LA PROMESSE D’UNE RUPTURE SYSTÉMIQUE EST-ELLE TENABLE ?
EXCLUSIF SENEPLUS - Pastef, comme toute entité, n’est pas homogène. Il est traversé par un courant libéral et un courant de gauche avec des nuances. La lecture, les interprétations, les arrière-pensées par rapport au Projet varient
En mars 2024 au Sénégal, l’élection présidentielle a consacré la victoire de Bassirou Diomaye Faye, un candidat d’un parti d’opposition prônant une « rupture systémique ». Pour pouvoir opérer cette dernière, son parti doit gagner les élections législatives anticipées du 17 novembre 2024 pour disposer d’une majorité suffisante au Parlement pour faire voter ses réformes. Ce contexte offre l’opportunité d’analyser les tenants et les aboutissants de cette « rupture systémique ».
Une élection historique
L’élection présidentielle au Sénégal aurait dû se tenir constitutionnellement le troisième dimanche du mois de février, c’est-à-dire le 25 février pour celle de 2024. À la veille du début de la campagne électorale prévue le 4 février, le président Macky Sall a pris un décret de report-annulation de l’élection. Il a fallu une grande mobilisation populaire et une intervention du Conseil constitutionnel pour mettre fin à cette mesure inconstitutionnelle, abroger une loi anticonstitutionnelle de prolongation du mandat du président en exercice votée par un parlement-godillot et fixer une nouvelle date pour les élections. C’est ainsi que le 24 mars 2024, Bassirou Diomaye Faye est élu à 54% des voix exprimées président du Sénégal au premier tour. C’est la première fois qu’un candidat de l’opposition remporte l’élection présidentielle au premier tour. C’est une élection historique à plus d’un titre, eu égard au contexte et à la singularité du parti politique ou plutôt de la vague politique ayant porté Diomaye Faye au pouvoir. Il a nommé dès son investiture Ousmane Sonko au poste de Premier ministre.
Le contexte est on ne peut plus particulier, car 10 jours avant le premier tour du scrutin, Diomaye Faye était en prison avec son mentor politique Ousmane Sonko. En effet, Ousmane Sonko, président du parti Patriotes africains du Sénégal pour le Travail, l'Éthique et la Fraternité (Pastef), est arrêté et emprisonné en juillet 2023 pour différents chefs d’inculpation criminels, dont celui d’atteinte à la sûreté de l’État. Ainsi, il a rejoint en prison Diomaye Faye, secrétaire général de Pastef, déjà emprisonné plusieurs mois auparavant. Dans la même foulée en juillet 2023, le régime de Macky Sall prononce la dissolution pure et simple de Pastef.
Cette interdiction de Pastef est la suite d’une spirale de harcèlement, de persécution de l’opposition, en particulier des militant-e-s et des sympathisant-e-s de Pastef. Plus de 80 morts. Plusieurs milliers de membres de Pastef sont mis derrière les verrous. Cette vague répressive a été tous azimuts, s’abattant sur la direction centrale de Pastef jusqu’aux structures de base qui n’ont pas été épargnées dans les communes et dans les plus petites localités. Les libertés démocratiques sont bâillonnées avec l’interdiction de manifestations, de rassemblements, de réunions ou d’activités politiques de l’opposition, etc. Plusieurs journalistes sont arrêté-e-s, des signaux de télévision ou des connexions-Internet ont été souvent coupés. Ce fut une période infernale de plomb de 2021 à juste avant les élections de mars 2024 ponctuées par des insurrections populaires en mars 2021 et juin 2023 pour s’opposer à l’arrestation d’Ousmane Sonko et à un verdict prononcé contre lui dans le cadre d’un procès pour l’écarter des élections présidentielles, mais aussi pour obliger le président Macky Sall à finalement renoncer à ses ambitions de postuler à un troisième mandat inconstitutionnel. N’ayant pu trouver des prétextes sur le plan professionnel pour l’éliminer politiquement, le régime de Macky Sall n’a eu d’autre choix que de recourir à deux « affaires » : une « affaire de viol » et une « affaire de diffamation » envers un ministre épinglé par un rapport d’un corps de contrôle. Ousmane Sonko a été finalement empêché d’être candidat aux élections à la suite de différentes machinations du pouvoir basées sur la 2e affaire. Néanmoins, la longue résistance grâce à un soutien populaire massif a permis à Pastef de gagner du temps et de s’être ménagé des plans B, C, D en son sein et à l’extérieur, dont celui de Diomaye Faye avec la suite que l’on sait.
Derrière tout contexte singulier, en l’occurrence ce contexte pré-électoral, il y a un acteur singulier qui est le parti Pastef.
Pastef est né en 2014, à peine 10 ans, avec comme principaux dirigeants des inspecteurs des impôts et domaines dont le leader est Ousmane Sonko. Ce dernier n’a pas cessé de dénoncer des scandales fonciers, financiers, fiscaux commis par le régime avant d’être radié de la fonction publique en 2016.
Ses critiques argumentées et documentées contre le pouvoir à travers différents canaux et aussi sa réputation d’intégrité confèrent à Ousmane Sonko et à Pastef une rapide et croissante popularité. Dans un pays où, au niveau des présumées élites, le vol des deniers publics est un sport national bien avant la lutte et le football, être inspecteur principal d’impôts non suspect, de même pas un centime de corruption ou de détournements, a fait mouche, surtout parmi la jeunesse. Cette jeunesse que ces pratiques prédatrices poussent à l’exil dont le terminus est parfois les fonds de la Méditerranée et de l’Océan atlantique. Tandis qu’il est un secret de polichinelle que même les plantons ou les gardiens sont millionnaires aux Impôts et Domaine.
