FICTION POLITIQUE OU POLITIQUE-FICTION ?
Un président de la République qui tombe nez à nez sur son adversaire acharné qui vient de sortir de ses geôles ! Même un scénario hollywoodien ne peut être aussi bien inspiré
Pris comme par une sagesse tardive, voilà que le Président Macky Sall consent enfin à organiser un dialogue politique à l'échelle nationale. Et divine surprise, une large concertation dans laquelle le PDS, tiendrait la première place ! Reconnaissance tardive a-t-on, mais l'adage dit bien, "mieux tard que jamais." Acceptons-en alors, l'augure ! C'est vrai, qu'on commençait vraiment à désespérer de notre Président peu disposé au dialogue, plus enclin à l'autoritarisme, toujours prompt à jouer au père fouettard.
Ses interlocuteurs déclarés aujourd'hui prioritaires étaient, hier encore ses premières valeurs/cibles. Celles contre lesquelles, il avait braqué son courroux et ses armes policières, (pour interdire les marches et autres sit-in,) judiciaires (pour embastiller les adversaires politiques encombrants). Comme par enchantement, voilà le preux chevalier aux mains de fer, prêt à déchausser ses manicles métalliques pour chausser des moufles de velours. Et comme le hasard fait bien les choses, dans les dédales de la maison mortuaire d'une grande dame (Mme Oumou Salamata Tall) de l'establisment politico-affairiste, il croise l'icône libérale et femme d'affaires, Mme Aida Ndiongue.
Une rencontre dite fortuite … devant la presse (par hasard, présente sur les lieux semble-t-il). Mais si, au vu de la régularité zélatrice avec laquelle, les caméras du service étatique de l'audiovisuel suivent l'agenda présidentiel, on ne pourrait que croire au hasard provoqué.
Un président de la République qui tombe nez à nez sur son adversaire acharné qui vient de sortir de ses geôles ! Même un scénario hollywoodien ne peut être aussi bien inspiré. A la différence que la fiction s'accommode bien du cinéma. En politique cela relèverait de l'abracadabra. A moins que les services de protocoles de la Présidence de la République aient complétement perdu le nord, on verra difficilement mal en temps de psychoses sécuritaires, comment on laisserait se croiser deux personnages qui ont tant de choses à reprocher l'un à l'autre.
Dans un pays où la ruse politique et les arrangements souterrains font figure de prouesse, l'imagination des facilitateurs et autres rabatteurs politiques ne trouve pas de barrières assez hautes pour freiner son ardeur créatrice.
Devant cet effet de surprise bien cadré, on pouvait tout de même craindre un grand coup de blizzard. Mais non, c'est une et grosse chaleureuse embrassade que la presse toute contente du scoop échafaudé, immortalisera, en son, en image par l'écrit. Si ce n'est pas de la magie, cela lui ressemble fort bien. Devant ce pain béni, le Président ne pouvait que se lâcher et fendre l'armure. A la tendresse de cette retrouvaille charnelle, la langue actualise le langage et donne ce fabuleux élan d'amour fraternel. Le jeune frère aujourd'hui parfaitement accompli rétablit, par une chaude étreinte, le lien ombilical avec sa frangine pas si longtemps, jugée trop "indigne", pour mériter le bagne.
En communication, on aurait énoncé que par ce geste de communion, le Président Sall est entré dans la "zone d'interaction intime" de sa sœur Mme Ndiongue, comme pour la laver de tous ses péchés antérieurs. Mais cette purification physiologique signifie-t-elle absolution judiciaire ? C'est la suite qui le dira. Ce n'est pas une Aida Ndiongue engluée dans ses limbes judiciaires qui se déprendrait de cette aubaine. Mieux, dans la fougue torrentielle de cette inespérée fortune, elle pourrait entraîner d'autres potentiels bagnards, Oumar Sarr, Samuel Sarr, Madické Niang, Abdoulaye Baldé et tant d'autres valeurs/cibles du régime actuel.
Le maire de Dagana pourrait être le premier servi. Sur les lieux de ce rabibochage en live, le Président Sall a promis de serrer la pince à Oumar Sarr sans doute avec le même transport d'empathie à la suite de la disparition de son frère. Fermement opposé au Président Sall, interdit de sortie du territoire, l'intérimaire de Wade est familier des odeurs de cafard du bagne de Rebeuss, dont il vient d'être le prestigieux hôte pour …. Article 8O, offense au chef de l'état.
Nul doute que la chaleur de l'accueil et de l'accolade est programme. Le Président Sall maîtrise son logiciel pour se remettre avec ses ex-frères libéraux. Les autres n'ont qu'à attendre, leur tour viendra. Si ce n'est lors d'évènements malheureux (Dieu nous en garde), l'imagination fertile des spins doctors et autres communicateurs du Président peut générer d'autres opportunités, pour récréer les liens sanguins de la famille libérale en intifada depuis quatre ans. L'aubade de Mme Aida Ndiongue pourrait bien bénéficier à l'ensemble de l'opposition que le Président Sall assurément bien inspiré, a invité urbi et orbi à un dialogue national inclusif. Dialoguer avec qui ? Pourquoi ? Comment ? Pour combien de temps ?
Les Sénégalais stupéfaits devant cette vertu tardive de la classe politique ne rongent plus leurs freins, persuadés, qu'un nouveau coup politique, le énième, se prépare encore. Incrédules devant cette fiction inclassable, Tanor, Niasse, Ndoye, la main au menton doivent maugréer, "sacré Macky". Et Idrissa Seck d'allonger sa longue liste de ténébreux qualificatifs dédiés au Président Sall à chaque séquence de la politique-fiction dont les Sénégalais s'indignent désespérément.