UN REFERENDUM, QUEL REFERENDUM ?

Un référendum oui, mais quel référendum ? Celui pour demander d'arrêter à cinq ans le mandat en cours de sept ans du président Macky Sall ou celui pour changer la durée du mandat présidentiel dans la constitution ? Dans leurs effets, les deux ne sont pas équivalents, non plus dans les causes de leur fondement. Une promesse du candidat Macky en quête de suffrages dans le premier cas et, dans le second cas, une demande du peuple de reformatage du mandat présidentiel parmi d'autres réformes pour une constitution d'une démocratie aux pouvoirs plus équilibrés, vaste programme.
Le candidat Macky avait promis, s’il était élu en mars 2012, d’écourter son mandat de deux ans. Et le peuple lui avait dit : Chiche! et l’a porté à la magistrature suprême. Premier Magistrat sur la plus haute station avec tous les pouvoirs de la charge. Pour cinq ans ou pour sept ans, c’est à sa guise. Alors, où est le problème ? Pourquoi vouloir redemander au peuple qui a déjà répondu à près de deux contre un ? Cela ne ressemblerait-il pas à du “retenez-moi sinon je fais un malheur“ ? Un malheur redouté par ses partisans qui savent très certainement comme lui qu’une élection n’est jamais gagnée d’avance. D’autant que le peuple, espiègle à souhait, a pris goût au “jallarbi” comme disent les “cocos”. Il lui reste seulement un brin d’espièglerie à mettre cui-ci à une station et cui-là à l’autre station. Histoire de distribuer le pouvoir politique aux uns et aux autres et de rappeler à l’occasion chacun à ses devoirs et non à ses promesses.
Un référendum pour écourter le mandat en cours risque, dans ses effets, de coûter très cher au peuple qui devra revenir l’année suivante pour désigner le cinquième président de la république. L’Etat pourra en faire meilleur usage à l’affecter au système éducatif qui n’endemeure nde pas tant. Avec le débat très tôt installé sur la place publique et qui ne concerne en définitive que l’intéressé et peut-être ses partisans, le pays s’engage dans une campagne électorale anticipée qui n’engage pas au travail productif, source de croissance et ...d’émergence. Au détriment d’un bilan qui a besoin d’être conforté pour justement rassurer, ce à quoi le débat ne contribue pas et loin s’en faut. Un débat, de surcroit, d’une pauvreté affligeante à lasser les plus friands de joutes politiques. Ou plus grave encore, les contributeurs au fameux PSE.
Quand il s’agit de la loi fondamentale, les spécialistes et les sachants du droit sont mis en selle. Avec une belle unanimité, les constitutionnalistes ont rendu leur verdict, péremptoires : le mandat du président ne saurait être écourté sans référendum. La voie suprême par consultation directe du peuple et non par la voie indirecte du législateur représentant du peuple, sacralité de la constitution oblige. Juste pour tenir une promesse de campagne électorale, une foire à promesses. Le biais était là, dès l‘entame, qui empêche de trouver la meilleure formule : le mode “fast track”, le mode ingénieur vite fait bien fait, qui n’est sûrement pas ce référendum mal fondé. Référendum auquel on cherche à donner de la substance en l’enrobant d’autres réformes butinées ça et là dans celles recommandées par la vénérable CNRI.
Le président peut s’accorder avec le candidat Macky Sall pour remplir son contrat avec lui-même et avec son peuple : la volonté est réunie dans le même individu et qui certainement pas une volonté politique. La question ne mérite donc même pas débat : le président doit simplement provoquer la vacance du pouvoir comme le dit la constitution en démissionnant. La voie constitutionnelle est toute tracée, donc acte pleinement républicain. Le président de la république ne risque pas d’être accusé de haute trahison et sa dignité républicaine sera sauve comme sa dignité tout court.
Et, pour rester dans le mode “fast track” et dans l’ambiance PSE, l’agenda suivant en cinq points est suggéré sans frais :
Rédiger, d’ores et déjà, la lettre de démission, la déposer au conseil constitutionnel ou à la Cour suprême qui doivent constater la vacance du pouvoir et à n’ouvrir qu’au terme du mandat promis de cinq ans ;
Revenir sur cette autre promesse d’un gouvernement resserré de 25 ministres, belle occasion de mettre en selle un gouvernement de bilan pour les deux années en vue, parce que la kyrielle de conseillers ne le disent pas, il y a loin à courir pour réaliser un bilan de représidentiable à réélire au premier tour ;
Travailler sur un package consensuel de réformes institutionnelles à proposer à ce référendum tant attendu parce que bien fondé et faire du non cumul des fonctions de chef de parti et de chef d’Etat, une réforme phare à s’appliquer hic et nunc ;
Se poser en vrai leader en nettoyant les écuries d’augias de la galaxie des conseillers à la station présidentielle et ...ailleurs, occasion d’envoyer tout ce beau monde sur le terrain politique d’où ils sont venus squatter l’Administration de l’Etat, Administration de l’Etat qu’il faut prendre sur soi de dépolitiser avec des cabinets ministériels resserrés, managés par les bons vieux Secrétaires Généraux, grands commis de l’Etat, fonctionnaires de la hiérarchie A de la bonne vieille fonction publique et pas des grandes écoles de commerce ;
Peaufiner d’ores et déjà les trois discours solennels des deux fins d’année et du 3 avril et le dernier discours solennel d’annonce officielle de démission de mars 2017 précédant la vacance du pouvoir...
Après on pourra dire, que Dieu garde le Sénégal.
Momar Gassama
Dakar