LE COMPTE DE SINGAPOUR
L'EXPERT PAPA ALBOURY NDAO SE CONFIE
De tous les acteurs qui tournent autour du feuilleton judiciaire de Karim Wade, il est sans doute celui qui est le plus mis en relief. Lui, c’est l’expert-comptable Papa Alboury Ndao, qui avait été désigné par la Commission d’instruction de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI), pour mener la mission d’administration provisoire de Dubaï Ports World Dakar. Une mission qui avait occasionné bien des polémiques ; épiphénomène, comparé à l’autre dossier qui fait couler salive et encre : les 47 milliards de Singapour. Dans cette interview, qu’il a bien voulu nous accorder, Papa Alboury Ndao, relativement ébranlé par cette affaire, explique comment le dossier lui a été imputé, les conditions dans lesquelles il a travaillé, les blocages auxquels il a eu à faire face et les pressions subies. Entre certitudes, révélations, censures, charges, coups de gueule, résignations, Papa Alboury Ndao valse entre plusieurs sentiments.
Vous êtes au cœur d’une polémique liée au rapport que vous avez produit dans le dossier Karim Wade. Dites-nous comment Alboury Ndao est entré dans cette affaire bien chaude ?
Merci de me donner l’occasion de m’exprimer. J’ai décidé de faire cette interview dans le seul et unique but d’éclairer la lanterne des sénégalais. En effet, quand j’ai vu à la télévision un des doyens de la presse sénégalaise affirmer que j’ai monté de toutes pièces cette histoire du compte de Singapour, je me suis senti obligé de faire cette sortie. Cette dernière se fera dans le respect du secret de l’instruction. Car tout ce qui sera dit ici a été déjà débattu de manière publique et devant la CREI et le tribunal correctionnel.
Dites-nous comment vous êtes entré dans ce dossier ?
Je suis expert-comptable diplômé en France. J'ai travaillé pendant six ans en tant qu'expert-comptable et expert judiciaire. D’ailleurs l’expertise judiciaire a été le sujet de mon mémoire d’expertise comptable. Ici, à Dakar, j'ai implémenté cette activité d’expertise judiciaire depuis 2004, date à la quelle je suis rentré pour servir mon pays. Ma sélection est le résultat d'une accréditation de la Cour de répression de l'enrichissement illicite (CREI) quand cette structure a été montée, après dépôt d'une demande de candidature sur la base de mon expérience et ma connaissance du domaine portuaire. Et par ailleurs je pense que je ne suis pas le seul expert comptable qui a travaillé avec la CREI. J'aimerai rappeler également que RMA est un cabinet membre du réseau NEXIA qui est l’une des premières mondiales des firmes d'audit internationalement connues. On a eu, du fait de notre expertise et de notre sérieux, à être désigné par le Millenium Challenge account qui nous a envoyé l'Inspection générale de Washington (OIG MCC) pour évaluer les cabinets susceptibles de pouvoir auditer le MCA Sénégal dont les fonds sont d'un montant de 540 millions de dollars, soit le plus gros projet que le Sénégal ait jamais obtenu des Etats-Unis. Rien que le fait d’avoir été sélectionné par le MCA quand on connaît les normes américaines nous placent au dessus de tout soupçon. C’est une référence absolue. Les Cinq cabinets RACINE Ernest and Young KPMG, BDO, DELOITTE et RMA Sénégal ont ainsi été choisis comme étant en mesure d’assurer l’audit du MCA Sénégal et ainsi participés à l’appel d’offre. Ainsi nous avons remporté l’audit du MCA Sénégal sur 3 exercices. L’audit du MCA pendant 3 ans est la preuve de notre crédibilité et de notre sérieux. Et d’ailleurs nous avons eu les félicitations de l’inspection générale du MCC pour la qualité et le sérieux de nos travaux. C'est fort de cette expérience et expertise que j'ai été choisi par la CREI qui m’a confié une mission d’administration et d’investigation de la société Dubaï Ports Word Dakar.
Votre passage à Dubaï Ports World Dakar a créé beaucoup de bruits. On vous a reproché de demander trop d’argent et d’avoir un appétit démesuré...
