AIDE AU DÉVELOPPEMENT, LEVIER OU ILLUSION ?
Entre volonté de transformation, dynamiques de dépendance et jeux de pouvoir, la question reste entière : comment construire un modèle où les acteurs locaux ne subissent plus, mais définissent eux-mêmes leur trajectoire de développement ?
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À la fin de mes études en économie et sociologie du développement, avec une spécialisation sur les enjeux et pratiques du développement dans les pays du Sud, je ne voulais plus travailler dans ce domaine. Trop de contradictions, trop d’enjeux géopolitiques dissimulés derrière des discours altruistes. Je voyais un écosystème dominé par des logiques d’assistance plutôt que de transformation structurelle, avec des interventions souvent déconnectées des réalités locales et des projets qui disparaissent une fois les financements épuisés.
Je constatais aussi un déséquilibre profond dans la prise de décision : les priorités du développement étaient souvent définies à l’extérieur, par des bailleurs dont les intérêts ne coïncidaient pas toujours avec ceux des populations locales. Loin d’être un levier d’autonomisation, l’aide publique au développement semblait parfois entretenir une forme de dépendance, freinant l’émergence de solutions locales et le renforcement des institutions nationales.
J’étais convaincue que les pays du Sud ne se développeraient pas grâce à l’aide publique au développement, mais plutôt en misant sur leurs propres ressources, en définissant leurs propres stratégies et en repensant leurs modèles de gouvernance.
Pourtant, plus de 10 ans plus tard, j’évolue toujours dans cet univers, au plus près des réalités du terrain. J’ai commencé comme bénévole dans des initiatives locales et des associations, avant de co-fonder Social Change Factory, une organisation engagée pour une jeunesse actrice du changement. Entre-temps, j’ai également travaillé au sein d’ONG internationales et d’agences des Nations unies sur les migrations mixtes et la redevabilité humanitaire découvrant différentes approches et logiques d’intervention.
Et une chose est claire : ce n’est ni blanc ni noir. Et il est impossible de nier que l'aide apporte des solutions. Il est impossible de nier ce que cette aide a permis en terme de vies qui ont été sauvées, d'emplois et d'opportunités qui ont été créés, d'infrastructures permettant un accès à l’eau potable et aux sources d’énergie qui ont été construites et de nouvelles technologies qui ont pu être partagées.
Le développement est une mécanique complexe, où se mêlent besoins réels, stratégies politiques et intérêts parfois contradictoires – qu’ils soient institutionnels ou personnels. Entre volonté de transformation, dynamiques de dépendance et jeux de pouvoir, la question reste entière : comment construire un modèle où les acteurs locaux ne subissent plus, mais définissent eux-mêmes leur trajectoire de développement ?
Quand nous disions récemment dans une tribune collective publiée par Le Monde : « Ne coupez pas l’aide publique au développement, repensez-la » nous ne nous doutions pas que quelques mois plus tard, le gouvernement américain allait décider de suspendre USAID.
Tout cela pose une question essentielle : qui définit les priorités du développement, et dans quel intérêt ? Car, comme le Général De Gaulle le rappelait : "Les États n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts."
Alors, quels devraient être ceux des Africains et Africaines ?