LE REMANIEMENT QUI ACTE LA RUPTURE DÉFINITIVE ?
Déserté par les principaux ministres issus de l'APR, le directoire de campagne d'Amadou Ba tourne au fiasco. Dans un silence assourdissant, Macky Sall regarde son candidat se faire laminer par sa majorité
Les départs surprenants de ministres estampillés pro-Amadou Ba comme Doudou Ka, Cheikh Oumar Anne, Lat Diop ou Fatou Diané de l’attelage gouvernemental ce vendredi sont assimilés à un lâchage définitif de l’homme qui était Premier ministre jusqu’à mercredi dernier. L’autre acte significatif qui confirme ce lâchage, c’est l’absence de la quasi-totalité des ténors de BBY (Benno Bokk Yaakar) lors du lancement du directoire de campagne d’Amadou Ba ce samedi. Le candidat de la majorité présidentielle est désormais ouvertement contesté par son propre camp.
Deux jours après le début de la campagne électorale, la mobilisation et l’organisation attendues autour du candidat de la mouvance présidentielle, Amadou Ba, tardent à prendre forme. Cette absence des poids lourds de l’APR « Alliance Pour la République), un parti qui constitue la locomotive de la majorité, lors des déplacements de leur candidat officiel, n’a pas manqué de relancer les rumeurs faisant état de relations dégradées, voire exécrables, entre le président Macky Sall et son désormais ex-Premier ministre. En effet, depuis que le président de la République et chef de Benno Bokk Yaakar a porté sa confiance sur M. Ba pour être le candidat de la mouvance présidentielle, ce dernier est l’objet de violentes attaques venant de gens proches du chef de l’Etat. Ce sans que ce dernier ne réagisse ou ne tente de rappeler à l’ordre les auteurs de ces attaques. Les pourfendeurs de son cheval ne sont ni inquiétés encore moins sanctionnés. Au contraire, ils sont même promus ou voient leurs responsabilités accrues comme dans le gouvernement formé vendredi dernier où des ministres comme Mame Mbaye Niang et Thérèse Faye Diouf ont vu leurs prérogatives renforcées. Bref tout se passe comme si le président sortant avait fini parse rendre à l’évidence que son cheval n’est pas à même de lui assurerla victoire à l’élection présidentielle. Une conviction que partageraient avec lui d’éminents membres de son camp. Malgré tout, M. Amadou Ba, touché mais pas coulé et même affaibli par l’attitude hostile de la plupart de ses camarades de parti — qui ne le considèrent pas comme un des leurs! —, a décidé de descendre sur le terrain en s’appuyant sur son carré de fidèles. C’est-à-dire eux qui ont cru en lui dès que le choix du Président s’est porté sur sa personne.
Amadou Ba attaqué de partout
Et comme si les attaques de ses camarades de parti ne suffisaient pas, voilà que le PDS (Parti démocratique sénégalais) également entreprend de le descendre en flammes. En portant des accusations gravissimes contre lui. Il est en effet accusé d’avoir corrompu deux parmi les sept sages du Conseil constitutionnel pour qu’ils invalident la candidature de Karim Wade. C’est-à-dire de celui qui devait porter les couleurs du Pds à ce scrutin. Ces accusations et les péripéties qui ont suivi, notamment la création d’une commission d’enquête parlementaire pour faire la lumière sur les faits allégués de corruption ont eu pour conséquence le report de l’élection présidentielle annoncé par le chef de l’État. Une élection qui aurait dû se tenir initialement le 25 février dernier et qui devrait finalement se tenir le 24 mars prochain. Sauf nouveau rebondissement. Alors qu’on s’attendait à la démission du Premier-ministre candidat suite à ces accusations très graves portées contre lui, ne serait-ce que le temps que lumière soit faite sur cette affaire, Amadou Ba s’est accroché bec et ongles à son poste et est allé réaffirmant sa loyauté au chef de l’État. Lequel a finalement fini par lui renouveler sa confiance. Le Président Macky Sall est soupçonné par l’entourage du candidat de BBY d’avoir voulu se saisir d’une affaire montée de toutes pièces avec le PDS pour renvoyer l’élection à une période suffisamment éloignée pour avoir le temps de choisir un autre candidat. Au cours du dialogue dit « national » initié par le chef de l’État afin, entre autres, de convenir d’une date « consensuelle » pour la tenue de la présidentielle, M. Amadou Ba soutient la nécessité de la tenue de l’élection avant le 2 avril prochain. Ce qui était considéré comme un chiffon rouge par Macky Sall. Finalement, le Conseil constitutionnel a semblé prendre fait et cause pour lui puisqu’il s’est opposé au souhait du chef de l’État de voir le scrutin se tenir le 02 juin. Les 7 sages n’ont pas donné non plus une suite favorable à son désir de reprise du processus électoral ou en tout cas d’apporter des « correctifs » allant dans le sens de repêcher des candidats éliminés par le Conseil constitutionnel. En lui imposant de fixer une date se situant avant l’expiration de son mandat le 02 avril et en réaffirmant sa détermination à maintenir la liste définitive des 19 candidats déjà publiée, le Conseil constitutionnel a presque humilié le président Macky Sall. Et si tant est qu’il aurait été dans une logique ou une volonté de trouver un autre candidat, il est contraint d’y renoncer faute du temps nécessaire pour le faire.
