L’AFRIQUE N’AURAIT PAS DÛ PARTICIPER À LA COP 27
EXCLUSIF SENEPLUS - Il est manifeste depuis la COP 21 que les pays occidentaux n’entendent aucunement « payer » le juste prix pour limiter l’augmentation du réchauffement climatique à moins de 1,5 % par rapport au niveau préindustriel
L’Afrique n’est responsable que de 2,5% à 3% du réchauffement de la planète mais elle est la région du monde la plus affectée par le changement climatique.
Il est manifeste depuis la COP 21 de Paris que les pays occidentaux n’entendent aucunement « payer » le juste prix pour limiter l’augmentation du réchauffement climatique à moins de 1,5 % par rapport au niveau préindustriel. Ils entendent par contre au nom de cet objectif interdire à l’Afrique toute exploitation des énergies fossiles. C’est pourquoi, plutôt que de négocier pour de nouvelles promesses qui ne seront pas tenues du reste, l’Afrique aurait dû refuser la tenue de cette COP 27 sur son sol ou à défaut la boycotter pour…faire entendre sa voix.
L’Afrique responsable de 2.5% à 3% du réchauffement, mais…
Le rapport « État du climat en Afrique 2021 » de l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM) publié en septembre dernier le rappelle encore : « l’Afrique ne représente qu’environ 2 à 3 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. » Par contre, ajoute le rapport, le continent africain en subit les conséquences de manière disproportionnée.
Ainsi des inondations provoquées par les pluies de en 2022 qui, plus précoces et plus abondantes qu’en moyenne, ont affectées les régions s’étendant du Mali jusqu’à l’ensemble du bassin du Lac Tchad, le Niger, le Nigeria, le Bénin, le Tchad et le Cameroun. Ces inondations ont fait plus de 800 morts et elles ont été particulièrement destructrices dans la région. Au Nigeria 3, 2 millions d’habitants ont été affectés, 1, 5 millions déplacés, des centaines de milliers d’hectares inondées, plus d’un demi-million d’hectares de terres agricoles et plus de 300 mille habitations ont été affectés indique une étude du World Weather Attribution (WWA).
Au Niger, « plus d’un million de personnes dans 18 des 23 provinces du pays ont été touchées et 465 000 hectares ont été détruites », signale l’Alliance Mondiale contre les changements climatiques.
L’étude du WWA indique que c’est bien le changement climatique qui est responsable à 80% de la survenue de ce phénomène météorologique et à 20% de son intensité. De même indique l’étude, les pluies meurtrières et destructrices qui ont affectées le Mozambique, Madagascar, le Malawi et l’Afrique du Sud en début d’années 2022 et provoqué des inondations majeures dans ces pays sont « corrélées » directement au dérèglement du climat.
Au total, des pluies erratiques que le Sahel a connu en 2021 et qui ont favorisé l’insécurité alimentaire cette année dans tous les pays de la région, aux inondations qui ont affecté tous les pays bassin du Lac Tchad en 2022, aux inondations qui ont touché l’Afrique australe, aux sécheresses qui frappent le Maghreb, l’Éthiopie, la Somalie et l’est du Kenya, 19 millions d’Africains auront été affectés par des événements climatiques extrêmes depuis le début de l’année 2022 indique le Site Cabon Brief.
