pour attirer les touristes. Dans le tourisme communautaire, le tourisme religieux va trouver une place importante. On doit faire un travail pour que les guides touristiques intègrent des circuits religieux dans leur offre.
Il y a la problématique de la formation dans les écoles de tourisme. Nous allons, avec les acteurs, organiser un atelier national sur la question de la formation. Le secteur exige une bonne qualité des ressources humaines. Il y a aussi l’importance de faire participer les guides touristiques au développement du secteur. Il y a un travail à faire à ce niveau.
Nous allons considérer le guide touristique comme un maillon important du dispositif. Une structure de formation permanente de guides sera installée, mais aussi un cadre de concertation pour recueillir leur avis.
Que comptez-vous faire, de concert avec votre collègue de l’Environnement, pour stopper l’érosion côtière qui frappe les hôtels de la Petite côte ?
L’environnement est une dimension importante du tourisme. Dans le tourisme de découverte ou dans le balnéaire, nous sommes obligés de travailler avec le ministère de l’Environnement. Un projet est en cours pour le traitement de l’érosion côtière. Nous allons, avec le ministère de l’Environnement, renforcer la lutte.
L’autre élément important, c’est la gestion et la vulgarisation des parcs nationaux. Nous travaillons avec le ministre de l’Environnement pour que le tourisme de découverte soit développé à ce niveau. Il y a un travail à faire aussi avec le ministère de la Culture pour qu’il y ait une cohérence entre les agendas culturel et touristique.
Quel apport espérez-vous des nouveaux sites touristiques comme Joal Fignon, Pointe Sarène, etc. ?
C’est la modernisation de notre offre. Saly a atteint ses limites aussi bien dans la modernité de son offre que du besoin de renouvellement naturel de l’offre. Le Sénégal mérite de nouveaux sites qui vont booster l’attractivité du marché, c’est pourquoi il est urgent d’ouvrir Pointe Sarène, Joal Fignon et Mbodiène. Nous avons des partenaires très intéressés par ces sites. Nous allons, dans le Pse, mettre en route ces nouveaux sites.
Le tourisme sexuel inquiète. Est-ce que votre département veille à le prévenir ?
Bien entendu. Nous voulons développer le tourisme éthique, sain, qui protège nos valeurs socioculturelles. La police touristique travaille à cela.
Où en êtes-vous avec le dossier de relance de Senegal airlines ?
Nous sommes en train d’étudier la situation de Senegal airlines pour voir dans quelle mesure cette société doit être redressée, au bonheur du Sénégal. Le Sénégal va inaugurer, en juin 2015, un complexe aéroportuaire (l’aéroport Blaise Diagne de Diass). En toute logique, nous devons avoir un pavillon national pour soutenir l’activité de cet aéroport. Nous sommes en train de travailler sur la situation de Senegal airlines, un travail sérieux est en train d’être fait.