LE RISQUE DE TUER L’ECONOMIE EN POURCHASSANT NOS HOMMES D’AFFAIRES
Le climat d’une reddition des comptes en lien avec la gestion des deniers publics aura malheureusement pris en quelques actions, les formes d’une chasse aux sorcières et d’une mise à l’écart d’adversaires politiques qui ne dit pas son nom.

Le climat d’une reddition des comptes en lien avec la gestion des deniers publics aura malheureusement pris en quelques actions, les formes d’une chasse aux sorcières et d’une mise à l’écart d’adversaires politiques qui ne dit pas son nom. On serait amené à croire que les nouveaux tenants de l’Exécutif du pays ont une liste d’hommes et de femmes à abattre, quelle que puisse être la nature des reproches qu’on pourrait leur faire. Dans cette volonté de casser du politicien qui a eu à être aux affaires, les hommes d’affaires deviennent malheureusement les victimes collatérales de la croisade. Leurs activités sont passées au peigne fin, toutes leurs relations sont étudiées au détail et tout projet dans lequel ils ont pu s’impliquer ces dernières décennies se trouve du jour au lendemain étalé sur la place publique. Le service après-vente qui accompagne la croisade contre nos capitaines d’industrie, chefs d’entreprise et titans du business est assez huilé dans le vice qu’il y a une forme de criminalisation de facto de la richesse.
Tout Sénégalais qui aurait pu se décarcasser pour construire un patrimoine ou s’amasser un petit pactole est vu comme un diable qui se nourrit de la force des masses et qui s’abreuve de la sueur de ses semblables. Toute réussite est marquée du sceau de la suspicion, les exploits entrepreneuriaux et les initiatives dynamiques sont caricaturés comme d’infâmes délits d’initiés qu’une collusion sans retenue entre une caste politique et une élite économique aura permis de créer. Dans toute instruction menée, nos hommes d’affaires sont jetés à la vindicte populaire, avec tout ce qu’il y a comme armée de nigauds aux grandes gueules pour tordre la réalité des auditions et tronquer la vérité des procès-verbaux. Puisque la bêtise et le mal gratuit sont têtus, les discours pour chahuter les réussites trouvent facilement des caisses de résonance et des colporteurs qui, dans la misère de leur réalité propre, se donnent à cœur joie de refuser à tous la prouesse de se faire et le courage d’atteindre une réussite économique.
Je sens une véritable dissonance entre le discours d’un gouvernement qui veut miser sur la souveraineté économique, la promotion de champions nationaux et l’effectivité d’un contrôle de l’économie nationale par des fils du Sénégal d’une part, et la réalité d’une mise au pas des entrepreneurs et hommes d’affaires en usant de toutes les voies possibles pour les fragiliser d’autre part. On arrive à mettre en doute le caractère licite des fortunes de plusieurs de nos champions nationaux. Il est également mis en branle toute une dynamique pour que ceux-ci rasent les murs et soient perçus aux yeux de l’opinion et des masses comme de vulgaires parias. L’Etat Pastef pense-t-il pouvoir développer le Sénégal et le mener vers l’horizon promis en 2050, si tout ce qu’il y a comme hommes d’affaires crédibles se trouve en prison ou submergé par des procédés judiciaires sans queue ni tête ? Le Sénégal compte-t-il être attractif pour d’autres investissements si, en fonction des changements de régime, l’Etat se rétracte sur ses engagements et renie même sa parole ? Peuton être considéré comme un pays sérieux si nos finances publiques continuent à faire défaut au vu des nombreux engagements pris ces deux dernières décennies pour financer l’économie du pays ? Quel investisseur voudrait mettre des billes dans un pays où, au motif d’une procédure judiciaire contre des actionnaires, les locaux, installations et services d’une entreprise sont interdits d’accès ?
La détresse des hommes d’affaires, chefs d’entreprise et capitaines d’industrie sénégalais est réelle, avec une pression fiscale intenable, une dette intérieure qui peine à être soldée malgré les engagements du président de la République Bassirou Diomaye Faye de la solder. La morosité économique qui gagne tout le pays se comprend dans la mesure où tout est fait pour fragiliser les créateurs de valeurs. Tout ce qui peut générer de la richesse, au risque d’être vu comme suspect, dissuade les acteurs au premier chef. On ne peut pas vouloir un grand remplacement et bouter des affaires d’industriels, d’entrepreneurs et de dirigeants qui ont pignon sur rue depuis des décennies pour les remplacer par de nouveaux bras sans pedigree ni vécu. Il est concevable que chaque pouvoir veuille au Sénégal évoluer avec sa flopée d’hommes d’affaires, mais vouloir dégommer toutes les fortunes qui se font au Sénégal depuis les indépendances est un pari intenable.
Mohamed Guèye soutenait dans ces colonnes, la logique maladroite du gouvernement sénégalais de se positionner dans une lutte contre l’emploi. Au-delà de l’emploi, on peut se dire que nos autorités actuelles sont hostiles, voire allergiques aux affaires et à la création de richesses. Remplir les geôles d’hommes d’affaires pour délits de sale gueule ou pour le simple «mal» d’être riches finira par perdre tout un pays. Ce sont des emplois qui seront supprimés, des pères et mères de famille à la rue, des familles qui seront fragilisées. Pour l’instant, les voix sont assez timides, mais le grand remplacement de l’élite économique est en marche, avec son lot de dommages collatéraux. Il est d’une violence morale et symbolique inouïe, sur la simple base qu’on voudrait empêcher des milieux d’affaires d’interférer dans le jeu politique, on finira par détruire tout le tissu économique de cette Nation qui reste encore précaire malgré sept décennies de capitalisme autochtone sénégalais. A force de pourchasser nos hommes d’affaires, l’Etat risque de tuer toute l’économie. A l’heure actuelle, un phénomène d’exil d’hommes d’affaires et d’entrepreneurs sénégalais est noté. Certains d’entre eux préfèrent migrer dans la sous-région ou dans les pays du Golfe pour y installer leurs bases d’opération. Ces exils ne se font pas de tout repos, avec des activités qui tombent en faillite, vu l’absence de ceux qui les faisaient tourner du mieux. Si nos nationaux quittent à un tel rythme, on ne s’étonnera pas de voir les intérêts étrangers présents dans notre pays détaler sans crier gare.
Sur un autre registre, la complaisance dont auront fait montre certains de nos entrepreneurs et hommes d’affaires dans certaines opérations avec les pouvoirs publics leur aura été fatale. Espérons qu’une certaine orthodoxie revienne dans les pratiques pour qu’il ne soit pas aisé de leur coller tout motif farfelu pour les plomber en plein vol.