En outre indique l’OMM, les sources d’eau douce sur le contient s’amenuisent : la superficie totale du lac Tchad, « est passée de 25 000 km2 dans les années 1960 à 1 350 km2 dans les années 2000. », « le déclin en Afrique de l’Ouest, à long terme du débit des cours d’eau est attribué à la hausse des températures, à la sécheresse et à l’augmentation de la demande en eau » est constaté. « Les glaciers de l’Afrique de l’Est équatoriale – le mont Kenya (Kenya), le mont Kilimandjaro (Tanzanie) et les monts Rwenzori (Ouganda) – reculent à un rythme plus rapide que la moyenne mondiale. « La hausse des températures a contribué à faire baisser la croissance de la productivité agricole en Afrique de 34 % depuis 1961 – un déclin plus marqué que dans toute autre région du monde… un réchauffement planétaire de 1,5 °C s’accompagnerait d’un déclin de 9 % du rendement du maïs en Afrique de l’Ouest et de 20 à 60 % du rendement du blé en Afrique australe et en Afrique du Nord. »
Les USA et l’Europe : les intérêts politiques à court terme d’abord…
Nous avons vu comment le président Trump, affirmant la « liberté et l’indépendance » de son pays, fidèle à son slogan « America First », s’est retiré unilatéralement de l’Accord de Paris, le premier accord global et contraignant sur le climat, négocié pendant plus de 10 ans et signé par 195 pays du monde à l’issue de la COP 21 en 2015. Nous avons vu que libéré de la contrainte de l’Accord de Paris, les USA ont lancé à grande échelle le forage et l’exploitation du gaz et du pétrole de schiste par « fracturation hydraulique », augmentant l’empreinte carbone du pays par émissions de carbone et de méthane à des niveaux jamais atteints auparavant. Dans le même temps, le gouvernement américain ne donne aucune suite à ses engagements de contribution financière aux pays pauvres. Si le président Biden est revenu sur la décision de son prédécesseur, il n’entend visiblement pas revenir à l’esprit et à la lettre de l’Accord fondateur de Paris. Le Washington Post nous apprend ainsi que la Loi sur le Climat qu’il vient de faire adopter comporte d’importantes subventions gouvernementales qui « font avancer de grands projets pétroliers et gaziers qui pourraient avoir une lourde empreinte carbone, des entreprises comme ExxonMobil, Sempra et Occidental Petroleum étant bien positionnées pour obtenir de gros bénéfices … »
Quant aux pays de l’Union européenne tétanisés par la perspective d’une pénurie de ressources énergétiques du fait de la guerre d’Ukraine, ils reviennent effectivement au charbon. L’Allemagne a ainsi annoncé qu’elle allait relancer la production de cinq sites de charbon promis pourtant à la fermeture en 2023 au plus tard. La France vient de décider de rouvrir sa centrale de Saint-Avold. La Grande Bretagne qui avait annoncé la sortie du charbon en septembre, vient d’ouvrir trois centrales. L’Italie, l’Autriche et la Grèce prévoient de faire de même.
Les engagements financiers non tenus …
Dans le même temps, l’engagement pris par les pays riches il y a treize ans, en 2009, à Copenhague, de fournir 100 milliards de dollars par an à partir de 2020 pour aider l’Afrique et les pays pauvres à lutter contre le réchauffement n’est toujours pas réalisée. Oxfam estime qu’en fait, $21-24.5 milliards tout au plus, soit à peu près le tiers de la somme attendue, a été effectivement décaissés en 2020. « Les pays riches utilisent des méthodes comptables malhonnêtes et trompeuses, pour gonfler les sommes consacrées au climat, qui ont ainsi été majorés de 225% pour 2020… », ajoute Oxfam.
Pourtant c’est l’Afrique qui est stigmatisée…
Pourtant c’est l’Afrique qui est stigmatisée et on entend lui interdire désormais de produire du pétrole et du gaz dont les revenus sont pourtant indispensables à son développement. « L’Afrique doit recourir aux énergies renouvelables et renoncer à l’exploration de ses dépôts de pétrole et de gaz potentiellement riches pour éviter un désastre climatique et fournir de l’énergie propre à des centaines de millions de personnes qui en manquent… », tirait récemment le quotidien The Guardian qui se référait à une déclaration du Secrétaire Général des Nations Unies, recommandant qu’il soit mis fin à toute exploration de pétrole et de gaz partout dans le monde. M. Guterres est revenu encore récemment sur le sujet pour demander qu’aucun investissement dans le fossile ne soit plus autorisé.
L’Agence internationale de l’énergie (AIE), décrète quant à elle, au nom de l’impératif de la réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050 : « aucune exploitation de nouveau gisement de pétrole et de gaz ».
