LE N° 2, SOURCE DES DÉCHIRURES
Crises et divisions dans les partis politiques
Le management des partis politiques reste un défi au Sénégal tant les sources de crise sont nombreuses. Si ce n’est une bataille de succession, c’est la question de la candidature à une élection présidentielle qui peut conduire à des conflits et des chocs de personnalités. Etre numéro 2 d’un parti ne peut non plus être toujours considéré comme position de pouvoir. Les différents soubresauts observés au Parti démocratique sénégalais, au Parti socialiste, à l’Apr et à l’Afp le prouvent à suffisance.
La plupart des 250 formations enregistrées ou en instance au ministère de l’Intérieur, sont nées de déchirures profondes au sein des formations politiques historiques. Dernier exemple en date, depuis 2012, au moins trois partis politiques ont vu le jour à la suite d’une rébellion au sein du Parti démocratique sénégalais (Pds).
Outre le mouvement des réformateurs dont le leader Modou Diagne Fada vient de contester son exclusion du Pds, l’Union nationale pour le Peuple (Unp) que préside l’ex-Premier ministre Souleymane Ndéné Ndiaye, ainsi que le mouvement Mpd/ Ligey de Aliou Sow cherchent récépissé.
Ils sont devancés sur ce registre par l’Union des centristes du Sénégal et la Convergence Bokk gis gis que dirigent respectivement Abdoulaye Baldé et Pape Diop. Ces anciens lieutenants du Pape du Sopi ne digèrent pas le leadership imposé et incarné par le coordonnateur Oumar Sarr et le candidat du parti Karim Wade.
Annoncée au poste de présidente de groupe parlementaire, Aïda Mbodj anime parallèlement son mouvement politique, dénommé Alliance nationale pour la démocratie /Saxal Sénégal. Le lancement avait été boycotté par les grands caciques libéraux qui l’aident aujourd’hui à guerroyer contre son compagnon «réformateur», Modou Diagne Fada.
La maison hantée du numéro 2
Deux autres formations politiques ont vu le jour et grandi à la suite d’une crise intra-Pds. Il s’agit de Rewmi (2e en 2007) et de l’Alliance pour la République (Apr) dont le président, aidé par une vaste coalition, est arrivé à bout du régime de Wade, au soir de l’élection présidentielle de 2012. Les raisons de leur défenestration se résumaient à leur statut de numéro 2, accusés à tort ou à raison de lorgner le fauteuil présidentiel qu’occupait alors Me Abdoulaye Wade.
A l’épreuve du pouvoir, l’Alliance pour la République n’a pas été épargnée par cette dualité. Considéré comme le numéro 2 du parti présidentiel, Me Alioune Badara Cissé n’a pas survécu au premier remaniement ministériel après juste six mois de gouvernance.
Nommée Premier ministre, Aminata Touré a été aussi accusée de gêner le chef de l’Etat. Finalement, elle a quitté le 9e étage du Building administratif pour devenir Envoyée spéciale du président de la République, des mois plus tard. Quant à M. Cissé, il a cessé sa dissidence avant d’être nommé médiateur de la République.
Au parti Rewmi, la désignation de Déthié Fall comme vice-président a poussé le député Oumar Sarr à la rébellion. Après avoir fait foirer un projet de création d’un groupe parlementaire en octobre 2014, le lieutenant de Idrissa Seck anime un courant en interne. Il réclame le départ de l’ex-maire de Thiès de la tête du parti.
Alliés du pouvoir et candidature
De même, participer à la gestion du pouvoir en tant que parti allié n’est pas souvent sans problèmes, surtout pour les «faiseurs de roi». A l’Alliance des forces du progrès (Afp), El hadji Malick Gackou a eu droit au même traitement que Modou Diagne Fada, pour avoir défendu l’idée d’une candidature progressiste au prochain scrutin présidentiel. En perspective de la prochaine échéance électorale, les regards sont dirigés vers le Parti socialiste. Certains responsables se donnent l’obligation historique de présenter un candidat en 2017 ou 2019.
D’autres, comme l’actuel ministre de l’Education nationale Serigne Mbaye Thiam, relativisent et refusent déjà une candidature «par orgueil». Le député Cheikh Seck évoque l’éventualité d’une exclusion de Khalifa Ababacar Sall, le potentiel candidat, «s’il n’arrête les mouvements qui le soutiennent».
Durant le septennat de Wade, siéger en Conseil des ministres a été fatal à la Ligue démocratique (Ld) et à And Jef/Pads. Au moment du divorce d’avec le Pds, Mbaye Diack, le second de Abdoulaye Bathily, a préféré garder sa fonction de directeur de cabinet adjoint du Président Wade.
Les Follistes en chef avaient différé leur duel jusqu’à la Présidentielle de 2007 pour encourager après la naissance de deux And Jef/Pads. Entre-temps, les exclus de cette organisation politique avaient mis sur pied Yoonou askan wi. Ces marxistes étaient divisés sur l’opportunité de présenter un candidat en 2007.
Succession et réformes
En perspective du congrès de 1996, la scène politique sénégalaise était agitée par la rivalité entre Djibo Kâ et Ousmane Tanor Dieng. Le poste de Premier secrétaire du Ps était en jeu. Le premier se voulait «rénovateur» alors que le second appelait à une «refondation» du Parti socialiste. Le Président Abdou Diouf avait porté son choix sur le maire de Nguéniène. Outre Djibo Kâ qui annonça quelque temps après, la naissance de l’Union pour le renouveau démocratique, Moustapha Niasse claqua la porte des Verts de Colobane, pour porter sur les fonts baptismaux l’Afp.
A partir de 2000, Mbaye Jacques Diop, Robert Sagna, Abdourahim Agne et Mamadou Diop (ancien maire de Dakar) rompirent les amarres avec le Ps. Pour les trois derniers, c’était une manière de contester l’autorité et la candidature de Tanor à la Présidentielle de 2007. En perte de vitesse à la fin des années 1990, le Pds connut pour sa part plusieurs départs.
Me Ousmane Ngom lâcha Abdoulaye Wade pour fonder le Parti libéral sénégalais, ceci après avoir été ministre de la Santé. Serigne Diop dirigea le Parti démocratique sénégalais/Rénovation. Jean-Paul Dias, autre compagnon de Wade, plastronna au sommet du Bloc des centristes Gaindé.
Tous ces leaders n’ont pas raté l’occasion de célébrer les retrouvailles libérales, une fois Wade au pouvoir. Mais une fois de plus, ils observent une séparation de corps.