LA VICTOIRE TACTIQUE DE MACKY SUR SONKO
Birame Souleye Diop aura-t-il la stature d'un numéro deux ? La dernière structuration du bureau politique de Pastef va-t-elle résister à la lutte des places et la guerre des ego ? Le ver serait-il dans le fruit ?
Pastef va-t-il vers une implosion ? Le moins que l’on puisse dire, c’est que Pastef connaît actuellement une crise de croissance. La preuve, la bourde de son numéro deux, Birame Souleye Diop, sur le cumul des mandats (maire et député). S’il y a un gain (le seul d’ailleurs) que Macky Sall a pu tirer de l’affaire Sweet Beauté (Adji Sarr), c’est sa victoire tactique sur Ousmane Sonko. La victoire tactique de Macky aura été de charger et d’étouffer Ousmane Sonko, au point qu’il n’a pas eu le temps de structurer lui-même son parti (Pastef) au sortir de la présidentielle de 2019.
Conséquence, autant que je m’en rappelle, le Pastef de 2014, ce Pastef des bandes de copains (Sonko, Birame Souleye, Diomaye, etc.) que nous avions reçus au Forum Civil du temps de feu Mohamed Mbodj, pour échanger avec nous sur leur désir d’entrer en politique après le combat syndical, ce Pastef-là, a muté et a bien grandi.
En 2014, Pastef était un (simple) parti politique de l’opposition. En 2022, Pastef est devenu bien plus qu’un (simple) parti politique de l’opposition. Pastef est devenu non seulement le principal parti politique de l’opposition ; Pastef s’est radicalisé dans l’intervalle et mieux, Pastef est devenu dans la perspective, un mouvement révolutionnaire national sénégalais selon certains, un mouvement populiste-nationaliste selon d’autres. Dans l’un comme dans l’autre, Pastef est en même temps et dans le même rapport, porteur de tous les espoirs au sens marxiste du terme et de tous les esperanto au sens hellénistique du terme. D’une part et d’autre part, Pastef inquiète parce qu’on ne sait pas encore si sa "révolution" prendra les allures de la Révolution française de 1789 ou celles de la révolution bolchevik de 1917...
Ainsi, Sonko empêtré dans l’affaire Adji Sarr, n’a pas eu, peut-être, tout le temps et la latitude pour structurer le Pastef, au sortir de son excellent résultat de la présidentielle de 2019. Pour une première élection présidentielle, Sonko arrive troisième sur cinq candidats, avec un score de 15% de l’électorat. Et c’était prévisible que le Pastef allait être la plus grande menace pour Macky et son régime, en perspective de 2024.
Pastef était parti pour être la direction, la destination et le réceptacle de toute une génération de Sénégalais.es (les natifs de la décennie 90 et 2000, majoritaires au Sénégal) dont les "mindset" ne sont plus en phase avec les ceux du clan libéral (Wade et Macky sont sur scène depuis l’an 2000). Sans compter ceux qui pensent que la génération de Macky (les natifs des années 50 et 60) a fait son temps et qu’elle devrait passer le témoin à la génération des Sonko (les natifs des années 70 et 80).
La question de fond qui se posera au sein de Pastef sera de savoir si Birame Souleye Diop aura-t-il la stature, la carrure, l’envergure et la posture pour être le numéro deux d’un "grand"’ parti, le Pastef, passé d’un parti national à un parti panafricain ? La dernière structuration du bureau politique de Pastef va-t-elle tenir face à la lutte des places et la guerre des ego ? L’avenir nous dira…
Il nous a semblé que la dernière restructuration entérinée par Ousmane Sonko que Macky Sall a su intelligemment et subtilement isolé (la victoire tactique de Macky sur Sonko) des structures de son parti aurait été menée de main de maître par Birame Souleye Diop et Diomaye Faye. Ces derniers auraient mis en pole position, ceux et celles qui les sont favorables. Au détriment d’une vraie démocratie en interne.
Or, c’est cette absence de démocratie en interne, qui hélas, pourrait perdre Pastef et son formidable projet. Et la fronde pourrait venir de la Diaspora, le poumon et les mamelles de Pastef.
En (science) politique, il est extrêmement difficile, voire impossible, pour une organisation politique de masse, de conserver un fonctionnement interne démocratique conforme à son projet. Selon Roberto Michels, l’institutionnalisation progressive conduirait inexorablement à la bureaucratisation de l’organisation et à l’émergence d’une classe plus ou moins autonome de dirigeants. Convaincus d’être indispensables, ceux-ci développeraient des intérêts propres, distincts à la fois de ceux de l’organisation et de ceux de leurs soutiens. La loi d’airain de l’oligarchie ainsi formulée traduit une certaine déception à l’égard du projet, qui trahirait en quelque sorte leur promesse démocratique. Roberto Michels considérait en outre que la démocratie interne était la condition sine qua non d’un système politique démocratique.
Alors, le ver serait-il dans le fruit ? C’est-à-dire la dernière structuration du bureau politique de Pastef.