MANNEQUINS ET COMÉDIENS ENVAHISSENT LE PETIT ÉCRAN
Entre les scènes de théâtre, podiums et plateaux, il n’y a qu’un pas
Les plateaux des télés regorgent aujourd’hui de mannequins et comédiens qui occupent des postes d’animateurs ou présentateurs d’émissions. Ils se voient confier de larges plages horaires sur les chaînes sénégalaises qui proposent à leur public un programme de divertissement à longueur de journée. Entre «Yendoulène», «Sen Xeweul», «Yewoulène», «Setou Bi», «Taabalou Ya Ngoné», «Ngonal», «Dakar ne dort pas», «Ce matin, c’est à nous», «Entre-temps»... le public est valsé dans un univers de programmes où mannequins et comédiens jouent les premiers rôles. Aujourd’hui, de mannequin à comédien ou de comédien à présentateur, cette horde d’animateurs/trices a fini de ravir la vedette aux journalistes qui ne savent plus à quel saint se vouer. Dans les rédactions, la guerre est féroce. Les nouveaux chouchous de la télévision s’imposent et espèrent garder leur rôle de vedettes tandis que les journalistes se voient de plus en plus réserver un espace congru. Cela au grand bonheur ou dirons-nous au grand dam du public qui, visiblement, raffole de ces silhouettes bien maquillées à talons aiguilles.
OUI POUR LES MANNEQUINS, MAIS OÙ EST LE TALENT ?
A SenTv et 2Stv, on cadre ailleurs
Ndèye Astou Guèye de la SenTv et Marie Françoise de la 2Stv s’occupent dans leurs chaînes respectives du contenu des programmes. Elles décident des personnes à mettre sur ces programmes, gèrent le genre d’émission, cherchent la bonne heure pour capter les téléspectateurs. Vérifier si l’émission doit être diffusée en direct ou non, si elle est porteuse ou pas et se préoccupent même des sponsors. Bref, elles gèrent les projets d’émission du début à la fin, mais se déchargent de toute responsabilité quant aux dérives notées dans le contenu des programmes télévisuels. Pourquoi mannequins et comédiens y jouent les rôles centraux ? Pour l’une, le fait d’être télégénique est crucial, tandis que l’autre tente par mille moyens de nier l’évidence.
Le mannequinat et les téléfilms sont-ils mourants au Sénégal ou ne nourrissent-ils pas bien leurs acteurs ? C’est tout comme. Beaucoup de mannequins fuient les podiums alors que les comédiens prennent d’assaut les plateaux. La directrice des programmes de la SenTv reconnaît qu’elle reçoit beaucoup de sollicitations de mannequins qui veulent se reconvertir dans la présentation de Tv, mais confie ne pas prendre tout le monde.
«Nous recevons lors de nos castings énormément de belles filles qui ne savent même pas aligner une phrase correcte, ni développer sur certains sujets. Ces genres de filles ne nous intéressent pas. On a une vision sur la qualité des personnes qui sont à la présentation.»
Pourtant, la Sen Tv est citée parmi celles qui ont eu à recruter des mannequins pour présenter des émissions. «A SenTv, on avait beaucoup de mannequins. On en avait trois exactement : Ya Awa, Adja Diallo et Fatima Diack. Mais il n’y en a plus», rétorque-t-elle.
Marie-Françoise Senghor, chargée des programmes à 2Stv, embouche la même trompette. Elle reste sur la défensive et soutient : «On évite de prendre des mannequins.» Pourtant, il y a des mannequins sur les matinales ?
«Oui, il y en a. Mais nous ne les recrutons pas du tic au tac. Il faudra bien travailler d’abord pour avoir la place. Vous voyez souvent les mannequins avec des oreillettes sur nos plateaux. C’est pour les aider à améliorer leur langage et à savoir se tenir sur un plateau», détaille Mme Senghor qui reconnaît par-là qu’il y a un travail à faire en amont. «Elles sont belles et jolies, mais il reste quelque chose.» Cela dit, pour Ndèye Astou Guèye, le côté télégénique est tout de même important.
Rien ne vaut une bonne mine et un visage agréable
La concurrence est rude. Alors, tous les moyens sont bons pour enrôler le plus de téléspectateurs. Il est du point de vue de Ndèye Astou Guèye normal que les télévisions privilégient l’aspect marketing. «Chaque télévision veut donner le meilleur de soi, mais aussi le meilleur des profils. Il y a des visages agréables qui attirent le maximum de téléspectateurs. Alors, c’est tout à fait légitime.»
Celle qui fut pendant longtemps la vedette des 20h à WalfTv trouve d’ailleurs injuste de faire une fixation sur les mannequins. Se transformant en avocat du diable, Ndèye Astou Guèye clame : «Ce sont des Sénégalais comme tant d’autres. On prend surtout des personnes qui ont le physique et qui sont télégéniques. On les recrute parce que la télévision a ses critères. Il faut une mine agréable, être belle, avoir un joli sourire à l’antenne et bien parler. Les mannequins ont tout cela en général.»
Pour Mme Guèye, il faut montrer dans le petit écran quelqu’un d’agréable à regarder pour attirer les téléspectateurs. Cela dit, la responsable des programmes à SenTv précise que même si sa chaîne recrute des mannequins comme animatrices ou présentatrices d’émissions, elle leur fait faire des «trainings» et des essais afin de jauger leurs compétences et savoir si «elles font le poids».
C’est important pour la journaliste, d’autant plus que ces personnes parlent à des millions de téléspectateurs. «Il ne suffit pas seulement d’être belle et d’être derrière une vitrine et ne pas pouvoir parler. Il s’agit d’être belle et de pouvoir parler aux gens. Nous privilégions un beau physique certes, mais doté d’un certain esprit, d’un certain niveau intellectuel et d’une culture générale. C’est un tout. Cela ne sert à rien d’avoir quelqu’un qui a une tête bien faite et qui a un visage qui ne passe pas. Il faut avoir un visage qui passe.»
L’un ne peut aller sans l’autre.