RENIEMENTS ET SURENCHERE
Dernier pied de nez de Jammeh, il a réussi à fourguer à la CEDEAO son «champion bien encombrant » Adama Barro et elle à son tour l’a refilé au voisin sénégalais qui semble-t-il n’y a vu que du feu dans cette intrigue de l’exfiltration du président élu
Il faut le dire tout de suite : entre la Cedeao et Jammeh, c’est une succession de reniements et de surenchère. Le roman est digne de la fable d’Esope qui consacre les erreurs de comportement somme toute fatales aux différents protagonistes de l’histoire. Ce qui se joue entre Yaya Jammeh (seul au monde) et la CEDEAO (mastodonte sous-régional) est finalement digne d’un combat de la fourmi et de l’éléphant. Tant l’inamovible chef d’Etat de ce minuscule territoire niché dans le ventre du Sénégal tient tête à son monde.
PLUS C’EST GROS, PLUS CA PASSE !
Qui l’eut cru ? Qui eut cru que ce serait un dossier aussi corsé ?
Les premiers à s’être trompés d’appréciation, ce sont les dirigeants de la CEDEAO, assurément pas habitués à traiter ce genre de dossier. Sur celui là, ils ont voulu laissé leur empreinte, mais quelle empreinte ! Ca sent, à n’en pas douter, le camouflet. Car, de toute évidence, Yaya Jammeh n’a que quelques jours à tenir pour faire mentir «la terre entière», le Sénégal, la CEDEAO, l’Union Africaine, la France de François Hollande, Donald Trump et l’Amérique et le must, les Nations-unies.
Tout le monde s’y est mis, mais Jammeh est là et bien là.
Non pas par témérité, mais juste qu’il a su profiter de chaque faille du «camp d’en face». Car finalement, à quoi bon pour la CEDEAO de faire injonction à Jammeh de remettre le pouvoir de suite juste après le reniement de sa parole, le 05 décembre, s’il faut se rendre compte plus tard que Jammeh tient peut-être le bon filon de réclamer le sacro-saint principe de respect des institutions du pays et son recours à « sa cour suprême », comme la loi l’y autorise.
A quoi bon pour la CEDEAO, réuni en sommet des chefs d’État le 16 décembre, de prendre l’engagement d’assurer la sécurité de Adama Barro si, dès le lendemain, les uns et les autres, le Sénégal en tête s’évertuent à démentir toute présence de gendarmes ou soldats étrangers en Gambie. Comble de paradoxe, on veut à la fois assurer la sécurité de Barro et on veut rassurer Jammeh : à un moment donné, il fallait choisir. A quoi bon prendre l’engagement que tous les chefs d’État seront présents à la prestation de serment de Adama Barro, théoriquement prévue le 19 janvier, si on n’est pas en mesure de contraindre Jammeh à passer la main.
La sentence «Jammeh doit rendre le pouvoir le plus vite possible» du président François Hollande, accueillant son homologue sénégalais Macky Sall, le 20 décembre dernier, sonne encore très creux.
Dernier pied de nez de Jammeh, il a réussi à fourguer à la CEDEAO son «champion bien encombrant » Adama Barro et elle à son tour l’a refilé au voisin sénégalais qui semble-t-il n’y a vu que du feu dans cette intrigue de l’exfiltration du président démocratiquement élu de Gambie qui s’est joué dans son dos.
La CEDEAO, c’est le cas de le dire, a bien mangé son chapeau dans ce dossier. Jammeh savoure son triomphe de ne même plus avoir à filer les moindres faits et gestes de Barro. Désormais, Barro est un ennemi de l’extérieur. Et, qui peut le plus, peut le moins. L’homme fort de la State House qui a tenu tête à la terre entière est presque sûr que ce n’est pas avoir Barro en renfort pour ses adversaires qui fera pencher la balance.
Cette affaire devient inextricable, depuis que chaque État sait en fin de compte que l’intervention militaire tant prônée par certains mettra les opinions publiques africaines contre cette «caste de dirigeants Africains qui utilisent les armes contre son propre peuple d’Afrique».
Jammeh will survive !