VIDEOL'HOMME AUX MILLE MÉTIERS
Félix Sarr allias Fefsy, artiste, compositeur, producteur, musicien, réalisateur, infographe, beat-maker…
Il touche à tout. La musique, la production audiovisuelle, la communication et l'infographie n'ont pas de secret pour lui. De l'écriture des textes aux prises de sons, il arrange tout, tout seul, avec les sonorités d'ici et d'ailleurs. Félix Sarr, plus connu sous le nom de Fefsy, a séduit les internautes à travers ses covers qui ont un succès fou sur Youtube. Pourtant, il était loin de s'imaginer que des vidéos réalisées pour "s'amuser" allaient le rendre célèbre. A l'âge de 12 ans, il se voyait déjà grand et fredonner des mélodies avec son piano. Il débute ses études au Séminaire Saint Joseph de Ngazobil. Mais, il n'a jamais abandonné ses premières amours. Dans cet entretien, l'enfant de Thiadiaye livre les secrets d'une réussite conditionnée par un succès dans les étu- des. Et il a obtenu son Passeport pour la gloire.
Qui est Fefsy ?
Je me nomme Félix Sarr plus connu sous le nom de Fefsy. Je suis un jeune artiste, musicien, auteur, compositeur, réalisateur, producteur, infographe, beat-maker.
Vous êtes donc un homme polyvalent qui enfile beaucoup de casquettes à la fois ?
Au fait, la plupart des casquettes se réunissent dans la musique que je pratique. J'écris et je compose mes propres chansons. Pour la musique, je suis tout simplement passionné et je le fais depuis que j'avais 10 ans. Je joue sur plusieurs instruments musicaux : guitare, piano, basse, batterie et percussions. Je suis aussi beat-maker, car je produis des instrumentales, des beats et des productions, je suis ingénieur de son sans oublier que je fais l'infographie. Je fais aussi un travail de studio, je mixe, je "mastérise" des chansons. Je suis producteur pour des artistes et je fais en même temps leur promotion. Je réalise aussi des vidéos clips, des documentaires et des courts métrages.
Quand est ce que vous avez découvert votre passion pour la musique ?
Pour ne pas dire que j'ai entamé une carrière musicale dès le bas-âge, je dirai que j'ai commencé la musique à l'âge de 10 ans avec un piano. Deux ans plus tard, j'ai été admis dans un internat à Joal Fadiouth, le séminaire Saint Joseph de Ngazobil où j'ai commencé à m'initier carrément à la musique, à l'écriture musicale et à la guitare. Sept ans après, je suis parti en France pour poursuivre mes études en musique, en communication et en audiovisuel. Et c'est pendant mes études supérieures que j'ai commencé à me professionnaliser dans la musique. A 18 ans, débutait une aventure musicale pour moi.
Vos parents étaient-il d'accord sur votre choix de faire de la musique ?
Quand j'ai dit à mon père que je voulais faire de la musique, il m'a dit oui à condition d'avoir toujours de bonnes notes. Donc j'avais un challenge : Réussir à l'école pour pouvoir vivre ma passion. J'étais alors toujours premier de ma classe du primaire au Baccalauréat sauf vers la 2nde et la 1ère où j'ai été frivole (rire). Je courais dans tous les sens. Tu sais au collège, quand tu as un petite cote de popularité (que je dois à la musique), les filles te tournent autour et j'ai commencé à délaisser les études. Mais, à l'époque notre seule préoccupation était les études. Quand j'ai commencé à déconner, on m‘a même renvoyé avant que je ne revienne pour continuer la classe de Terminale et décrocher le Bac avec la mention "Bien".
Issu d'une famille chrétienne, vous avez reçu une éducation religieuse. Vous étiez dans un internat séminariste où sont formés des prêtres. Ne pensez-vous pas que vos parents voulaient que vous deveniez un prêtre ?
Oui, mon père voulait que je devienne prêtre, d'autant plus que l'internat de Ngasobil était une institution d'excellence et c'est là-bas même où Léopold Sédar Senghor a étudié. Mais, moi je lui ai dit que cela ne faisait pas partie de mes ambitions, il a compris et m'a laissé continuer ma passion. D'ailleurs, il était mélomane et je pense que c'est ce qui m'a incité à aimer la musique. Il aimait écouter la musique. Quand j'ai commencé la musique en jouant au piano, il a découvert que j'étais doué.
Fefsy joue beaucoup du piano, même dans vos covers, vous êtes toujours devant votre table à jouer du piano. D'où est née cette relation amoureuse entre vous et cet instrument ?
