CHEDDAR MAN ET LA MÉMOIRE DE CHEIKH ANTA DIOP
EXCLUSIF SENEPLUS - Le plus vieux Britannique était noir - Pour qui s’intéresse un tant soit peu aux travaux du natif de Ceytu, la surprise de la communauté scientifique britannique a de quoi surprendre
Ce mercredi 7 février, alors que nous commémorions les 32 ans de la disparition de l’historien, anthropologue, égyptologue, Cheikh Anta Diop (1923 - 1986), le quotidien londonien The Guardian nous apprenait que les ossements de Cheddar Man, découverts en 1903, avaient subi une analyse ADN. Le Natural History Museum de Londres a ainsi pu révéler une modélisation du visage de ce lointain ancêtre arrivé en Grande-Bretagne après la dernière période glaciaire, il y a 10 000 ans.
La surprise fut grande de découvrir qu’il avait « la peau foncée, des yeux bleus et les cheveux bouclés ». Jusqu’ici, en effet, les spécialistes s’accordaient sur un teint clair et une chevelure fournie.
« Cette découverte, rapporte le Guardian, montre que les gènes de la peau claire sont devenus courants chez les populations européennes bien plus tard qu’on ne le pensait à l’origine. » Dans le Royaume, les spécialistes s’accordent à dire désormais, relate Courrier International, que parmi les premiers Britanniques modernes « les ancêtres de Cheddar Man auraient quitté l’Afrique pour le Moyen-Orient avant de migrer en direction de l’Europe de l’Ouest et de la Grande-Bretagne via des terres aujourd’hui recouvertes par la mer du Nord ».
Pour qui s’intéresse un tant soit peu aux travaux de Cheikh Anta Diop, cette surprise de la communauté scientifique britannique a de quoi surprendre. Battant en brèche les théories polygénétiques (origines multiples de l’humanité) qui étaient la porte ouverte à une hiérarchisation des races, le natif de Ceytu nous avait déjà appris que le premier homme blanc sur la terre est apparu à la suite de la la transformation de l’homme noir ayant quitté l’Afrique. Il va migrer vers d’autres parties du monde dont l’Europe et c’est durant cette période d’adaptation à un climat extrêmement froid pendant la dernière glaciation qu’il donnera naissance, par mutation, à l’homme de Cro-Magnon c’est à dire l’homme blanc.
Dans une interview, lors de son séjour à Atlanta, aux Etats-Unis, en avril 1985, il disait : « si on s’en tient, sans préjugés, aux données rigoureusement scientifiques, nous sommes bien obligés d’affirmer en toute sérénité que c’est l’adaptation du grimaldien à ce climat froid qui a donné naissance à ce qu’on appelle conventionnellement aujourd’hui le type leucoderme ou homme blanc. L’homme blanc est sorti du noir à la suite d’adaptation à un climat froid ». Et pour pointer du doigt la curieuse attitude de nombreux scientifiques à l’époque, il ajoutait : « cela tous les spécialistes aujourd’hui le savent dans leur for intérieur même s’ils ne le disent pas avec autant d’honnêteté. Nous voyons bien que l’humanité en sortant de l’Afrique et en s’adaptant aux différents climats de la terre a donné naissance aux différentes races ».
Cheikh Anta Diop, loin de tout afrocentrisme, délivre ainsi un message humaniste et antiraciste. « Voilà comment, dit-il, les races sont nées. Donc la race est une notion géographique. Si le premier homme n’était jamais sorti de l’Afrique, il n’y aurait pas eu de différenciation raciale. Il y aurait une seule humanité homogène et noire cantonnée en Afrique. Le polygénétisme est une théorie qui voulait instaurer une hiérarchie des races (…) La théorie monogénétique montre que l’humanité a une souche commune et toutes ses composantes ont les mêmes capacités intellectuelles ».
Comme une réponse aux risibles accusations de suprémacisme à son encontre ou une mise en garde contre toute récupération de sa pensée par des suprémacistes noirs, il trouvait important de préciser : « je ne suis pas en train de montrer, par exemple, que le noir est supérieur au blanc, ce serait faux. Aucune race n’est supérieure à l’autre ».