LES CLICHÉS D’ÉCHEC ET DE DÉCHÉANCE BIEN ANCRÉS DANS LES MENTALITÉS
Ndougousine, Goundiour, Ndiambour, Kisiang ou encore Koumpentoum Soce
Dans l’imaginaire populaire, Ndougousine renvoie à une prison. Alors qu’il s’agit d’un nom de village niché à une cinquantaine de kilomètres au sud de Koumpentoum. Que ça soit Ndougousine, Goundiour, Ndiambour ou Kisiang ou encore Koumpentoum Socé, la particularité de ces localités est qu’elles sont associées à des clichés d’échec, de déchéance... Des originaires de ces localités estiment que ces croyances relèvent de l’ « histoire ancienne ».
A Ndougousine, Goundiour, Ndiambour, Kisang ou encore à Koumpentoum Socé, les tabous restent ancrés dans la mémoire collective. A l’époque, raconte-t-on, lorsqu’un détenteur d’un poste électif ou nominatif s’aventurait à se rendre dans ses localités, il était licencié de sa fonction dans les jours suivants. Et pourtant, ces localités ont donné des personnes de valeur à notre République. Ces croyances, certains originaires de ces localités tentent de les balayer d’un revers de la main.
Pourtant, elles sont toujours ancrées dans l’imaginaire. D’ailleurs, pour Ndougousine, le simple fait d’évoquer le nom du village fait trembler certaines personnes. Nous nous sommes nous-mêmes confrontés à ce dilemme en voulant nous rendre à Ndougousine. A défaut d’y avoir posé les pieds, nous avons rencontré Mamadou Kamara, originaire de Ndougousine, par ailleurs, directeur de l’école Abdoulaye Kamara de Koungheul. Il connaît bien l’histoire de Ndougousine et du Niani de façon générale.
Il cache mal son sentiment de voir le village d’origine de ses parents être encore victime de ces tabous. « J’étais enseignant à Tamba. Un jour, j’étais en classe et un policier est venu se présenter à moi et il venait de la part du préfet. A mon arrivée, celui-ci m’a dit, en souriant, qu’il voulait ouvrir un bureau de vote dans mon village et que personne ne souhaiterait y aller et même les militaires. Il me disait que c’est par la suite qu’on lui a dit qu’il y avait un fils de Ndougousine qui enseigne à Tamba. C’est comme çà que j’ai accepté d’aller ouvrir le premier bureau de vote à Ndougousine », témoigne-t-il.
« Cette situation a eu beaucoup d’impact pour le développement de ces villages », reconnaît-il. Cependant, souligne-le directeur, « nous nous sommes battus pour vaincre ces tabous. Maintenant, il y a des écoles à Goundiour, à Ndiambour, à Koumpentoum Socé et à Ndougousine. C’est de l’histoire ancienne, mais il y a toujours des choses qui vont rester dans la mémoire », reconnaît Mamadou Kamara.
Aujourd’hui, poursuit-il, « il y a une route qui passe par Ndougousine pour Maka Koulibatang. Des personnes qui ne sont pas issues de la zone président des bureaux à l’occasion des élections. Policiers et gendarmes s’y rendent ».
Les mentalités sont donc en train de changer. A l’en croire, il y a beaucoup de difficultés lorsqu’on voulait construire la piste latéritique qui passe par Ndougousine et qui rallie le village à Maka Koulibatang. Aujourd’hui, avance Mamadou Kamara, les jeunes réclament l’électricité car « aucun peuple ne peut vivre en vase clos ».
A côté de ces tabous, ces villages souffrent du fait que beaucoup de gens qui y sont issus ne reviennent pas pour y investir. Parfois, ils préfèrent aller s’installer ailleurs. « Il y a trop de mystique dans ces villages », nous fait remarquer une personnalité issue d’une de ces localités.
Cela, poursuit-il, fait que ces villages sont enclavés et ils souffrent du manque criant d’infrastructures de base. Pour le chef de village de Goundiour, les ressortissants de ces localités doivent se remettre à Dieu et se rendent compte qu’ils sont originaires de ces villages.
UN VILLAGE DÉPLACÉ À TROIS REPRISES
Relativement à l’assimilation de Ndougousine à la prison, Mamadou Camara indique qu’il y avait un exploitant forestier dans la zone. « Lorsque l’hivernage le trouvait ici (dans la zone), il lui était difficile de quitter la zone à cause des pluies. Les gens disaient qu’il est à Ndougousine », explique le directeur de l’école. A Ndougousine, de l’avis de notre interlocuteur, les tombeaux des rois ainsi que la forteresse « Taata » sont toujours visibles. D’ailleurs, ce patrimoine historique de notre pays a été matérialisé par le ministère sénégalais de la Culture.
Goundiour. La porte d’entrée du Niani a joué un rôle pionnier dans l’histoire de ce royaume. Toutefois, Mbaye Kamara, le chef de village, ignore l’âge de Goundiour à cause de l’absence d’écrits. La spécificité de cette localité, c’est qu’elle a connu trois déplacements pour se retrouver à moins d’un kilomètre au nord de la route nationale n°1.
Selon Mbaye Kamara, ces différents déplacements du village se sont faits sur ordre d’un guide religieux qui a dit à leurs aïeuls que les emplacements antérieurs du village n’étaient pas bénis et qu’il serait mieux de déplacer le village à nouveau vers la route nationale n°1.
L’autre particularité est que le village abritait une forteresse, et tous ceux qui réussissaient à y pénétrer avaient la vie sauve.
Le chef du village de Goundiour que nous avons rencontré dans sa localité ne cesse de se battre pour vaincre ces tabous. « J’ai amené à Goundiour deux sous-préfets ainsi qu’un commandant de la gendarmerie de Koumpentoum », nous confie-t-il.
La conviction de Mbaye Kamara est que lorsque l’autorité fait fi de ces tabous, et se rend dans ces localités, elle gagne en grade. « Vous journalistes, vous êtes interpellés. Il faut que les populations sachent que ces tabous relèvent du passé », dit-il, avec assurance.
D’ailleurs, il ne cautionne pas le fait que beaucoup de gens issus de ces villages, à l’âge du mariage, épousent des filles qui ne sont pas de leurs familles. Ceux qui le font n’ont aucune considération pour leurs origines, estime-t-il.