Une autre particularité du Pastef n’est pas seulement d’être créé après l’indépendance par des individus nés bien après l’indépendance politique en 1960, mais surtout de n’avoir jamais été mêlé de près ou de loin à la « mangerie » et à la Françafrique, au moins concernant son ossature originelle.
Or, depuis 1960, le Sénégal est dirigé par deux partis ainsi que leurs démembrements consécutifs à des scissions : grosso modo, le Parti socialiste (PS) de 1960 à 2000, le Parti démocratique sénégalais (PDS) et ses clones de 2000 à 2024. Il y eut deux alternances en 2000, puis en 2012, qui ne se sont pas traduites par un renouvellement radical du personnel politique. Dans un pays dit sous-développé où les positions de « survie économique » sont réduites à l’appareil d’État pour cette gent, une grande partie de la coalition battue opère une transhumance pour continuer à picorer à la « mangerie » dans le cadre d’un deal : soutien politique contre enterrement des dossiers du régime sortant.
Plus qu’une alternance, l’élection de Diomaye Faye est non seulement une alternative, mais se voudrait par ailleurs une rupture avec plus de 60 ans de règne de partis du système néocolonial depuis l’accession du pays à l’indépendance politique en 1960. C’est sans doute aussi un renouvellement générationnel qui envoie à la retraite de larges pans de la classe politique composée en partie de dinosaures en place depuis des décennies.
Un héritage cataclysmique et … des attentes abyssales
Après l’accession du Sénégal à l’indépendance en 1960, la corruption s’est installée progressivement dans les mœurs politiques. De 1960 à 2000, le régime PS y mettait les formes en faisant preuve de scrupules. A leur époque, un marché supérieur à 300 millions de Francs CFA[i] était passible d’un appel d’offres. Une grande partie des dignitaires du régime PS ont fini leur vie avec un train de vie modeste, dans la précarité ou même dans la pauvreté.
Le niveau de concussion, de gabegie et de népotisme a atteint un autre palier avec la première alternance de l’année 2000 avec l’accession au pouvoir du PDS dirigé par Abdoulaye Wade. Dans sa sagesse et son humour comme arme de résistance, la population a appelé ce changement non pas une alternance, mais une alterNoce, « Noce » signifiant « Bamboula » aussi en wolof, la langue majoritairement parlée dans le pays.
Mais c’est à partir de la deuxième alternance en 2012 que les phénomènes de prévarication ont atteint un niveau stratosphérique inégalé avec le régime de Macky Sall. Rappelons que ce dernier a eu le temps de faire ses classes sous le régime de son ex-mentor Abdoulaye Wade avant de tomber en disgrâce à la suite d’une brouille en 2008.
Sous le régime de Macky Sall, les mots « corruption », « détournements » ne sont plus à même de caractériser l’ampleur du phénomène tutoyant le tsunami de la gangrène. Virent le jour des expressions telles que « prédations », « carnages », « cannibalisme ». En 2012, le président a commencé par déclarer un patrimoine hors-norme de 8 milliards de Francs CFA qu’il a justifié par un don du précédent président Abdoulaye Wade qui l’a démenti[ii]. Un patrimoine dont il ne peut atteindre le huitième même en cumulant tous ses salaires perçus auparavant durant sa carrière dans la fonction publique ou les sociétés publiques, sans y acheter même une boite d’allumettes.
En 2012, le régime de Macky Sall prétendait avoir l’ambition d’un Sénégal émergent ou bien à la rigueur en voie d’émergence à la fin de son magistère. A son départ, loin de connaître l’émergence, le Sénégal « a reculé de la 154e à la 169e place (sur 193 pays) dans le classement IDH [Indice de Développement Humain du Programme des Nations Unies pour le Développement][iii] ». Par contre, il y a l’émergence de nombreux ou de nombreuses milliardaires. Dans son entourage, de nombreuses personnes se sont enrichies d’une manière ahurissante à une vitesse stupéfiante. Il ne manque pas de personnes simples locataires ou ayant emprunté uniquement les transports en commun de se retrouver, quelques années plus tard, propriétaires d’immeubles et/ou roulant avec des voitures 4*4 ou 8*8 rutilantes hors de prix. Les marchés de plusieurs milliards ont été négociés gré à gré et accordés à des copains, copines et coquin-e-s.
Sous réserve de validation par la cour des comptes, l’audit financier présenté par le gouvernement en septembre 2024 donne une idée de la nature vertigineuse du carnage financier à l’actif du régime de Macky Sall, sans compter le maquillage des indicateurs économiques, en particulier le taux d’endettement extérieur et le déficit budgétaire[iv] :
- Entre 2019 et 2024, 5400 milliards de Francs CFA sur des contrats par entente directe[v] ;
- 605 milliards de Francs CFA de sur-financement ont été accordés par le FMI pour 2024 en prévision de l’année électorale, ils ont été totalement dépensés en 2023 dont la moitié sans traces jusqu’à présent ;
- 1892 milliards de Francs CFA de dettes ont été contractées à l’extérieur sans être comptabilisés par les organismes techniques habilités qui n’ont reçu aucune notification, l’Assemblée nationale non plus ;
- Depuis 2019, plus de 2500 milliards de Francs CFA de dépenses ont été effectuées sous couvert du secret-défense, même par exemple pour des équipements scolaires ou du système hospitalier dans le domaine public civil ;
- Un endettement passé de 2700 milliards de Francs CFA en 2011 CFA à 16200 milliards de Francs CFA en 2024 et maquillé à 14 400 milliards de Francs CFA [vi];
- Une ribambelle de projets aussi inutiles que coûteux comme source de surfacturations, de commissions et de rétro-commissions ;
- Etc.