Au niveau de Dubaï Ports World, j'ai été désigné administrateur provisoire, chargé d'administrer de gérer et de conduire une mission d'investigation. La mission d’investigation avait pour but d'identifier les liens économiques et juridiques qui existeraient entre Dubaï Ports World Dakar, Dubaï Ports World Sénégal qui est dans les Îles vierges britanniques. J'ai dû procéder à des diligences qui m'ont values une campagne médiatique de dénigrement et décrédibilisation liée aux honoraires que j'ai perçus dans l'exercice de cette mission. Je m'en étais expliqué longuement dans une interview à l’époque en apportant des éléments justificatifs dans un quotidien de la place pour éclairer l'opinion (...). J’ai des éléments de preuves sur cette campagne de dénigrement orchestrée contre moi et je l’ai joint dans le rapport qui a été remis à la CREI (...). Je précise cependant que cela concerne un seul journal contrairement à ce que les gens ont pu peut être le penser lors de l’audience, j’ai du respect pour le travail que vous faîtes (...) mais c’était une campagne de com pour me dénigrer (...). Je persiste et signe : ce compte est réel (...).
Qu'a révélé au juste la mission d'administration et d'investigation à DP World ? La montagne a accouché là aussi d’une souris...
Surtout pas (Il insiste...). Cette mission nous a permis d’atteindre les objectifs assignés pour ce qui concerne l’administration provisoire. En effet l'objectif principal de l'administration était de poursuivre l’activité et remplir toutes les obligations qui pèsent sur la société, ce qui a été fait. Pour le volet investigation, nos travaux nous ont permis de conclure qu'il n'y avait pas de transferts suspects entre Dakar et les Iles vierges britanniques et que les dividendes qui devaient revenir à la société mère DP World Sénégal domiciliée aux iles vierges britannique ont été directement payés à Dubaï FZE qui est à Dubaï. J'en ai conclu dans mon rapport qu'il n'y avait pas de fonds suspects. ET c'est sur cette base là que la Commission d'instruction a motivé sa décision pour lever l'administration provisoire. Pour dire que RMA est imbu d'une démarche objective consistant à rendre compte les résultats exacts et objectifs de ses travaux. Si ma volonté comme certains le disent était de m'enrichir, j'aurai pu retarder les travaux, prolonger la mission d'administration provisoire de deux à trois mois pour engranger d'autres honoraires ou conclure sur l’existence de mouvements suspects.
Mais vous étiez déjà bien payé, très bien payé même dans cette mission-là...
Tout est assez relatif. Je pense très objectivement que ce n’est pas le cas et que les montants facturés sont en conformité avec des prix pratiqués et par RMA et par les confrères.
Pouvez-vous nous donner des précisions sur les montants
J'en ai déjà longuement parlé à l’époque... (Hésitation). Bon, ce sont des honoraires de 18 500 000 FCFA par mois pour une administration provisoire qui a duré 2 mois. Ces honoraires se justifient de la manière suivante. On avait une équipe de trois experts comptables diplômés qui travaillaient en plein temps dans la gestion quotidienne de DP World. Ma démarche a été de ne pas chambouler l'organigramme et de faire confiance à l'équipe existante mais avec quand même la mise en place des verrous à chaque poste clé important, en y mettant des gens compétents qui ont les capacités et les compétences pour faire le travail de contrôle et de supervision. Ces experts comptables diplômés qui travaillent en plein temps sur le dossier coûtent de l'argent. Les gens ont parlé de salaire alors qu’il s’agit en réalité des honoraires du cabinet qui a mis trois experts comptables diplômés en full time. Il faut savoir qu’un expert comptable est facturé à 80 000 FCFA de l’heure selon notre barème. Et que DP WORD travaille avec des experts qui facturent 450 USD de l’heure. J’insiste, si ma volonté était de m'enrichir, je n'allais pas conclure à la négative au bout de 2 mois pour donner à la CREI l'occasion de lever l'administration provisoire. J’allais trouver les moyens de prolonger légalement la mission. Ce qui n'est ni la culture ni la manière de fonctionner de Alboury NDAO et de RMA.
Aujourd'hui si vous êtes au cœur de l'actualité, c’est surtout à cause du fameux compte de Singapour. Comment avez-vous fait pour sortir une affaire aussi grosse que cellelà ? Dites-nous !
