ETHIQUE ET DEONTOLOGIE DE L’ENSEIGNEMENT
La question de l’éthique et de la déontologie n’a jamais cessé d’être liée au métier d’enseignant.la raison en est peut-être que contrairement à d’autres professions
La question de l’éthique et de la déontologie n’a jamais cessé d’être liée au métier d’enseignant.la raison en est peut-être que contrairement à d’autres professions, celui-ci n’a pas été d’abord caractérisé par des compétences précises susceptibles de la définir, précisément comme un métier.
On le sait, pendant longtemps, la détention d’un savoir de type académique a semblé suffisante pour attester la capacité de l’enseignant. Mais en un cas, rien ne pouvait distinguer l’enseignant du savant ou de l’homme simple cultivé. Le recours à l’éthique apparaîtra comme la solution à ce phénomène.
L’enseignant se distingue par des exigences morales, par une attitude existentielle qui a essentiellement trait, non pas à la détention ou à l’acquisition de connaissances- comme c’est le cas du chercheur ou de l’ingénieur – mais au rapport à autrui. La déontologie a ainsi pendant longtemps supplée l’absence de compétences strictement « professionnelles » ; elle a constitué pour ainsi dire une « professionnalisation par défaut » de la pratique enseignante. Mais qu’est-ce que l’éthique ? Qu’est-ce que la déontologie ? L’élucidation de ces deux concepts nous permettra de mieux cerner le profil requis pour être enseignant. Selon le Larousse, l’éthique concerne les principes de la morale. C’est la partie de la philosophie qui étudie les fondements de la morale, l’ensemble des règles de conduite. Et quant à la déontologie, elle regroupe l’ensemble des règles et des devoirs qui régissent une profession, la conduite de ceux qui l’exercent, Exemple : déontologie éducative ; déontologie médicale ; déontologie journalistique etc. Aussi l’ouvrage de pédagogie intitulé DENIR ENSEIGNANT, sous titré : «A la conquête de l’identité professionnelle » qui fut depuis le début des années 2000, le livre de référence de bon nombre d’instituteurs mais surtout d’élèves-maitres en formation initiale dans les CRFPE, marque bien cette place privilégiée de l’exigence éthique dans le statut de l’enseignant.
De même que l’école vise moins l’inculcation de connaissances que la réalisation d’une éducation à la fois morale et civique, de même que le maitre enseigne moins, en fin de compte, par sa culture et les savoirs qu’il a acquis par sa personne. La première exigence de l’éducateur est bien la maitrise de soi, car « on ne règne sur les âmes que par le calme ».
L’instituteur doit « s’imposer à lui-même les disciplines dont il doit être le protagoniste » : ponctualité, patience, sens de l’effort et du travail toujours bien fait, goût de l’ordre, de l’épargne, sont ainsi des nécessités déontologiques, parce qu’on ne peut enseigner aux autres des vertus que l’on ne pratiquerait pas soi-même.
L’enseignant est d’abord un « modèle » ; et à ce titre il enseigne moins parce qu’il dit que par ce qu’il fait, et en dernier ressort parce qu’il est. C’est pourquoi la seconde exigence déontologique est de manifester un dynamisme, « une sorte de chaleur communicative, un reflet d’âme qui pénètre la classe toute entière.
Si l’acte d’enseigner n’est pas, comme dans les autres métiers, une pratique transformatrice fondée sur la possession d’un certain nombre de techniques et de savoir-faire, mais plutôt une relation étique d’imprégnation, de pénétration et de séduction, alors le « rayonnement » n’est plus pour l’enseignant une caractéristique personnelle contingente, un tempérament parmi d’autres possibles, mais pour ainsi dire une obligation professionnelle dont l’absence est rédhibitoire, autrement dit qui constitue un obstacle radical.
En dernier ressort, il est impossible de distinguer, dans le cas de l’enseignant, ce qui revenait à une déontologie professionnelle et ce qui relève de la morale tout court. Car l’enseignement est peut-être le seul « métier » où activité publique, vie privée, existence professionnelle et personnelle ne saurait être dissociées.
Contrairement aux autres travailleurs, l’instituteur est enseignant partout et toujours, même et surtout hors de la classe. « L’éducateur doit être irréprochable dans sa tenue et sa conduite privée… celui qui a accepté la mission d’éducateur doit mettre sa tenue en harmonie avec son enseignement » nous dit Jean Andrews dans Devenir enseignant.
Aussi bien, les termes employés à son propos n’appartiennent pas, comme c’est le cas aujourd’hui, au vocabulaire des métiers (compétences, savoir-faire, technique etc.), mais à celui du sacerdoce ecclésiastique : « vocation », « mission », « service », « apostolat », « disciple » signifient clairement le caractère religieux sacerdotal, de l’activité enseignante. Comme on le voit, donc, on entre dans ce métier comme on entre dans une religion. Si on est essentiellement grisé par des considérations tout à fait pécuniaires, il vaut mieux aller voir ailleurs, car on risque de porter un grand tort à l’éducation nationale.
En somme, si la notion de déontologie évoque l’idée de devoirs spécifiques à une pratique déterminée, celle-ci est habituellement toujours liée à celle de droits corrélatifs de ces devoirs. Or, dans le cas de l’enseignant, on a l’exemple d’un état où ce couple classique ne joue pas. Ma modeste expérience de dix années de pratique pédagogique dans les classes, du CI au CM2 et de vingt-huit ans dans le corps de contrôle, m’autorise à adresser ce conseil aux jeunes enseignants : ne pensez pas trop à vos droits : souvenez-vous que l’exercice inconsidéré d’un droit équivaut à une faute et que l’on a parfois tort d’avoir raison. C’est donc une éthique « sacrificielle » qui régit l’enseignant, invité à un sacrifice total et sans contrepartie de sa personne à sa tâche, à un dévouement sans retour, à un complet oubli de soi-même. Un métier ingrat mais noble !
Yakhya DIOUF
L’inspecteur de l’enseignement Elémentaire à la retraite.
Ancien formateur en Législation et Déontologie CRFPE /THIES