Quant au cannibalisme foncier, il n’a pas épargné le bâti de l’État, le foncier urbain, le littoral et le domaine maritime protégés ainsi que les terres cultivables ou le foncier à l’intérieur après le pillage-partage entre la bourgeoisie bureaucratique, compradore et la féodalité maraboutique de la région de la capitale Dakar.
De nombreux scandales se chiffrant à des dizaines ou des centaines de milliards de Francs CFA ont émaillé la gouvernance du régime de Macky Sall entre 2012 et 2024 :
- Petro-Tim : l’implication dans des transferts d’actifs pétroliers d’Aliou Sall, frère du président Macky Sall ;
- CovidGate : gestion opaque des 1000 milliards destinés à contrer l’impact de l’épidémie ;
- Arcelor Mittal : renégociation au rabais d’une indemnité pour rupture abusive de contrat que devait verser la multinationale ;
- PRODAC : Environ 29 à 26 milliards de Francs CFA pour des domaines agricoles communautaires pour l’emploi des jeunes et pour contribuer à l’autosuffisance alimentaire qui n’ont jamais vu le jour ;
- Building Administratif : réfection ruineuse à fonds perdus de ce bâtiment ;
- « Fondation Servir le Sénégal » : fondation de l’épouse de l’ex-président gérée une décennie sans bilan ni audit tout en brassant des milliards en violation de la règlementation en vigueur ;
- Armement : contrat controversé d’achat d’armes de 45 milliards de Francs CFA par le ministère de l’environnement ;
- Une multitude de surfacturations dans des confections à l’étranger de passeports, de cartes d’identité biométriques ;
- Etc[vii].
Les éventuelles auteur-e-s de ces scandales n’ont eu rien à craindre, car l’impunité a été érigée en seconde nature de la gouvernance du régime de « Maquis très Sale ». Le président Macky Sall a avoué lui-même avoir mis son coude sur des dossiers de prédation des corps de contrôle qui devraient être transférés à la justice. Principalement, parmi cette sinistre horde, seuls deux individus ont été inculpés et condamnés, car ils ont été plutôt des obstacles politiques au président Macky Sall en s’évertuant à se présenter contre lui aux élections présidentielles de 2019. Après sa réélection, ils ont été libérés et graciés. En voilà une autre facette de ce régime : une instrumentalisation de la justice comme outil de chantage aux adversaires ou aux ennemis politiques !
Quant aux attentes du peuple sénégalais, en particulier sa jeunesse qui s’est mobilisée, voire qui s’est sacrifiée au prix du sang pour la victoire de Pastef, elles sont abyssales :
- Le revers des milliardaires générés par la prédation est une pauvreté galopante impactant une majorité de la population. Dans la plupart des ménages, les « 3 repas quotidiens » furent depuis longtemps un vieux souvenir. Actuellement, avec le système dit « Gobar Diaci », c’est tout au plus un repas à midi dans lequel on prélève une partie pour les enfants le soir, chaque adulte devant se débrouiller pour le dîner et le petit-déjeuner.
- Le désert du Sahara, l’océan Atlantique, la Méditerranée continuent à être le cimetière de centaines ou de milliers de jeunes à la recherche de moyens d’un bien-être, surtout pour leurs familles, quitte à prendre tous les risques possibles ;
- Un système de santé et un système scolaire à plusieurs vitesses marginalisant ou excluant les couches populaires. Dans de nombreuses localités, des abris dits provisoires font office de salles de classe où les cours sont impossibles à la moindre intempérie.
- Malgré plusieurs centaines de milliards de Francs CFA présumés investis dans l’assainissement et l’aménagement, des inondations provoquent toujours le calvaire dans les quartiers populaires urbains qui souffrent paradoxalement d’une pénurie d’eau potable. Il en est de même des crues des cours d’eau pour les populations riveraines.
- Pour résumer, la situation est grave ou sinon catastrophique dans tous les autres secteurs pour l’immense majorité du peuple.
Avec un tel héritage et des attentes aux antipodes, il va de soi qu’il sera difficile quelles que soient les meilleures intentions du nouveau gouvernement de faire des miracles.
Les premiers actes posés
Le Pastef accède au pouvoir sans disposer de toutes les prérogatives constitutionnelles pour légiférer face à une Assemblée nationale toujours dominée par la coalition du pouvoir sortant. Et cette dernière ne peut être dissoute qu’au moins deux ans après son installation, c’est-à-dire au plus tôt en septembre 2024 suite au début d’une nouvelle législature en septembre 2022. Sur ce, le parlement a été dissout en septembre 2024 pour être renouvelé par des élections législatives le 17 novembre 2024 qui seront abordées ci-après. Par conséquent, durant cette période transitoire d’environ 6 mois, en dehors d’une entente hypothétique avec la majorité du pouvoir, le nouveau régime ne dispose que des décrets, des ordonnances de son président Diomaye Faye, dans l’impossibilité de voter une loi ordinaire, a fortiori une loi de nature organique ou constitutionnelle requérant plus que la majorité absolue.
