LA LEÇON ANGLAISE
Face à l’Angleterre dimanche, l’équipe du Sénégal n’a tenu que trente minutes avant de sombrer avec armes et bagages. Dans ce match tant attendu de quart de finale de la Coupe du monde Qatar 2022, les enseignements à en tirer débordent...
« J’apprends toujours de mes échecs », disait Mandela. Face à l’Angleterre dimanche, l’équipe du Sénégal n’a tenu que trente minutes avant de sombrer avec armes et bagages.
Dans ce match tant attendu de quart de finale de la Coupe du monde Qatar 2022, les enseignements à en tirer débordent le strict cadre du football. La compétition se révèle à l’arrivée comme une course de fonds et non de vitesse. Autrement dit, les différentes épreuves se préparent avec méthode, minutie et manière et chacune d’elle a sa vérité propre pour se distinguer des autres.
Il s’en suit une mobilisation des ressources (physiques, techniques et humaines) dédiées pour atteindre les objectifs fixés moyennant un plan des actions à mener qui inclut bien évidemment des ajustements dictés par les nécessités du terrain.
Les Lions avaient un projet de jeu basé sur une discipline tactique. En laissant leurs adversaires construire, ils s’employaient à deviner les intentions pour endiguer les velléités offensives des Anglais. Ces derniers conservaient le ballon. Ils déroulent en faisant courir les Sénégalais qui s’épuisaient à mesure que la rencontre s’intensifiait.
Cet essoufflement arrangeait les coéquipiers de Harry Kane qui, entrevoyant les ruptures de liens entre les lignes dans l’équipe sénégalaise, sentaient le besoin croissant de faire le « siège » en multipliant les assauts. A ce stade, les hommes de Gareth Southgate prenaient un ascendant psychologique avec le recul (tactique ?) de leurs vis-à-vis.
Une telle illisibilité, synonyme de fébrilité, côté sénégalais, contrastait avec la maîtrise du sujet par les Anglais. Le tableau devenait limpide : un fond de jeu clair contre un jeu brouillon. Si brouillon que les deux buts encaissés traduisaient un déficit de lucidité tant dans le placement que dans la vision, ce qui faisait craindre un naufrage collectif des Lions. La leçon de réalisme a prévalu.
Sur fond de rigueur, les British ont très peu douté. Mais ils ont fait douter des adversaires moyennement outillés pour élever le débat et apporter la réplique nécessaire. A cette leçon de réalisme s’ajoute l’application stricte des consignes. Ils ont atténué l’enjeu en dominant le jeu par une impressionnante fraîcheur physique qui en dit long sur les qualités intrinsèques des joueurs.
Ils se permettaient même des permutations et un Kane, souverain dans l’entrejeu, devenait au fil des minutes, à la fois le métronome et l’artisan de la victoire de Three Lions. Le score, trois buts à zéro, reflète le rapport des forces à l’avantage de l’Angleterre qui a su combiner jeunes et moins jeunes dans une belle harmonie.
Aliou Cissé et ses poulains n’ont pas été ridicules. Mais la défaite a été amère. Pour partie, elle s’explique par l’assèchement des effectifs avec l’absence, pour des raisons différentes, de cadres qui auraient pu, par leur lecture de jeu, donner plus de densité à l’offre sénégalaise.
Ainsi, une équipe, amputée de Sadio Mané, Cheikhou Kouyaté et Gana Guèye, devient moins compétitive, donc moins dangereuse. Doté d’un mental d’acier, Cissé a eu le flair (et le mérite) de coopter de jeunes pousses qui sont incontestablement des promesses d’avenir.
Et l’avenir c’est maintenant en direction des prochains rendez-vous sportifs majeur. Le Sénégal a un rang à défendre. Il dispose de « munitions » à cette fin si l’envie de conquête prévaut toujours. Que personne ne succombe au découragement. Dieu, garde nous de nos démons !