J'ai toujours joué du piano avant que je n'essaye les autres instruments. Un jour, j'étais allé chez un ami et son papa lui avait offert un piano pour son anniversaire, quand j'ai vu la chose, j'ai commencé à pianoter avec des notes que j'avais en tête. Pas de calculs, ni d'hésitations, tout était naturel. J'ai kiffé cette découverte, je suis rentré à la maison et j'ai demandé à mon Papa de m'acheter un piano, ce qu'il ne m'a pas refusé, mais en remettant sa condition sur la table : être toujours premier de ma classe. Depuis, j'ai commencé à perturber toute la maison tous les jours et à n'importe quelle heure. A 12 ans, je commençais déjà à jouer sur un grand piano. Au séminaire, pendant les messes je jouais au piano. J'ai pianoté avec la Chorale de Thiès, de Dakar Sacré-Cœur et même avec le chanteur thiessois, Secka vers les années 2003.
Comment avez-vous pu cumuler la musique et les études qui sont deux mondes opposés ?
J'avoue que c'était difficile. Au début, c'était un challenge. Je m'étais dit que je ne voulais pas faire que de la musique. Parce qu'on est en 2000 et ne faire que de la musique n'est pas sûr. Un artiste doit faire autre chose pour pouvoir s'en sortir car la musique ne paie plus. Ayant compris très tôt cette réalité, je me suis dit que je vais continuer mes études. Puis je me suis orienté vers l'audiovisuel qui est aussi proche de la musique. Il fallait que je me lève tôt chaque matin à 5h pour partir à l'université de Nancy II, puis aller au conservatoire pour suivre la musique, retourner à la Fac pour faire des cours en cinéma, ensuite partir au boulot et pour finir apprendre mes cours avant de me coucher vers 3h du matin. C'est ce rythme que j'ai suivi de 2005 à 2010 en tant qu'étudiant.
Quand est-ce que avez-vous décidé de professionnaliser votre passion ?
Je suis devenu pro en musique après l'obtention de mon master. Déjà, vers 2007-20008, quand je suis arrivé en France, j'avais intégré des groupes de rock où j'étais chanteur et pianiste. C'est là où je suis devenu pro parce qu'avec les groupes, on tournait beaucoup avec les concerts. Ces derniers étaient payants et on allait de ville en ville pour animer des spectacles. Nous faisions les premières parties des concerts. En 2010, nous avons créé une comédie musicale gospel avec laquelle on a fait de grandes comédies musicales dans beaucoup de villes françaises. Et c'est en ces moments, vers 2010, que je suis revenu au Sénégal pour participer à "Xex Sibiru" de Youssou Ndour. Mais, avant, j'avais installé un studio à Nancy où je m'enregistrais et en même temps j'enregistrais d'autres artistes.
Vous êtes connu aujourd'hui dans le pays à travers vos covers (reprise de musique) sur Youtube. Pourquoi le choix de faire des covers et quels sont les secrets de ce succès ?
Déjà en France, mon professeur de musique me disait toujours que si je veux me perfectionner dans la musique, il fallait que je reprenne des chansons d'autres artistes connus. Depuis la France, j'ai alors fait plusieurs reprises mais je n'enregistrais pas et je ne me filmais pas. Après, mes amis me disaient qu'il serait cool que je balance ça sur le net. Alors quand j'interprétais des chansons, je fixais une caméra devant moi, je m'enregistrais et après je mettais sur Youtube. Ainsi, j'ai fait des reprises de son de Rihanna, de Akon, Brake and Lace où j'avais ajouté du Marimba. A l'époque, des Dj sénégalais téléchargeaient cela et passaient les sons dans leurs émissions. C'est à cet instant que j'ai vu que les gens s'intéressaient à ça. Plus je postais en ligne, plus les gens me contactaient pour me féliciter et m'encourager à continuer. Toutefois, je tiens à préciser que les covers je les faisais au début pour m'amuser. Je prends une chanson que j'aime bien puis j'essaye de recréer la musique à ma manière et de chanter dessus.
Comment se passe ce processus de recréation d'une chanson ?
Je rejoue ce que j'entends. Je prends mon piano que je branche sur mon ordinateur puis avec le logiciel musical, je choisis les instruments que je vais utiliser : piano, batterie, basse etc. Et, à partir de là, je crée ma propre chanson avec la chanson de l'artiste qui va être la même chose mais à ma façon. J'enregistre ma voix en même temps.
Ne pensez vous pas que c'est de la facilité de reprendre les chansons d'autres artistes ? Après tout les artistes travaillent dur pour produire des chansons. Vous en savez quelle que chose ?
