LE SORT DE DEUX SÉNÉGALAIS EN QUESTION
RECRUDESCENCE DES PEINES CAPITALES À BANJUL

Les condamnations secrètes à la peine capitale prononcées en Gambie contre des soldats accusés d'avoir participé à la tentative de coup d'État de décembre dernier contre le régime de Yahya Jammeh soulèvent à nouveau des inquiétudes sur le sort de nos compatriotes sénégalais en attente de leur exécution dans la lugubre prison "Mile Two" de Banjul.
Il s'agit du jeune Saliou Niang, dans les couloirs de la mort depuis 8 ans et d'Abdourahmane Baldé, un autre sénégalais originaire de Tambacounda, condamné à mort depuis 19 ans.
Père d'une fille aujourd'hui âgée de 10 ans, Saliou Niang a été arrêté en 2007 puis condamné à la peine capitale par un tribunal de Banjul pour un meurtre commis sur un pêcheur, à la suite d'une bagarre qui les a opposés sur la plage de Gunjur, un village à l'ouest de la Gambie.
De son côté, Abdourahmane Baldé a été arrêté en 1996 puis condamné à mort pour sa supposée complicité avec le commando qui avait pris d'assaut la caserne militaire de Farafenni la même année, sur ordre de Kukoi Samba Sanyang. Tous ces deux sénégalais ont en commun le triste sort de porter l'uniforme noir des détenus de la prison "Mile Two" qui attendent leur exécution.
Le nouveau recours au secret et à l'omerta pour demander la peine capitale de soldats est la marque de fabrique de Yahya Jammeh, d'où l'inquiétude sur le sort de nos compatriotes. Car, le tyran de Kanilai s'est bien joué des autorités sénégalaises depuis les exécutions secrètes à Banjul, en août 2012, de neufs détenus dont Tabara Samb et de Djibril Bâ, deux autres sénégalais dont les dépouilles mortelles n'ont d'ailleurs jamais été restituées à leurs proches.
C'est pourquoi les craintes sur le sort de Saliou Niang et d'Abdourahmane Baldé sont d'autant plus justifiées que ce jeudi, Mme Rupert Colville, porteparole du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les droits de l'homme a déclaré que son organisation "est profondément préoccupée par les peines de mort prononcées la semaine dernière par un tribunal militaire en Gambie contre des personnes accusées d'avoir participé à une tentative de coup en décembre dernier. Craignant le pire, Rupert Colville a ajouté que le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les droits de l'homme espère que les détenus seront autorisés à faire appel, comme écrit dans le droit gambien, et appelle le gouvernement gambien à maintenir son moratoire sur la peine de mort."
En 2012, avant de reconnaître la mise à mort de nos compatriotes, Jammeh a d'abord nié avoir fait exécuter un quelconque sénégalais lorsque le ministre Amadou Kane fut dépêché par Macky Sall à Banjul pour s'enquérir de la situation. La stupeur et l'indignation de ces exécutions faites en dehors de toutes les règles admises par la communauté internationale avaient fait réagir le chef de l'Etat sénégalais.
Revenu d'un voyage à l'étranger, il avait convoqué l'ambassadeur de la Gambie au Sénégal et interpelé les institutions africaines et internationales habilitées pour que les vies de Saliou Niang et d'Abdourahmane Baldé soient sauves. La réponse de Yahya Jammeh était d'un cynisme sans mesure puisque disait-il, "les exécutions des neuf détenus avaient pour but de juste faire peur aux criminels".
Début décembre 2012, Jammeh envoie une mission au président Sall pour lui assurer que Saliou Niang sera gracié. Mais comme l'on pouvait s'y attendre, le tyran de Banjul n'a jamais tenu parole. Pourtant une libération était dans l'ordre du possible puisque lorsqu'il a appris l'exécution de ses compagnons de cellule, Saliou Niang est entré dans une hystérie avant de perdre le contrôle de toutes ses facultés psychiques.
Il est donc moralement ignoble tout comme juridiquement irrecevable pour Yahya Jammeh de faire ôter la vie à un condamné à mort ne jouissant plus de ses facultés mentales. EnQuête détient de sources sûres que l”état de santé de Saliou Niang suscite un grand émoi parmi ses codétenus. Les refrains de ses "khassaïdes" (chansons et vers mourides) percent chaque jour le silence pesant de ce bagne où règne une atmosphère de terreur sans égal.