LES VERITES DE MAMADOU LAMINE LOUM
SITUATION POLITICO-ECONOMIQUE DU SENEGAL
Animant une conférence autour du thème «les Constitutions africaines à l’épreuve du développement et de la démocratie : l’exemple du Sénégal», l’ancien Premier ministre Mamadou Lamine Loum a passé à la loupe la situation politico-économique de notre pays. Il a décelé plusieurs maux qui gangrènent notre Etat et empêchant ainsi son décollage économique. Sur la réduction du mandat du président, il est d’avis que le meilleur schéma reste le quinquennat.
Le Cercle d’études et de réflexions stratégiques pour un Sénégal Emergent (Cerssem), en collaboration avec le Groupe de réflexions et d’analyses et de perspectives sur les processus politiques, sociaux et économiques(Grappe), a lancé une série de grandes conférences dont la première était animée ce weekend par Mamadou Lamine Loum. Disséquant le thème «les constitutions africaines à l’épreuve du développement et de la démocratie : l’exemple du Sénégal», l’ancien Premier ministre a passé au peigne fin la situation politique et économique du Sénégal. Sur la réduction ou non du mandat du président de la République, Mamadou Lamine Loum, par ailleurs vice-président de la Commission nationale de réforme des institutions (Cnri), invite à adopter une bonne fois pour tout le quinquennat, qui à son avis, est le meilleur schéma pour le pays, tel que proposé par la Cnri. Il invite ainsi le Président Macky Sall à respecter sa promesse de réduire son mandat de 7 à 5 ans. «Le chantier de réformes institutionnelles annoncé par le président n’est pas encore terminé », a indiqué le dernier Premier ministre du régime de Diouf.
Auparavant, analysant les principaux piliers de la démocratie sénégalaise, l’ancien secrétaire d’Etat chargé du Budget a constaté que «le Parlement n’exerce pas tous ses pouvoirs de vote de la loi, de contrôle de l’action du gouvernement ». La justice sénégalaise aussi n’est pas mieux garnie pour rendre plus forte notre démocratie selon les explications du conférencier. «La justice est moins pourvue en ressources humaines et ressources matérielles. Ses décisions ne sont pas toujours prédictibles et elles ne sont pas toujours écrites. Il y a des abus de détentions préventives alors que la règle c’est que les personnes, sauf cas absolu, viennent au tribunal libres pour leur jugement. Le principe c’est la liberté», analyse l’ancien ministre des Finances sous Diouf. Il regrette aussi que le Conseil constitutionnel se déclare souvent incompétent «parce qu’il ne reconnaît pas le principe du constitutionnalisme qui veut que le Conseil Constitutionnel ait tous les instruments pour pouvoir justifier chaque décision».
UNE ADMINISTRATION DESORGANISEE, UN VAGABONDAGE POLITIQUE, DES FINANCES PUBLIQUES MAL ALLOUEES
En ce qui concerne l’administration, Mamadou Lamine Loum indique qu’elle est désorganisée avec des recrutements, des critères de carrière, de contrôle, de rémunération tous différents d’un corps à l’autre. «On n’est plus dans un système comme ça a existé, mais on est devant des accroches qui se télescopent et s’additionnent. Il n’y a pas plus de système et il n’y a pas de grille de lisibilité de règles générales et impersonnelles qui s’attachent au fond à la seule partie de l’Etat qui assure la stabilité. L’administration reste le bras séculier de l’Etat et si elle n’est pas régulée c’est la porte ouverte à toutes les déviances», explique Mamadou Lamine Loum. Il regrette aussi que la corruption soit implantée dans nos administrations.
Concernant les partis politiques, le conférencier est d’avis qu’ils sont «caractérisés par le foisonnement et le fractionnement. Il n’y a plus de militantisme classique basé sur la conviction, il y a plus de clientélisme et de vagabondage politique entre les partis et les coalitions». Quant à la presse, il estime qu’elle caractérisée par un déficit de professionnalisation, un problème de déontologie et des entreprises de presse marquées par une précarité et une exposition aux pouvoirs d’argent.
Par rapport à la question des finances publiques, M. Loum remarque qu’au Sénégal, les deniers publics sont mal alloués aux secteurs et aux zones géographiques dans ce pays. A son avis, les fonds spéciaux sont aussi une source de désordre financier et il y a une exagération des décrets d’avance. «Les contrôles sont inopérants car les organismes de contrôle comme la Cour des comptes et l’Inspection générale d’Etat ne communiquent pas», regrette M. Loum.
Par rapport au développement économique, le conférencier assène que le Sénégal doit bien gérer sa transition démographique pour réussir ses politiques de développement, de création d’emplois et d’autosuffisance alimentaire. De 7,5 millions actuellement, la population active passera à 19 millions de Sénégalais en 2050, « ce qui est un atout, mais aussi un risque si on ne parvient pas à trouver du travail pour tous ces demandeurs », avertit-il.