Du tout ! Aujourd'hui, il y a beaucoup de personnes du monde de la musique qui sont connues grâce aux covers. Et avant moi, il n'y a aucun artiste sénégalais qui pratiquait ce concept-là. Pourtant, aux Etats-Unis et en Europe, il y a des artistes qui ne font que ça, ils y gagnent leur vie. Beaucoup de chansons qu'on écoute actuellement sont d'anciens tubes qui sont tout simplement repris. Ces remixes font partie de la musique et les gens aiment. C'est un mode de perfectionnement vocal, un moyen de se perfectionner musicalement. Tout le monde fait des reprises. Si je ne faisais pas de bons covers, personne n'allait écouter ça. Les gens en ont parlé parce que c'était exceptionnel.
Avec le Cover fait à partir des sons de Youssou Ndour, vous avez cumulé plus de 230 000 vues en neuf mois seulement. Si ça ce n'est pas de la promotion !
Non car avant Youssou Ndour, j'ai fait Marèma (Homme d'affaires), Pape Birahim (Kima don set) qui ont eu beaucoup de vues. Mais, Youssou Ndour est quelqu'un de connu et j'ai repris ses chansons, puis je les ais mises sur la toile naturellement. C'est là que les gens ont commencé à le passer partout et en parler. Mais, je n'ai jamais utilisé le cover du lead-vocal du Super étoile pour me faire connaître. Je l'ai fait sans intérêt. D'ailleurs, Wally Seck avait souhaité que je fasse un cover sur ses productions et je l'ai fait. Ce sont des choses que je fais naturellement.
Le cover de Youssou Ndour passe dans la série Wiri Wiri, et à la Rfm, la vidéo aussi passe sur Tfm plusieurs fois, est-ce dû à des relations personnelles avec le boss du Groupe futurs médias. Ou c'est parce que vous travaillez en partenariat avec Bouba Ndour ?
Je travaille à la Tfm en tant que réalisateur depuis 2010. La promotion qu'ils ont faite pour moi a commencé avec la reprise de Kima don set de Pape Birahim. Celui de Youssou Ndour est le dernier qu'ils ont eu à passer. Et le programmateur de la Tfm va sur Youtube pour prendre tout ce qu'il a de bien comme production artistique pour le passer à la télé. Donc, il n'y a pas de favoritisme. Aujourd'hui, 90% des covers que j'ai faits sont mille fois meilleures que beaucoup de productions ici au Sénégal. Et la radio qui met plus mes sons, c'est Nostalgie.
Après le succès de vos vidéos sur la toile, vous avez sorti récemment un album collaboré, Passeport, parlez-nous de votre nouveau produit ?
L'idée est venue de moi et de OPD, un artiste sénégalo-belge. On a eu envie de faire un produit commun avant que chacun de nous sorte son propre album. Au départ, l'idée n'était pas un album, mais juste un mixtape. On a travaillé sur quelques productions et les gens nous ont conseillé d'en faire un album et de le sortir. Ainsi est né Passeport.
Pourquoi Passeport ?
Parce que le type de son qu'on a fait dans l'album, c'est un mélange de sonorités d'ici et d'ailleurs. Il y a du reggae, de la salsa, du hip-hop américain, du rap français et de l’Afrobeat. C'est vraiment un mélange. On a dit pourquoi pas l'appeler Passeport car c'est de la musique parce qu'elle fait voyager les gens dans d'autres pays. Quand on écoute Passeport, on voyage à travers les sonorités. Et un passeport, c'est une chose sans quoi, on ne peut voyager. On a alors travaillé sur cette production d'août à décembre 2015 pour la présenter aux Sénégalais et la sortir le 19 décembre 2015.
Quels sont les titres et les thèmes développés dans l'album ?
Il y a 14 titres dans le nouvel opus (Xol, Degg na, Confusion, Fight, Saty Positive, Décrochel, Passeport, Oh Yeah, Célébration, You Already now, Dof cthi yow, Mariage Forcé, Brand new life et GSM). Et dans ces tubes dont on parle des thèmes de la vie, de ce que nous avons vécu, de nos amours, des difficultés rencontrées et des thèmes d'actualité comme les guerres et l'homosexualité. Il y aussi des thèmes plus fun où on incite les gens à festoyer comme dans le titre Celebrate. Degg Na feat Dip Dound Guiss est un son qui veut que les gens s'occupent de leurs propres affaires au lieu de parler d'autrui. Stay Positive incite les mélomanes à rester positifs quoi qu'il arrive dans la vie.