La démarche a été simple. Après la levée de l’administration, j’ai été investi par la CREI d’une mission d’investigation pour identifier les véritables bénéficiaires des dividendes de DPW Dakar. Ainsi, j'avais identifié des partenaires ayant une expertise avérée sur les paradis fiscaux, et les BVI, leur mode de fonctionnement etc. Nous avons constitué trois équipes avec lesquelles nous avons défini des modalités de collaboration, une approche et des modalités de paiement.
Mais comment constituez-vous ces équipes-là, sur quelle base ?...
C'est un travail de recherche de réseau de gens qui sont spécialisés dans les investigations en matière de criminalité financière dans des paradis fiscaux ou des BVI etc.
Les connaissiez déjà assez pour leur faire confiance et comment ça se passe dans des cas comme ça ?
C'est sur la base de leur CV et de leur référence professionnelle (Il se répète). On prend la décision de collaborer avec eux étant donné que nous aussi, nous sommes des experts et on ne peut pas quand même nous faire croire ou nous faire avaler n’importe quoi. Et pour aller dans le fond du problème, une des équipes dans le cadre de cette démarche a trouvé le fameux compte de Singapour avec l'ensemble des éléments et des mouvements de Dubaï CERAMIC qu'ils m’ont transmis puisqu’il faut le rappeler ma mission porte la société DP WORLD et nous avons focalisé nos travaux d’investigation sur elle. Une fois ces éléments en ma possession, je les ai soumis à une deuxième équipe de partenaires dans une démarche de contrôle et de validation. Ces derniers ont diligenté leurs investigations et qui m'ont confirmé que les éléments trouvés sont bons. Compte tenu du fait que la CREI exigeait le contrôle et la validation par ses propres soins de ces éléments avant tout paiement des honoraires des sapiteurs, j'ai payé de mes propres deniers personnels le tiers des honoraires de ces sapiteurs qui m'ont d'ailleurs fait cette faveur et de réduire le budget, d’accepter l’acompte et qui m’ont donné l’assurance que si les trouvailles n'étaient pas valides, ils allaient me rembourser cette avance.
Et quel est le moment de cet argent-là ?
C’est50.000 Euros(environ35millions de francs Cfa) que j'ai payés ainsi que les frais les frais d'avions et autres. N'ayant pas eu le pouvoir de police judiciaire pour obtenir des banques des informations qui par nature sont confidentielles au Sénégal à plus fortes raisons dans les paradis fiscaux, la CREI qui a plus de pouvoir d'investigation a procédé à la vérification et de validation des éléments produits par le sapiteur.
La CREI a vérifié et validé votre travail ?
Parfaitement ! Quand on a eu les éléments on les a transmis à la CREI qui a procédé avec ses moyens à la vérification, confirmation et validation des éléments. La CREI m’a confirmé que les informations sont bonnes et c’est après cette validation que les honoraires et frais des sapiteurs ont été payés. Le processus de vérification et de validation par la Crei a été assez long. Ce qui fait, après que la CREI a validé les éléments, nous avons dû rédiger le rapport en tenant compte de la date butoir, le 10 avril 2014. Ces éléments relatifs au compte de Singapour avec l’ensemble des éléments d’identification et les mouvements entrants et sortants ont été intégrés dans notre rapport en y annexant le rapport du sapiteur. Notre rapport a été transmis exclusivement à mon mandant à savoir la commission d’instruction de la CREI. Je pense qu’avec tout ce processus de vérification et de validation qui a été accompli de part et d’autres qui m’a permis de m’entourer de maximum de garantie quant à la véracité et la fiabilité des ces informations, je ne saurai et pourrai ne pas informer mon mandant. J’estime d’ailleurs que si j’étais animé par la volonté de charger Monsieur Karim je ne me serais fatigué à m’entourer des ces garanties notamment que la CREI vérifie et valide ces éléments. Par ailleurs comment quelqu’un de censé peut oser croire que j’ai pu produire ce rapport avec ces éléments aussi importants juste sur la base que "mes sapiteurs de Londres m’auraient dit que Mr KARIM Wade a un compte à Singapour.....". Comment une instance aussi sérieuse que la CREI peut se permettre de retenir les conclusions de mon rapport d’asseoir son ordonnance de renvoi et de lancer une commission rogatoire internationale sur cette base ?