En plus de ces handicaps, le pouvoir sortant a semé plusieurs pièges :
- Des approvisionnements pour les raffinages et les centrales électriques n’ont pas été sécurisés dans l’intention de provoquer des coupures d’électricité ou un black out quelques semaines après l’avènement de Pastef à la tête de l’État ;
- Des milliers de nominations, de recrutements à durée indéterminée, de décorations, d’augmentations de salaire, de signatures de contrats, de ventes d’actifs publics ont été décidés dans les derniers jours ou même les dernières avant la passation du pouvoir le 2 avril 2024 ;
- Des ardoises de dettes ont été laissées presque dans tous les démembrements de l’État. Par exemple, pour le financement de la campagne agricole en mai-juin 2024, le gouvernement de Pastef a été obligé d’éponger un passif de 41 milliards de Francs CFA aux fournisseurs pour les années 2021, 2022, 2023.
Il ne faudrait pas oublier le défi toujours actuel face à une opposition riche de ses rapines et de ses razzias dans des caches ou dans des paradis fiscaux, avec une presse privée majoritairement à ses ordres. Sous le défunt régime, cette dernière a vécu grâce à un étrange modèle économique fondé sur des amnisties fiscales à répétition, sur des contrats avec l’État et/ou avec des sociétés publiques, mais aussi sur une escroquerie pure et simple par le vol de la TVA collectée et par le vol des cotisations sociales et des impôts prélevés sur le personnel.
Toutes ces mines posées ont eu comme dessein manifeste de planter le nouveau pouvoir, de créer le chaos pour « prouver » l’incompétence de nouvelles autorités de manière à rendre le pays ingouvernable et espérer revenir au pouvoir au plus tard aux échéances présidentielles de 2029, voire même imposer une cohabitation à l’occasion des élections législatives anticipées du 17 novembre 2024. Cependant, Pastef a réussi à déjouer ces pièges, non sans avoir posé certains actes.
Dans la formation du gouvernement, pour éviter les suspicions ou les allégations de vengeance, des personnalités mises au banc par l’ancien régime pour leur « indépendance » ou autrement pour le refus de contribuer à l’embastillement de l’opposition (en particulier de Pastef) ont été nommées à des fonctions ministérielles régaliennes. Ainsi, un ex-magistrat a été nommé ministre de la Justice, un ancien officier de gendarmerie au poste de ministre de l’Intérieur, un ancien officier de l’armée au portefeuille de la Défense.
Pour donner des gages sur la priorité à la compétence, le ministère de l’Agriculture a été confié à un ex-banquier d’affaires enrichi à l’extérieur avant de rentrer et de créer des fermes agricoles performantes, tandis que le ministère de l’industrie a été confié à un ancien de Nestlé ayant déposé plusieurs brevets.
En termes de rupture, le gouvernement de Diomaye Faye–Ousmane Sonko a posé des actes indéniables :
- Organisation d’états généraux de la justice à l’issue desquels les magistrats exécutants de basses œuvres du régime déchu ont été mis au placard, des juridictions ont été mises en place pour la reddition des comptes avec le début de l’arrestation et l’inculpation de dignitaires du régime de Macky Sall ;
- La chasse et l’annulation de privilèges fiscaux indus, entre autres concernant une presse aux ordres de l’ancien pouvoir ;
- Le retrait de toutes les voitures de fonction, de logements de fonction, de passeports diplomatiques indus après la fin de l’exercice des fonctions y relatif ;
- Un audit et le cas échéant une renégociation de contrats dans le domaine des hydrocarbures, de la pêche, des ressources minérales et naturelles en général ;
- Le gel de toutes les opérations foncières litigieuses ;
- Le début de la suppression de tous les organismes superflus et budgétaires pour recaser une mafia de politiChiens ou de politiChiennes, d’affairistes et d’une féodalité maraboutique ;
- Au niveau de la politique étrangère, le Sénégal n’est plus un pion de la Françafrique sur la vassalité de laquelle l’État français pourrait miser, en voici quelques séquences :
- Dans son discours à la 79ème assemblée générale de l’ONU, le président Diomaye Faye a dénoncé toutes les puissances étrangères qui tirent les ficelles dans les conflits en Afrique, surtout au Sahel[viii] ;
- Le Sénégal a explicitement condamné les « opérations » de l’armée israélienne à Gaza comme un génocide, a exigé un cessez-le-feu et réitéré sa position pour « la solution à deux États » par la création d’un État palestinien à côté de celui d’Israël conformément aux résolutions de l’ONU ;
- L’absence pour la première fois d’un chef d’État sénégalais en 2024 en France au sommet de la francophonie et aux cérémonies d’une célébration du débarquement de Provence, en l’occurrence le 80ème anniversaire ;
- Sans complicité et sans connivence avec l’État français, la prise en main de la célébration par l’État sénégalais du 80ème anniversaire du massacre de centaines de tirailleurs réclamant leurs soldes de captivité par l’armée française le 1er décembre 1944 ;
- Etc.
La reddition des comptes est entravée dans une certaine mesure par une loi d’amnistie ou plutôt une loi d’autoamnistie votée à la 25e heure par le défunt régime pour la période mars 2021–mars 2024 où environ 85 personnes ont été tuées, des centaines de personnes blessées ou handicapées à vie, des milliers de personnes emprisonnées, avec des banqueroutes de nombreuses activités ou entreprises, des naufrages de plusieurs couples ou ménages, etc. Pour abroger cette loi, il faudra au gouvernement de Diomaye-Sonko une majorité parlementaire aux élections législatives du 17 novembre 2024. D’où, entre autres, un enjeu de ces élections.