Ainsi, alors que les Etats-Unis et l’Europe renient délibérément leurs engagements, s’adonnent à l’exploitation sauvage du pétrole et du gaz et reviennent ouvertement au charbon, c’est à l’Afrique qu’on veut faire porter le chapeau. C’est l’Afrique qui doit se sacrifier à l’autel de la réduction du réchauffement climatique. Les projets en cours d’exploration et d’exploitation d’hydrocarbure et de gaz en RDC, en Ouganda, au Mozambique, au Gabon au Sénégal, et en Mauritanie notamment sont directement visés.
Pourtant ainsi que le fait observer le président du Nigeria, M. Muhammadu Buhari dans une tribune publiée par le Washington Post : « l’Afrique produit moins de 3% des émissions de gaz à effet de serre... et si nous devions exploiter toutes nos réserves connues de gaz naturel, le combustible fossile de transition le plus propre au monde, nous n’atteindrions que 3.5% ». On feint d’ignorer en outre qu’en plus de ne contribuer que marginalement au réchauffement climatique de la terre, les forêts d’Afrique centrale et du bassin du Congo, le Gabon, absorbent plus de carbone que celles du bassin de l’Amazonie . On sait aussi que de nombreux pays d’Afrique ont instauré « le mix énergique » depuis plusieurs années. Ainsi le Kenya produit déjà une part bien plus importante de son énergie renouvelable que les États-Unis ou l'Europe.
Si l’Afrique n’était pas allée à la COP 27
C’est pour dénoncer cette énième injustice à son égard que l’Afrique, dans son ensemble, aurait dû refuser d’aller à Charm el-Cheikh, cette soi-disant « COP Africaine » qui va encore une fois consacrer la suprématie occidentale décider du destin de la planète.
Si l’Afrique, toute l’Afrique, n’était pas allée à la COP 27, elle aurait fait entendre au monde entier sa protestation contre l’injustice dont elle est l’objet sous le couvert de la lutte contre le changement climatique. Elle aurait fait comprendre que la transition juste proclamée implique qu’elle reçoive des fonds d’un montant conséquent pour financer ses actions d’adaptation et de limitation du changement climatique et surtout qu’elle puisse librement exploiter ses ressources naturelles pour financer son développement.
Elle aurait rappelé à l’opinion mondiale que l’Afrique qui avait contribué à la révolution industrielle et avait enrichi l’Europe et l’Amérique par le travail de ses enfants asservis et colonisés ainsi par l’exploitation effrénée de ses ressources naturelles pendant des siècles, devait être écoutée maintenant qu’il s’agit de sa survie en même que de celle de la terre toute entière.
Et maintenant ?
Selon les scénarios du cinquième rapport d’évaluation du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) : « de vastes régions d’Afrique connaîtront un réchauffement supérieur à 2°C par rapport aux niveaux préindustriels d’ici les deux dernières décennies de ce siècle ». Selon le rapport 2019 de l’Organisation Météorologique Mondiale, « le climat représente une menace croissante pour la santé humaine, la sécurité alimentaire et l’accès à l’eau ainsi que le développement socio-économique de l’Afrique ». Les tendances actuelles de l’évolution du climat montrent que c’est la survie même du continent qui est menacée. Ceci est valable pour l’Afrique toute entière, du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest.
C’est pourquoi la question du climat, liée à celles connexes de l’environnement, de l’agriculture et de la santé, ainsi qu’à celle de la sécurité physique, devrait être mieux prise en compte par la « Stratégie face aux Changements Climatiques et pour un Développement Résilient » de l’Union Africaine, dans le cadre de l’Agenda 2063.
C’est pourquoi l’Afrique devrait parler d’une seule voix et après le boycott renégocier pied à pied avec les membres de la communauté internationale qui sont de bonne volonté, pour un financement conséquent, géré de manière participative et transparente.
Il s’agit, pour assurer la transition énergétique du continent, d’obtenir de la part des pays industrialisés la mise en place non pas seulement d’un fonds de compensation, pour l’adaptation et la limitation des effets du changement climatique mais aussi un véritable New Deal Vert.
Il est vrai qu’à l’horizon de 2050, c’est de 4.5 trillions de dollars (1 trillion = 1 million de millions) par an soit $120 trillions au total qu’aura besoin le monde pour faire face au défi climatique. Somme apparemment énorme mais qui selon les spécialistes ne représenterait que 2.5 percent PIB américain sur la période.