Le problème est que ces comptes que vous citez n’existent pas, selon les pièces fournies jeudi dernier au procès, signées par les autorités de la banque de Singapour...
Sans violer le secret de l’instruction du fait que cette affaire est pendante et que ces éléments nouveaux n’ont pas encore été débattus, je ne saurais m’en appesantir. Si ce n’est de dire que ces allégations n’engagent qu’eux. Je précise également qu’il a été bien mentionné dans mon rapport que le compte est codé...
C’est-à-dire ?
Codé dans le but de dissimuler l’identité de ce compte. On l’a clairement dit. C’est une pratique qui est courante. Pourquoi les gens vont dans les paradis fiscaux ? C’est vrai qu’il y a une approche d’optimisation fiscale, mais les gens y vont surtout pour que l’identité des titulaires de comptes ne puisse pas être révélée. Et que ces personnes puissent bénéficier de services de nature à garantir la confidentialité leur identité chose qu’ils ne peuvent pas avoir dans les autres pays.
Une pratique qui est courante ?
Oui, c'est une pratique qui est courante et donc les gens vont dans ces paradis fiscaux pour bénéficier d'avantages fiscaux mais aussi pour que l'identité des bénéficiaires des comptes ne puisse pas être révélée. Et ce que j'ai dit dans mon interrogatoire, c'est qu'il est possible que certaines banques des paradis fiscaux puissent éventuellement effacer les traces de ces comptes-là. Je ne dis pas que cela a été le cas à l’occurrence contrairement à ce qui a été dit dans la presse, mais c’est une possibilité que les banques peuvent offrir à leurs clients.
Il y a quand même des avancées dans ce domaine-là, les Etats-Unis et l’Union européenne mettent de nos jours assez de pression sur les paradis fiscaux pour qu’ils lâchent du lest...
Je pense. Mais dans cette affaire, la commission rogatoire n’a pas encore donné de réponse.
Comment avez-vous trouvé le compte de Singapour ?
Lors de l'administration, il y a eu rien du tout. Mais c'est dans la deuxième mission qui elle consiste à une investigation que nous avons découvert un compte qui a été ouvert en 2011 avec un solde de 93 millions de dollars qui appartient à AHS Guinée Bissau et détenu à 100% par Karim Meissa Wade. Et à l'intérieur de ce compte, nous avons identifié deux virements provenant de Dubaï Ceramic d'un montant total de 15 millions de dollars. Dubaï Ceramic a été déclaré comme une filiale à 100% de DP World FZE qui est le propriétaire indirect de Dubaï Dakar.
Ce sont ces découvertes qui sont remises en cause par les dernières révélations au tribunal
Entre autres
Et quel argument opposez-vous à cela.
C'est archi-faux. Leur argument a été de dire qu'ils ont la liste des filiales qui sont comprises dans les comptes consolidés du Groupe DP WORLD. Or, dans ma démarche d'investigation, j'avais demandé à Dubaï de me donner l'ensemble des sociétés, y compris celles qui ne sont pas consolidées puisque dans une consolidation c'est uniquement les sociétés qui ont une importance significative qui sont intégrées. Toutes les sociétés ne sont pas dans le périmètre de consolidation. Les dubaiotes m'ont opposé une fin de non-recevoir. Ce qui est déjà très suspect. Je leur ai dit si vous n'avez rien à vous reprocher et compte tenu du fait que j’ai déjà conclu à la négative quant à l’existence de mouvements suspects dans les comptes de DP WORD Dakar, ouvreznous les portes et nous allons avec diligence et de célérité procéder aux contrôles et s’il y a rien, on le mentionnera dans notre rapport comme on a eu à le faire dans le passé. Mais malgré cela, ils ont refusé, en arguant que nous n’avions pas de pouvoir de police judiciaire et que ma mission se limite à Dakar et que je ne serai pas reçu à DUBAI. (...).
Pourquoi ne vous êtes entouré de garanties pour assurer la traçabilité du compte que vous avez découvert ? On peut vous reprocher au moins une certaine légèreté...