Départ du gouvernement, « libération » ou « limogeage » à suspect....
La dissolution du gouvernement annoncée mercredi dernier est intervenue au terme d’une journée particulièrement chargée d’actualités. C’est le même jour que se tenait en effet à l’Assemblée nationale le vote de la très controversée loi d’amnistie sur les événements politiques survenus entre février 2021 et février 2024. Cette décision du chef de l’État de mettre fin aux fonctions de son chef de gouvernement a été plus politique qu’administrative. En ce sens que M. Amadou Ba, candidat de BBY et Premier ministre, était déjà dans une situation inconfortable à la Primature au vu de la gravité des accusations portées contre lui. Une chose est sûre : la nouvelle équipe dirigée par Mr Sidiki Kaba est expurgée de presque tous les pro Amadou Ba à l’exception de Pape Malick Ndour et Abdoulaye Seydou Sow qui ont finalement lâché le candidat de Benno pour refaire de nouveau allégeance au président de la République. Les départs les plus marquants sont ceux de Lat Diop, Cheikhou Oumar Anne et Doudou Ka. D’ailleurs, les partisans de ce dernier, grand responsable à Ziguinchor, ont levé le ton pour réclamer la démission de leur responsable politique de l’APR. Ce tout en continuant à soutenir Amadou Ba ! A cette situation confuse s’ajoute le mutisme des responsables politiques de la région de Matam sur l’accueil à réserver au candidat de la coalition qui doit s’y rendre dans deux jours. Selon eux, le passage de Amadou Ba dans cette du Fouta, considérée comme le « titre foncier du président Macky Sall », risque d’être un échec. En tout cas au vu de la façon dont les choses se déroulent. Autre fait qui confirme le malaise qui secoue le camp présidentiel, c’est, on l’a dit, le boycott par la quasi-totalité des ministres de la rencontre du directoire de campagne élargi du candidat Amadou Ba convoquée ce week-end. Aucun responsable de premier plan de l’Apr, et aucune structure de ce parti à savoir la Cojer (jeunes), le Meer(élèves et étudiants) ou le mouvement des femmes n’y a été représentée. En outre il a été noté l’absence des ministres, DG de sociétés nationales et hauts responsables de l’Apr à cette rencontre d’une importance capitale à la veille du démarrage de la campagne électorale. Il est aussi annoncé que les fonds destinés aux responsables des fédérations, sections et autres ne seraient pas encore disponibles. Autant dire que le mal est profond entre, d’une part, le candidat Amadou Ba et, d’autre part, la plupart de ses camarades de parti. Pour le moment, il ne peut compter surtout que sur les partis alliés à savoir le Parti socialiste (Ps) et l’Alliance des Forces de Progrès (Afp). En plus de la poignée de ses fidèles. En tout cas, le chef de l’État sortant, et chef de la majorité présidentielle, semble laisser faire. Serait-il derrière cette cabale contre le candidat de son camp ? Les prochains jours nous édifieront.