Dans le registre des rapports de force, le continent aiguise de plus en plus d’appétit entre des puissances qui ne se gênent plus pour décliner leurs priorités géostratégiques. Des émissaires russes sillonnent l’Afrique pour dissuader les pays détenteurs d’hydrocarbures de céder à « vil prix » leurs productions.
Moscou conseille à l’Afrique de s’écarter de toute manœuvre en se montrant unie pour parler d’une voix audible. Poutine, patron du Kremlin, rêve de bouleverser la géostratégie mondiale en prenant la tête de l’offensive contre un ordre mondial jugé « inique ».
En revanche, l’invasion de l’Ukraine est décriée. Alors que l’hiver s’installe. L’Europe s’active pour conjurer l’épreuve des ruptures d’approvisionnement de gaz. Elle redoute la colère des peuples. D’où le clin d’œil aux Etats-Unis prêts à ravitailler ses partenaires de l’OTAN pour éviter l’hécatombe.
La récente visite d’Etat de Macron à Washington, obéit à cette logique diplomatique sur fond de réconciliation avec Biden après la crise des « sous-marins » que la France s’apprêtait à vendre à l’Australie. Mieux, le président français est l’un des rares dirigeants occidentaux à pouvoir encore parler à Poutine mis à l’index par une communauté internationale très remontée contre ses visées impériales.
Pékin ne condamne ni n’approuve la guerre en Ukraine. La Chine s’offre ainsi le beau rôle de garder un silence difficile à décoder. Pour autant, l’Empire du Milieu avance ses pions et déploie un dispositif assez explicite sur ses visées mondiales.
Après Addis-Abeba, où elle a construit le fameux siège de l’Union Africaine, voici la Chine qui s’apprête à doter la Cedeao d’un QG multifonctionnel à Abuja au Nigéria. Elle va tout financer. Seule concession faite : accepter d’intégrer des compétences africaines dans l’immense chantier. En accédant à cette condition « sine qua non » de l’institution d’intégration ouest-africaine, la Chine s’adapte au contexte mondial dans lequel triomphent la surenchère, l’escalade et le chantage.
En son temps l’érection du siège de l’organisation panafricaine avait valu à la Chine un tollé de réprobations. Les critiques reprochaient aux dirigeants de l’époque, notamment le Gabonais Jean Ping, le Malien Alpha Oumar Konaré, avant la Sud-Africaine Nkosazana Dlamini Zuma d’avoir cédé à la Chine sans contrepartie.
Cet épisode avait nourri une vive méfiance à l’égard des Chinois soupçonnés (à tort ou à raison) de s’immiscer dans les « affaires africaines » sans en avoir l’air. Le rejet, pas massif pour autant, avait valeur d’avertissement pour Pékin. Surtout que l’Amérique soupçonne un projet de « main basse » sur les immenses ressources de l’Afrique accentué par la rectification de la trajectoire de la route de la soie pour davantage se rapprocher du continent noir.
Cette semaine s’ouvre à Washington le sommet Etats-Unis/Afrique. Personne parmi les chefs d’Etat africain ne manquera à l’appel. A moins que… Tous s’y rendront pour humer l’air qui flotte au-dessus de la capitale fédérale. En d’autres termes : sentir ou observer de visu les tendances lourdes.
Dans cette partie de poker, la Chine n’a pas encore abattu ses cartes en totalité. Il se dit même qu’elle « cache son jeu » en Afrique, théâtre des rivalités entre les deux géants. La dispersion des intérêts empêche toutefois les Africains de s’unir davantage pour tirer partie de cette grosse surenchère géostratégique.
Leur immobilisme risque d’être fatal aux populations médusées par une réelle carence de leadership affirmé et affiché. Le Rwandais Paul Kagamé et le Congolais Félix Tshisekedi bandent les muscles et s’invectivent par presse interposée alors qu’à leur frontière commune, les tueries et les exactions se commettent à « ciel ouvert ».
Personne ne s’indigne de la tragédie qui s’y déroule. Des signes qui ne doivent rien au… hasard. Silence abject. Ombre et pénombre…