Par ailleurs, la reddition des comptes pourrait être contrariée par ce qui semble être un reniement d’un engagement de Pastef à ne point favoriser la transhumance des membres de l’ancien pouvoir dont certains ont été reçus en personne par le premier Ousmane Sonko. Ces membres vont-ils bénéficier d’une impunité au cas où ils seraient soupçonnés dans des détournements de fonds publics. En tout cas, c’est une pratique réprouvée et rejetée fortement par la base de Pastef au point d’avoir engendré un début de crise ou de brouille au sein de la galaxie de Pastef, y compris au sein du « duo inséparable » entre le président et le premier ministre. C’est toute la crédibilité du crédo « Jub, Jubal, Jubbanti », traduisible en français par « Droiture, Probité, Exemplarité[ix] », qui est dès lors questionnable.
Leurres et lueurs de la « rupture systémique »
Après leur victoire électorale en 1970 au Chili, les forces de l’Unité populaire (UP) sous la direction de Salvador Allende se sont fixé de construire un socialisme tout en restant dans le cadre de la légalité constitutionnelle inscrite dans les gènes d’une démocratie au demeurant bourgeoise. L’UP a été tout sauf un ramassis de bolchéviks avec des couteaux entre les dents. Tout au contraire, ils ont fait preuve de modération, par exemple en nationalisant des secteurs de l’économie moyennant une indemnisation. Pour sa survie politique face à un parlement hostile, l’UP a essayé de faire preuve d’esprit de compromis avec le résultat que l’on sait : le 11 septembre 1973, le régime démocratiquement élu de l’UP fut renversé par un coup d’État sanglant dirigé par Augusto Pinochet (ancien commandant en chef de l’armée chilienne nommé par Allende !) qui a instauré durant environ deux décennies un régime de terreur au Chili, avec le soutien des USA et du capital national. C’est un autre « 11 septembre » que l’on claironne moins dans le « monde libre, civilisé et démocratique ».
En 2024 au Sénégal, Pastef fait la promesse d’une « rupture systémique » tout en respectant la légalité constitutionnelle. Par cette rupture, Pastef n’entend pas instaurer un socialisme comme l’UP au Chili : ah, on vit une autre époque, le socialisme est mort ou plutôt sa perversion ou dégénérescence politico-bureaucratique sous la forme d’un capitalisme d’État en ex-URSS ou en Chine, etc. ! Le mantra de Pastef est le souverainisme, le panafricanisme dans ses tendances dominantes et dans une certaine mesure l’anti-impérialisme. Car Pastef, comme toute entité, n’est pas homogène. Il est grosso modo traversé d’une part par un courant libéral, et d’autre part par un courant de gauche avec des nuances. Le courant libéral, largement dominant, sinon hégémonique, se subdivise en un sous-courant libéral sur les questions de société et en sous-courant conservateur, voire réactionnaire sur les questions de mœurs et de morale.
La lecture, les interprétations, les arrière-pensées par rapport au « Projet » du Pastef varient évidemment selon les tendances politiques en son sein. Avant la prise du pouvoir, ce « Projet » comme leitmotiv à la bouche de l’ensemble des militant-e-s de Pastef a été opérationnalisé après la prise du pouvoir et présenté comme un plan à long terme « Sénégal vision 2050 nouveau référentiel[x] ». Cette vision est tout d’abord échelonnée en plan d’action de cinq ans comparable à un plan quinquennal intitulé « Stratégie Nationale de Développement 2025-2029[xi] », ensuite découpée aussi en master plan comparable à un plan décennal. La vision 2050 appelée aussi « Sénégal 2050- Agenda National de Transformation » se décline en quatre axes :
- « Axe 1 : Economie Compétitive ;
- Axe 2 : Capital humain de qualité et Equité sociale ;
- Axe 3 : Aménagement et Développement durables ;
- Axe 4 : Bonne Gouvernance et Engagement africain ».
Concrètement pour la ligne libérale dominante au niveau de Pastef, cela consiste à moderniser et développer le secteur primaire (agriculture, pêche, élevage, minerais, etc.) pour viser non seulement une autosuffisance alimentaire, mais aussi en même temps fournir des inputs pour l’incubation ou l’éclosion d’une industrie de transformation pour créer les chaines de valeurs les plus complètes de la matière première à la consommation locale du produit ou son exportation. L’État va créer l’environnement en termes d’infrastructures et de réglementation pour inciter les capitalistes nationaux et les entreprises transnationales, oh pardon les « opérateurs économiques nationaux ou le secteur privé » et les « partenaires étrangers », à investir. A l’image de plusieurs pays asiatiques qui se sont économiquement développés comme la Corée du Sud, Singapour et des pays africains en phase de décollage économique comme le Botswana et le Rwanda, la vision 2050 s’assigne comme but l’édification d’un capitalisme national « assaini » des turpitudes et des aspects les plus odieux du capitalisme. Implicitement avec l’objectif d’une autosuffisance alimentaire et une amorce d’une industrialisation alimentée par des inputs ou surplus agricoles, le modèle envisagé est celui d’une substitution aux importations. Alors que la Corée du Sud s’est économiquement envolée sur la base des exportations en remontant progressivement les filières du textile au numérique et au nucléaire en passant par les industries mécaniques et les chantiers navals sous une dictature sanguinaire qui s’est muée beaucoup plus tard en régime démocratique libéral comme à Taïwan entre autres. Il serait important de rappeler qu’en 1960 que le PIB par tête de la Corée du Sud était inférieur à celui du Sénégal et de la Côte d’Ivoire. Par ailleurs, avec le soutien populaire et surtout exigeant de la part de la jeunesse, tout porte à croire que Pastef aura le souci de créer une paix sociale à travers un consensus par des prestations d’un service public à travers un large réseau d’infrastructures éducatives, de formation, de santé, d’accès aux services de base (eau, électricité, connectivité, mobilité) couvrant l’ensemble du territoire et profitant à une grande partie de la population. Pour user d’une boutade pour résumer, le credo du courant libéral hégémonique dans Pastef pourrait être à l’endroit des capitalistes nationaux et étrangers "partenaires" : « enrichissez-vous en innovant, en créant des emplois, en générant des valeurs ajoutées, autrement dit enfin développez l’agriculture et industrialisez le pays ! ». Et ce à l’apposé des défunts régimes d’Abdoulaye Wade et de Macky Sall où les milliardaires se fabriquaient sur la base d’octrois à la tribu de situations de rente par l’octroi de marchés parfois non ou partiellement exécutés, de monopoles d’importation ou d’exportation, si ce n’est de leur verser directement le pactole sans autre forme de procès !