C'est ça que l'opinion ne comprend pas. Lorsque moi M. Ndao en tant qu’expert investi d’une mission, j'ai déposé mon rapport le 09 avril, ma mission s'arrête là (...). Je n'ai pas le pouvoir de police judiciaire pour demander à une banque de me fournir ni les extraits ou relevés bancaires d’un client. Ceci n’est pas possible au Sénégal encore moins dans les paradis fiscaux et BVI où les gens vont pour bénéficier de la confidentialité et de l’opacité des opérations. L'un des avocats de DP World me l'a d’ailleurs rappelé. Dès l'instant que j'ai eu le rapport de mes sapiteurs que j'ai fait contrôler et valider et par une deuxième équipe et par la CREI qui a plus de pouvoir et de possibilité d’investigation. J’ai aussitôt établi le rapport compte tenu des délais impartis qui a été transmis au mandant et ma mission s’arrête là et est terminée. Je n’ai ni le pouvoir les moyens d’aller chercher l’argent ou collecter les extraits ou relevés bancaires. Et ça, il faut que les gens le comprennent.
On a parlé justement d’accusations gratuites à cause de ce manque de continuité dans le travail ...
Je ne pense pas qu'on puisse le qualifier d'accusations gratuites car mes deux équipes de sapiteurs ainsi que les travaux de vérification et de validation de la CREI qui ont tous abouti à la même conclusion sont de nature à garantir la fiabilité de ces éléments. Il faut aussi préciser que les conclusions d’un expert par définition ne lient en aucune manière le juge. Si ce dernier estime que les conclusions de l’expert ne sont pas fondées il ne les retient pas où tout au moins va diligenter une contre-expertise. Mais ici, en l’occurrence mes conclusions ont été retenues et il s’en est suivi une Commission rogatoire. Ce qui, pour un expert, est synonyme de mission accomplie avec succès.
Bien sincèrement, vous n'avez pas l'impression que vous avez été piégé ?
Piégé ? Moi mon travail je l'ai fait et terminé le jour où j'ai rendu mon rapport. Je ne peux être plus royaliste que le roi et ne saurait m’immiscer dans les prorogatives qui ne sont pas les miennes...
L’hypothèse selon laquelle vos collaborateurs sont des gens uniquement attirés par l’appât du gain ne vous a pas effleuré l’esprit.
Non, ce sont des professionnels avec lesquels nous gardons des relations étroites de collaboration. Vous savez les truands qui intéressés par l’appât du gain disparaissent une fois qu’ils ont encaissé leur butin. Par ailleurs jusqu’au moment où je vous parle je suis en relation avec ces sapiteurs et constituons une équipe prête à encore travailler pour la justice sénégalaise. La campagne de dénigrement consistant à faire croire à l’opinion que c’est une bande constituée de français et de camerounais qui auraient encaissé 500 000 euros pour nous vendre ces fausses informations est pure fabulation et rentre dans leur logique de jeter le discrédit sur ma personne. Au même titre que l’affirmation de l’avocat Amadou Sall disant que j’ai été grassement payé et que je bénéficie d’une protection des plus hautes autorités.
Et l’hypothèse que vous vous êtes trompés de bonne foi ?
Non, je me suis entouré du maximum de garantie. Au-delà du contrôle de mes collaborateurs, il y a eu le contrôle de mon mandant qui est quand même une autorité judiciaire dotée de pouvoirs judiciaire lui permettant d’accéder ou d’obtenir des éléments que moi expert je ne pourrai et saurait obtenir.
Peut-on avoir plus de précision ? On peut savoir leur identité ? Ils travaillent dans quelle banque ?
Non, ce n’est pas possible de livrer leur identité pour la seule et simple raison que ce sont des gens qui prennent des risques pour collecter et communiquer les informations. Et que la révélation de leur identité remettra en cause tout ce travail d’investigation qui nous a permis aujourd’hui d’avoir un réseau et une mine d’informations que nous sommes disposer à utiliser pour les éventuelles autres missions que pourraient nous confier les tribunaux.. C’est à ce titre-là que je ne me permettrai pas de donner des éléments sur l’identité de mes collaborateurs.
Donc, il faut reconnaître que nous sommes dans une sorte d’impasse...
Vous savez quand la commission rogatoire internationale a tardé, j’ai demandé à mes collaborateurs s’ils sont en mesure, de poursuivre leurs investigations pour décanter la situation, ils ont répondu qu’ils pouvaient nous donner les éléments dont nous avons besoin.