Après avoir commencé par les covers, vous avez lancé votre carrière musicale en produisant un album en collaboration avec un autre artiste (OPD). Une carrière solo est-il en vue ? Ou n'avez-vous pas confiance en vous ?
Ce n'est pas un manque de confiance. Disons que je prépare mon terrain. Le monde de la musique est un milieu bizarre et très compliqué, les gens peuvent ne pas percevoir le message ou le type d'artiste que je suis. Donc, pour faire une carrière musicale, il faut être patient. Les covers, c'est juste une façon de m'entraîner et me forger à être un bon musicien. D'ailleurs, ils ne sont même pas commercialisés. Mais, il y a des paiements qui s'effectuent sur le nombre de vues, cela n'a rien à voir avec la chanson. J'ai commencé par un album en collaboration pour voir jusqu'où peuvent aller mes productions. Et je me suis dit que d'ici un an (2017), je vais sortir mon propre album qui sera fait par moi de A à Z. C‘est-à-dire toutes les productions, les prises de voix, les sons, l'écriture etc.
Pensez vous que les orchestres ont de beaux jours devant nous ? Parce que les artistes sont de plus en plus polyvalents et vous en êtes l'exemple le plus patent.
Logiquement, si je dois travailler avec un artiste, je vais payer le guitariste, le batteur et les autres musiciens chacun 50 000 F Cfa. Je serais obligé de débourser plus de 500 mille. Mais si je peux économiser cet argent et faire tout par moi même, pourquoi je ne le ferai pas. Mon objectif est de mettre dans mes productions la touche que peuvent apporter le guitariste ou le batteur moi-même. Si on écoute Passeport, personne ne pourra dire que c'est une seule personne qui a fait toute la composition. Tous les titres sont variés. Mais n'empêche, pour les livres, je travaille avec un orchestre qui s'adapte à ma musique. Je suis le seul au Sénégal à me produire tout seul. Je ne suis pas à la quête d'un studio pour me produire, les gens n'y mettent plus leur argent. La musique ne paye plus.
Pourquoi êtes-vous alors rentré au bercail pour faire cette musique-là ?
Je ne fais pas de la musique pour gagner de l'argent. Je voudrais bien en gagner, mais si cela n'arrive pas ça ne me dérange pas. Je le fais par passion. Il faut que les artistes fassent des formations pour travailler dans autre chose que la musique. Au-delà de nos frontières, pour que la musique marche, il faut que tu sois connu.
Quel genre de musique faites-vous, ou vous touchez à tout ?
Moi je fais du tout, disons que je suis un caméléon de la musique. Aujourd'hui, même les rappeurs chantent, ils font de l'Afrobeat. Je peux dire qu'il n'y a plus de style dans la musique, quelqu'un peut faire du RnB et inclure en même temps dans son album de l'Afrobeat, du jazz, de la pop, du rap. On est arrivé à un moment où la musique, c'est que du mixte. Il y aura toujours des sonorités. Je fais un mélange qui n'est pas du tout éparpillé pour que ça soit cohérent. Je suis un artiste varié, ma musique l'est forcément aussi, c'est la World music.
Qui va vous produire si on sait que vous collaborez avec le label Gélongal et Prince Arts ?
Aujourd'hui, on est dans une logique d'auto-production. Mais, il y a pas mal de gens, surtout les étrangers, qui s'intéressent à ce que je fais et qui souhaiteraient produire mon prochain album. Pour Gélongal, je parlerai plus de collaboration car on travaille ensemble. Ils vont participer dans mon album, mais ils ne vont pas produire, je compose mes chansons par moi-même. Je veux marquer mon empreinte au Sénégal d'abord avant de conquérir l'international.
En un moment donné, vous comptiez vous produire à l'étranger, pourquoi ce changement soudain ?
Effectivement car dans mes projets, je n'avais pas prévu de rentrer au Sénégal. Je voulais sortir toutes mes productions en France. C'est le concours de Youssou Ndour Xex Sibiru qui m'a le plus incité à venir. Il y a aussi des gens comme ceux de Gélongal et Bouba (Ndour) qui m'ont dit que si je veux cartonner dans le monde il faudra que je cartonne d'abord dans mon pays. Cela ne peut pas être facile, mais mieux vaut que j'y mette le temps qu'il faut. La musique, c'est un truc que je fais vraiment au feeling. Je peux sortir tous les 6 mois un album qui sera un produit authentique.
Quels sont vos projets actuellement ?
On est concentré sur la promotion de l'album Passeport. A cet effet, on va faire un Passeport show avec tous les artistes qui ont participé à l'album, vers le mois d'août.