Si, au niveau des rapports sociaux internes, on peut ne pas être préoccupé par la perspective de revirements ou de volte-face, en ce sens que Pastef n’a jamais brillé par un penchant transgressif sur les questions comme celles du patriarcat et de la féodalité maraboutique, comme on le verra plus tard, il n’en est pas de même quant à la volonté proclamée de rupture système avec l’impérialisme.
Mais sur le plan de la rupture vis-à-vis de l’extérieur, il y a un signe qui ne trompe pas, à savoir la sollicitude avec laquelle le gouvernement Pastef a tenu à informer le FMI du trucage de tous les comptes financiers par le régime de Macky Sall. Le gouvernement sénégalais a un devoir de transparence et de vérité par rapport au peuple sénégalais, mais nullement envers l’impérialisme international et ses institutions financières. C’est comme si Pastef voulait donner des gages en jouant le rôle de bon élève et/ou de balance. En outre, ce serait faire preuve de naïveté de penser que le FMI n’ait pas été au courant des subterfuges du régime défunt, au vu de tous les moyens de renseignement dont disposent les pays occidentaux principaux actionnaires du FMI. Ce serait oublier aussi que le régime de Macky Sall a entretenu des relations étroites avec les services secrets français et israéliens, pour ne pas dire qu’il a été même chapeauté par ces derniers. En général, les puissances impérialistes occidentales ou autres sont plus informées dans de nombreux domaines que les pays dits sous-développés sur leurs territoires de par leurs outils d’interception et d’observation satellitaire, sans compter leurs agents infiltrés.
Un autre signe qui ne trompe pas, ce sont les nuances ou les inflexions progressivement introduites dans les éléments de langage quant aux rapports avec les pays impérialistes. En vedette, les mots « partenaires » ou « partenariats » sont usités et prisés. Ainsi, le FMI, la Banque Mondiale, les puissances impérialistes sont affublées du nom de « partenaires ». A mille lieues d’être des poètes, enfants de chœur ou philanthropes, les puissances impérialistes ne connaissent pas le langage du « partenariat », mais celui des rapports de force, du profit, du froid calcul de l’intérêt au sens propre et au sens figuré.
Quid des autres chantiers présumés de « rupture systémique » ? En tout, il peut être noté un silence ou un amollissement vis-à-vis de certains axes de rupture :
- La dénonciation et la divulgation des dits accords de coopération avec la France depuis 1960 comportant des clauses secrètes au moins dans ses aspects militaires pour rompre le cordon ombilical néocolonial ;
- Le retrait total de la base militaire française au Sénégal (il parait que ce sera acté, mais avec un bémol qui serait le maintien d’une « coopération » militaire) ;
- Le retrait de la Zone Franc ;
- La nationalisation sans indemnisation de toutes les entreprises multinationales française comme compensation au vol et au pillage subis durant des siècles.
A la décharge de la ligne dominante de Pastef, ce serait problématique ou voire suicidaire ou « mission impossible » d’affronter frontalement l’impérialisme seul en tant que pays dominé. Mais le mérite aurait été de le poser et de travailler avec d’autres forces à la révolution dans un cadre sous-régional ou dans un cadre régional en Afrique. Or l’ambition de cette ligne dominante n’est pas de remettre en cause le califat, mais d’essayer de jouer une partition « gagnant-gagnant » sur toute la planète en s’émancipant du statut d’ex-larbin cloué dans un pré-carré français. Par ailleurs, il serait bien indiqué de nuancer le statut de valet vis-à-vis de l’impérialisme français. Depuis le régime d’Abdoulaye Wade (2000-2012), la France n’est plus hégémonique au niveau des échanges du Sénégal avec l’extérieur, sa position dominante a été bousculée et remise en cause avec l’ouverture envers la Chine, la Turquie, mais aussi grâce à un sursaut des échanges avec des pays comme les USA, l’Allemagne, etc. Cependant, sous le régime de Macky Sall (2012-2024), l’État français et les multinationales françaises sont parvenus à (re)contrôler un grand nombre de secteurs de l’économie (eau, autoroute, télécommunications, grande distribution, etc.) et à rafler les plus importants contrats étatiques (Train Express Régional, autoroutes, etc.). Il s’ensuit que le recul ou la marginalisation de l’impérialisme dans les échanges économiques avec le Sénégal n’est pas seulement le fait de puissances impérialistes dites émergentes, mais aussi celui de puissances impérialistes occidentales politiquement alliées avec la France.
