SPORT, MEDIAS ET DROIT
Nombre de choses sont faites en marge du droit mais - croyons-nous - plus par méconnaissance que par mauvaise foi. L'absence d'une législation spécifique à l'audiovisuel sportif crée une nébuleuse
Les problèmes juridiques posés par l'exploitation des droits audiovisuels du spectacle sportif sont nombreux. Un certain nombre de pratiques interpelle le juriste et la légalité de quelques-unes est sujette à caution. Ainsi, on ne peut qu'être sceptique face à une radio qui retransmet en direct une compétition en se basant sur les images acquises par une chaine de télévision.
Le même sentiment anime le juriste qui voit des sites web diffuser en direct un combat de lutte dont l'exclusivité des droits de diffusion a été obtenue par une chaine de télévision ou, à l'inverse, quand la télévision propriétaire des droits s'oppose à ce que les autres médias diffusent des extraits de l'évènement.
Nombre de choses sont faites en marge du droit mais - croyons-nous - plus par méconnaissance que par mauvaise foi. L'absence d'une législation spécifique à l'audiovisuel sportif crée une nébuleuse. La présente chronique esquisse quelques réponses.
Droit de citation - En vertu du droit à l'information du public, une chaine de télévision qui a acquis l'exclusivité des droits de diffusion d'un spectacle sportif (match de football ou combat de lutte, par exemple) ne peut pas interdire à ses concurrents (télévisions ou sites web d'information) de diffuser quelques images du spectacle. Ce droit à l'information du public désigne le droit reconnu à tout citoyen d'accéder à une information effective à travers, entre autres, les médias. Il s'agit là, selon les constitutionnalistes, d'un corollaire des libertés fondamentales d'expression et d'opinion. Schématiquement, l'accès à l'information permet de se construire une opinion et c'est la construction de l'opinion qui rend possible l'expression. Ce droit à l'information du public est mis en œuvre à travers le droit de citation.
Celui-ci, en matière sportive, n'est pas réglementé par le législateur sénégalais. On peut toutefois le soumettre au régime de l'Accord de Bangui qui réglemente la propriété intellectuelle dans plusieurs pays africains. Sur son fondement, une chaine de télévision peut diffuser de "courts fragments" d'une compétition, gratuitement et sans l'autorisation de l'ayant droit (article 52 de l'annexe VII de l'Accord de Bangui).
Le texte ne précise pas ce qu'est un "court fragment" mais, vraisemblablement, ce qui importe, c'est que la citation ne soit pas telle que le public qui en a pris connaissance n'ait plus besoin de se reporter à l'œuvre primaire. C'est un peu ce qui se passe – à un autre sujet - avec les revues de presse radiodiffusées qui sont d'une longueur et d'une exhaustivité telles, qu'à notre sens, la lecture des articles cités devient inutile.
En matière sportive, la durée du droit de citation mérite une réflexion particulière. La diffusion des buts d'un match de football, ne suffit-il pas à rendre inutile le report à l'œuvre intégrale ? Pour un combat de lutte, la retransmission, dans le cadre d'une citation, du dénouement du combat (la chute), ne vide-t-elle pas de sa substance les droits du diffuseur primaire ? Et d'ailleurs, comment apprécier la brièveté d'une citation ? Pour un combat de lutte, qui a duré 30 secondes, à partir de combien de secondes doit-on considérer que la citation est trop longue ? La durée s'apprécie-t-elle relativement ou dans l'absolu ?
Il faudra, en tout état de cause, que le législateur intervienne, car le régime du droit de citation tel qu'il découle de l'Accord de Bangui est inapproprié à la matière sportive.
Mamadou Selly Ly
(Pour approfondir sur le droit du sport, voir la trilogie co-éditée par L'harmattan et le Cres en 2013 : A. SAKHO, M. S. LY, M. KAMARA, Droit des sociétés Ohada et sport, (352 p.), Droit du travail et sport, (265 p.), Droit des associations sportives (162 p.).