Est-ce que c’est le cas aujourd’hui encore ?
C’était le cas il y a une semaine. Il y a plus de trois mois, j’en avais informé la CREI. Mais je n’ai pas eu de retour.
De façon orale ou écrite ?
De façon orale
Quel est le problème alors ?
Il faut payer, ce ne sont pas des enfants de chœur. C’est des gens qui prennent des risques et exigent des honoraires pour le travail effectué.
Concrètement, si on vous donne ce dont vous avez besoin, est-ce que vous êtes prêts aujourd’hui à livrer la totalité des informations dont le juge a besoin ?
Bien sûr. Nous en avions informé la CREI comme je l’ai déjà évoqué. Mais j’ai cru comprendre que du fait de la clôture de l’instruction ceci ne sera pas d’une utilité en tout du point vue juridique.
Combien faut-il ?
Ce ne sont pas des montants faramineux qu’il faut pour aller plus en profondeur dans ce dossier. Très honnêtement, eu égard aux enjeux financiers dans cette affaire... (47 milliards Cfa, c’est une chose, mais il y avait aussi un compte de 170 millions d’euros qui a été découvert, sur lesquels il n’y a pas eu de diligences), nous sommes aujourd’hui disposés à le faire moyennant des honoraires qui ne sont pas importants par rapport aux montants en jeu.
Vous ne pensez pas que si l’Etat ne sort pas de l’argent pour payer, c’est parce qu’elle ne vous fait pas confiance.
Je ne me pose pas de question là-dessus. C’est la CREI qui juge de l’opportunité. Car notre objectif c’était de montrer qu’on pouvait le faire comme on l’a prouvé avec le compte de Singapour. On leur a donné les éléments, ils ont procédé aux vérifications et ils ont validé (...)
Avec tout ce que vous avez vécu, si c’était à refaire est-ce que vous aurez mis votre nez dans ce dossier-là
C’est ce que j’ai dit à la barre. On m’aurait même donné un autre dossier avec des enjeux plus importants que celui-ci, je l’aurai pris de la même manière, je l’aurais traité avec la même rigueur objective. La seule différence, c’est que j’aurais exigé des conditions meilleures pour aller au bout de mon processus. Parce que pour ceux qui croient que je suis payé pour enfoncer Karim que je ne connais ni d’Adam ni d’Eve et que j’ai rencontré une seule et unique fois le jour le l’ouverture du procès le 31 juillet, je leur dirai de chercher la motivation ou le mobile. Celui qui cherche à faire ce genre d’ignominie doit avoir au moins une contrepartie financière ou autre. Pour votre information, jusqu’au moment où je vous parle la provision de mes honoraires ne sont toujours pas payés. Nous avons été obligé d’avoir une ordonnance de taxe pour au moins disposer d’un titre de créance. Par ailleurs, je ne pense pas être fou au point de remettre en cause la crédibilité de mon cabinet que j’ai eu à bâtir depuis 2007 et qui m’a valu les félicitations notamment des Inspecteurs des finances du Gouvernement américain en charges du contrôle des fonds du MCC. De Londres jusqu’au Burkina Faso en passant par Luxembourg, la France le Sénégal...., partout où j’ai eu à travailler vous ne verrez quelqu’un qui me connaît et qui puisse croire ou dire que Mr Ndao est capable de faire ce genre de chose.
Enfin si c’était à refaire j’aurai répondu aux menaces des avocats de Karim Wade par la voix de Mohamed Seydou Diagne qui m’a appelé au téléphone pour me proférer des menaces et me tenir des propos injurieux me traitant de tous les noms alors que j’étais dans les cimetières en train d’enterrer le père de mon beau-frère.
Alors maintenant vous avez toujours un policier armé collé à vous, cela ne doit pas être facile à vivre ?
Ce n’est pas facile à vivre mais c’est inhérent à nos activités et à notre environnement. C’est peut-être lié au fait que pour des raisons purement subjectives ou politiques, il y a des acharnés qui peuvent poser certains actes, mais je suis motivé pour le travail pour lequel je suis formé. Je n’ai pas peur. On m’aurait confié un autre dossier avec plus d’enjeux, je l’accepterai sauf s’il y a des raisons d’incompatibilité ou d’indépendance. Autrement rien ne m’émeut.