Avec le sabotage, le boycott, l’embargo, le chantage et autres actions sordides dans l’arsenal de l’hégémonie des puissances impérialistes et des institutions financières internationales, il y a des leviers qui pourraient être actionnés. Bien avant ladite aide publique au développement, le premier poste de la balance des paiements du Sénégal est constitué par les plus de 1500 milliards de Francs CFA envoyés annuellement par la diaspora, soit plus de 10% du PIB[xii]. Cet argent est souvent consommé improductivement, par exemple pour acheter un poisson au lieu de contribuer à savoir pêcher. Imaginons un instant non seulement en termes de potentiel qu’une partie de ce montant soit investie, mais aussi que l’épargne de la diaspora soit mobilisée et que l’épargne locale soit boostée et rationalisée. Une grande partie de l’investissement de la diaspora est captée par l’immobilier et le foncier pour plus de sécurité, en partie à cause de structures étatiques mafieuses. Même dans ces sphères, la diaspora n’est pas à l’abri de nombreuses arnaques.
Sur la rubrique des rapports sociaux internes, une fois n’est pas coutume, il faut reconnaître le mérite de Pastef d’avoir porté la lutte contre la discrimination de certaines catégories comme les handicapés physiques, les aveugles. Ce sera probablement une première au Sénégal, il y aura des handicapé-e-s physiques au Parlement car figurant sur des places éligibles sur les listes de Pastef aux élections législatives. Une fois au Parlement, ils ou elles pourront amplifier le combat contre les préjugés, les stigmatisations, la mobilité par l’imposition de nouvelles normes inclusives de construction, l’aménagement des trottoirs et des édifices publics. Ce serait aussi le moment d’intégrer d’autres catégories comme les albinos dans cette dynamique de lutte contre les stéréotypes et les préjugés.
Quant au régime patriarcal sous lequel ploie une grande partie de la gent féminine, ce n’est pas dans un environnement où le président Diomaye Faye et le Premier ministre Ousmane Sonko sont tous les deux polygames avec des références fréquentes à Dieu et à l’islam dans leurs discours qu’on peut s’attendre à une ardeur frénétique ou éruptive pour l’émancipation de la femme. Le Code de la famille et une idéologie dominante s’adossant à la religion et aux traditions rétrogrades font perdurer un lot d’oppression ou de discrimination sur les femmes :
- Le régime de la polygamie ;
- Le pouvoir de répudiation du mari ;
- Une part d’héritage moitié moindre par rapport aux mâles ;
- Des mariages précoces ou forcés des filles, avec une déscolarisation surtout en milieu rural ;
- Un accès à la terre impossible ou restreint, surtout en milieu rural ;
- Une lutte ferme et financée contre les pratiques d’excision.
L’aile libérale réactionnaire de Pastef a dans son agenda une criminalisation de l’homosexualité qui est toujours un délit au Sénégal depuis une loi héritée de la période coloniale. Par contre, la criminalisation de la corruption « ici et maintenant » ainsi que son imprescriptibilité ne feraient pas partie de ses chevaux de bataille.
Enfin, des rapports étroits ou de complaisance continuent à être entretenus avec la féodalité maraboutique. Le Premier ministre Ousmane Sonko a un marabout. Serait-ce pour des raisons tactiques dans un pays à 95% musulman avec un engouement religieux où il fut dépeint par le pouvoir déchu et une certaine opposition comme un salafiste. Cette féodalité maraboutique fut l’alliée de tous les régimes néocoloniaux depuis l’indépendance politique en 1960. Et elle n’a pas bougé le petit doigt quand Pastef subissait la répression cruelle du régime de Macky Sall. En outre, les confréries religieuses n’ont plus le pouvoir réel de « grands électeurs » qu’on leur attribuait. Les fidèles se sont autonomisés et ont appris à faire la part des choses entre le sacré et le profane, entre le spirituel et le temporel. En effet, Bassirou Diomaye Faye a remporté le scrutin présidentiel de mars 2024 quasiment dans tous les foyers confrériques sans y avoir mis les pieds (Touba, Tivaouane, Medina Baye, Yoff, etc.). Il a raflé 13 des 14 régions du Sénégal ainsi que la Diaspora. A cette aune, le peuple est en avance sur ses présumées élites. Et le principe de réalité recommanderait d’appliquer strictement la laïcité en tant que séparation totale entre la religion et l’État dans le cadre d’une liberté de conscience où on peut être agnostique, libre-penseur, athée, juif, musulman, hindouiste, chrétien, bouddhiste, etc.
Le défi des élections législatives du 17 novembre 2024
Ces élections anticipées mettent en compétition 41 coalitions électorales dont les plus grandes sont a priori :
- Pastef sous sa propre bannière ;
- Takku Wallu Sénégal (TWS) qui est une coalition de l’ex-parti au pouvoir Alliance Pour la République (APR) de Macky Sall avec alliés libéraux du PDS et de ses démembrements dans le temps ;
- Jam Ak Jariñ (JAJ) qui est une coalition formée d’une scission de l’APR, fondée par l’ex-premier ministre et ex-candidat battu aux présidentielles de mars 2024 de l’ex-coalition au pouvoir, Amadou Bâ, avec d’autres partis de cette ex-coalition comme le PS et ses démembrements dans le temps ;
- Samm Sa Kaadu (SSK) est une coalition composée de plusieurs partis ex-alliés de Pastef, de partis qui sont des scissions du PS ou du PDS et de partis n’ayant jamais été associés à un pouvoir.
