LA DÉRIVE DU JOURNAL LE MONDE
Le Sénégal, pour préserver son modèle démocratique, ne laissera pas prospérer les tentatives de déstabilisation menées par des extrémistes soutenus de l’extérieur, que ces soutiens soient des intérêts privés, des mouvements politiques ou des médias
Le quotidien français Le Monde relève un « raidissement » de l’Etat du Sénégal dans un éditorial intitulé « La dérive du Sénégal, nouvelle source d’inquiétude pour l’Afrique de l’Ouest ». Il y est question de la dissolution du parti d’Ousmane Sonko et de ses démêlés avec la justice dont le texte s’épanche sur les conséquences supposées sans s’arrêter sur les causes.
Pour n’avoir pas poussé la rigueur journalistique jusqu’à offrir à ses lecteurs un réel aperçu des actes et du discours ayant conduit M. Sonko et son ex-parti à cette situation, nous apportons au Monde quelques faits par souci de délivrer la bonne information.
Entre mars 2021 et juin 2023, Ousmane Sonko a, entre autres, appelé des jeunes à aller déloger le Président de la République ; demandé à ses partisans, par la violence, je le cite : « d’en finir avec Macky Sall » et de le traiter « comme Samuel Doe » (ancien président libérien trainé par des putschistes dans la rue jusque sur une place publique, torturé et découpé en morceaux) en précisant que les jeunes sont bien entrainés et, dotés d’armes, chacun d’entre eux pourra mener à bien ce projet ; demandé encore à ses partisans de donner leur vie face aux forces de l’ordre dans ce qu’il appelle, avec des accents de gourou religieux, un Jihad ; appelé l’armée à, je le cite toujours, « prendre ses responsabilités », appel que son ex-parti réitèrera dans un communiqué daté du 1er juin 2023 exhortant au coup d’Etat.
Ces paroles ont été accompagnées d’actes menés par des bandes armées et organisées s’adonnant à des casses, des pillages de commerces, de banques et ciblant des infrastructures névralgiques telles que des transports, des centrales électriques, des usines de distribution d’eau dans le but de paralyser l’activité économique du pays et installer le chaos.
La dernière action en date liée à ces appels à la violence et à cette constitution de bandes organisées est l’attentat perpétré, le mardi 1er août dernier, contre un bus de transport en commun qui a fait deux morts et de nombreux blessés.
Conformément aux lois sénégalaises, plusieurs dossiers liés à ces violences ayant pour dénominateur commun des responsables et militants du parti dissous sont pendants devant la justice. En tant que principal instigateur de ces violences, Ousmane Sonko a été inculpé et placé sous mandat de dépôt.
L’ex-parti de M. Sonko, avant sa dissolution, avait, à travers ses dirigeants et instances, fréquemment appelé à des mouvements insurrectionnels ayant entrainé des pertes en vies humaines, de nombreux blessés ainsi que des actes de saccage et pillage de biens publics et privés. Ces actes ont constitué un sérieux et permanent manquement aux obligations des partis politiques figurant à l’article 4 de notre Constitution et à l’article 4 de la loi n°81-17 du 06 mai 1981 modifiée par la loi n° 89-36 du 12 octobre 1989.
Aucun pays démocratique ne peut accepter de tels manquements. Un ancien président américain est, par exemple, poursuivi actuellement pour avoir demandé à ses partisans d’envahir le siège d’une institution. En France, la dissolution de l’organisation Les Soulèvements de la Terre pour appel à l’insurrection et violences contre la Police est à l’ordre du jour sans que Le Monde ne pense à remettre en cause le régime démocratique français.
Le jour même de la publication de son éditorial dénonçant la dissolution d’une organisation au Sénégal pour violation de nos lois, le site internet du journal Le Monde, pas à une incohérence prés, se contentait d’annoncer que le ministre de l’Intérieur français a activé ses services pour la dissolution d’un mouvement dénommé Civitas. La raison de cette action se trouve dans des propos tenus lors de l’université d’été de cette organisation et qui sont de nature à inciter à la haine et à compromettre le vivre ensemble entre communautés.
En démocratie la violence, l’invective permanente et l’incitation à la haine ne sont pas acceptables. S’attaquer aux institutions, aux forces de défense et de sécurité, aux juges, aux régulateurs sociaux est inadmissible. Car c’est s’attaquer à ce commun vouloir de vie commune qui nous a été légué et que nous avons le devoir de préserver.
Depuis son avènement, l’Etat du Sénégal n’a pas connu de coup d’Etat. Ceux qui veulent le déstabiliser, sachant le succès de ce procédé qui réussit dans d’autres pays d’Afrique de l’Ouest impossible chez nous, tentent de s’appuyer sur des mouvements aux apparences démocratiques. Ces derniers s’attèlent à cette déstabilisation par la promotion de valeurs antirépublicaines. Qu’une partie des médias français s’en fasse l’écho pour remettre en cause les modèles démocratiques ouest-africains appelle chez nous une plus grande vigilance à leur égard.
L’Etat du Sénégal, pour préserver la supériorité de son modèle démocratique, ne laissera pas prospérer les tentatives de déstabilisation menées par des extrémistes soutenus de l’extérieur, que ces soutiens soient des intérêts privés économiques, des mouvements politiques ou des médias cachant mal des objectifs inavoués derrière une amputation de la bonne information à dessein.
Abdou Karim Fofana est ministre du Commerce, de la Consommation et des PME et Porte-parole du Gouvernement du Sénégal.