165 sièges de député-e-s sont en jeu dont 53 sont disputés au scrutin proportionnel au niveau des listes nationales et 112 sièges au scrutin départemental majoritaire au niveau des 46 départements du Sénégal et des 8 circonscriptions de la diaspora sénégalaise dans le monde, soit un total de 54 circonscriptions.
La particularité de cette élection est l’union dans une inter-coalition de toutes les trois autres grandes coalitions (TWS, JAJ, SSK) contre Pastef dans tous les scrutins majoritaires départementaux. De facto, tous les partis du système néocolonial et leurs démembrements depuis 1960 se sont ligués contre Pastef, parmi lesquels plusieurs ex-alliés de Pastef ne sont pas les moins virulents. Deux facteurs pourraient expliquer une union subite contre-nature de partis en guerre dans un passé récent :
- Le rouleau compresseur de Pastef durant les élections présidentielles remportées à 54% avec une victoire dans la diaspora et dans les 13 régions du Sénégal sur 14. Il y a environ seulement 7 mois. Après 7 mois de pouvoir limité, la dynamique devrait être préservée aux élections législatives, voire dopée avec l’effet amplificateur du scrutin majoritaire ;
- Au vu de ce reflexe et la furie anti-Pastef de cette inter-coalition dans son ensemble, on pourrait subodorer qu’elle a quelque chose à se reprocher ou a bénéficié du système de prédation décrite comme « Tok, Teudd, Nélaw, Mouy dokh », autrement dit en français « assis, être couché-e, en sommeil, mais en tout cas, les sous tombent toujours ».
L’enjeu pour Pastef pour réaliser toutes ses réformes de « rupture » n’est pas de remporter une victoire absolue de 83 sièges, mais au moins une majorité de trois cinquièmes (3/5) avec 99 sièges pour pouvoir modifier la Constitution ou adopter des lois organiques. Selon des projections des résultats de l’élection présidentielle de mars 2024 sur ces législatives anticipées suivant une méthodologie statistique rigoureuse, le Pastef disposerait au moins de 105 à 115 sièges[xiii]. Malgré peut-être un éventuel effet d’usure et le fait que l’élection présidentielle a été plus mobilisatrice du fait de sa nature d’un référendum pour ou contre le régime de Macky Sall, il n’est pas exclu que Pastef rafle 120 à 130 sièges sur les 165 sièges pour les considérations que voici :
- Les partis de la coalition sortante ont subi de nombreuses scissions, démissions et défections ;
- Ces partis ne disposent plus des moyens de l’État au niveau financier, au niveau régalien pour influer négativement illégalement en amont ou en aval sur l’issue du scrutin ;
- L’effet amplificateur du scrutin majoritaire départemental pour les 112 sièges sur un total de 165 sièges.
Pour les communistes internationalistes, l’enjeu est l’élection du maximum de députés de la gauche révolutionnaire au sein de Pastef en tant que semence d’une révolution socialiste pour l’émancipation sociale pour extirper toute forme d’exploitation de l’homme par l’homme dans une génération sur la base des avancées ou de la réussite du projet de la « rupture systémique » ou d’un capitalisme national de Pastef.
[i] 1 Euro = 655,957 Francs CFA ou bien 1 Franc CFA = 0,00152449 Euro
[ii] https://www.seneplus.com/article/je-suis-scandalis%C3%A9-par-la-fortune-de-macky-sall ;
https://www.seneweb.com/blogs/niteka/le-mystere-du-patrimoine-colossal-de-mac_b_541.html
[iii] https://www.xalimasn.com/cher-macky-tu-nas-laisse-que-des-voyants-repeints-en-vert-de-marvel-ndoye/
[iv] https://www.bbc.com/afrique/articles/c89lpk9l8pzo
[v] https://senego.com/contrat-par-entente-directe-5400-milliards-engages-entre-2019-et-2024-birame-souleye-sindigne_1752851.html
[vi] https://www.xalimasn.com/cher-macky-tu-nas-laisse-que-des-voyants-repeints-en-vert-de-marvel-ndoye/
[vii] https://www.senenews.com/actualites/contribution-chronique/12-annees-au-service-de-lhyper-cleptomanie-de-marvel-ndoye_510062.html
[viii] https://www.youtube.com/watch?v=ba5-H1SbD9w
[ix] https://www.au-senegal.com/thierno-souleymane-baal-architecte-de-la-revolution-torodo-et-pionnier-du-jub-jubaal-jubanti,17118.html
[x] https://jubbanti.sec.gouv.sn/assets/pdf/Brochure-Senegal-2050.pdf
[xi] https://ambassadesenegal.be/wp-content/uploads/2024/10/Strat_gie_Nationale_de_d_veloppement_2025_2029_1727214870-1.pdf
[xii] https://theconversation.com/senegal-comment-la-diaspora-peut-financer-le-developpement-local-200769
[xiii] https://www.seneweb.com/news/Contribution/legislatives-du-17-novembre-2024-quelles_n_452754.html;
https://www.seneplus.com/opinions/la-democratie-en-trompe-loeil