PAIN ET JUSTICE POUR LE PEUPLE
Le caractère devenu presque systémique des atteintes aux libertés semble avoir atteint son acmé durant le règne abominable du successeur de Wade. Il n’est même plus exagéré d’évoquer une progressive "duvaliérisation" de notre système politique
Au moment où les performances de notre équipe nationale au Qatar nous font rêver et croire au miracle, l’urgence pour la majorité de nos concitoyens ne saurait se réduire à du pain et des jeux (panem et circenses) comme dans la Rome antique.
C’est dans ce contexte d’euphorie nationale que sont survenus, au niveau du parlement, les fâcheux incidents du jeudi 1er décembre, qui suscitent tant d’indignation de la part de l’opinion dans sa diversité, car rien ne peut justifier un tel niveau de violences verbales et physiques dans une Assemblée d’adultes responsables et matures, surtout à l’égard de femmes. Et ce d’autant qu’il s’agit d’un lieu symbolisant la vie démocratique de notre pays, où des citoyens, d’appartenances politiques diverses, sont censés délibérer, sereinement, sur le sort de la nation.
N’oublions pas qu’il s’agit du deuxième pouvoir dans l’architecture institutionnelle de notre République, dont beaucoup de personnes sensées et d’analystes éclairés pensent qu’elle devrait même être placée au-dessus de l’institution présidentielle !
Il est vrai que, depuis soixante ans, nos chefs d’État, incapables de se détacher des logiques néocoloniales, nous auront valu beaucoup de déceptions et de déboires, tant et si bien qu’il saute aux yeux, que le principal obstacle à l’épanouissement des libertés et au parachèvement de nos souverainetés est à chercher dans cette tare congénitale de notre système politique qu’est l’hyper-présidentialisme.
C’est cette concentration abusive de pouvoirs entre les mains d’un seul homme, qui plombe outrageusement l’approfondissement de la démocratie dans notre pays et fait de nos alternances successives autant de douloureux moments d’exacerbation de tendances tyranniques et d’accentuation de dynamiques frisant les modèles autocratiques.
Le caractère devenu presque systémique des atteintes aux libertés semble même avoir atteint son acmé durant le règne abominable du successeur de Me Wade, qui semble très réfractaire à l’idée de rendre le tablier, en février-mars 2024, comme prévu par la loi.
Pire, de nombreux signes comme les rapts suivis d’embastillements arbitraires d’activistes et du journaliste Pape Alé Niang, les disparitions inexpliquées et qui sait, peut-être des empoisonnements ou accidents déguisés, donnent l’image de dictatures sud-américaines de triste mémoire. Pensons aux mères des disparus de la Plaza del Mayo à Buenos Aires en Argentine !
Il n’est même plus exagéré d’évoquer une lente et progressive "duvaliérisation" de notre système politique, du nom de cette dictature haïtienne instaurée en 1957 par Papa Doc et ses tontons macoutes, auquel succèdera son rejeton joufflu, Bébé Doc et qui finira par être renversée en 1986, par une révolution populaire.
Ici, les thuriféraires du régime de Benno Bokk Yakaar et leurs nervis pensent prolonger le règne de leur mentor abusivement dépeint sous les traits d’un messie, jusqu’au-delà de 2035 !
Il ne faut surtout pas croire qu’il s’agirait de simples canulars portés par des clowns insulteurs quasi-analphabètes, comme le dirigeant "occulte" du groupe parlementaire de Benno Bokk Yakaar et ses sœurs de parti, dont l’une vient malheureusement de faire les frais de son insolence intrépide.
Il s’agit, d’abord, de tenter de compenser la perte de majorité par une agressivité verbale sans précédent, reposant sur le socle de l’instrumentalisation des FDS et de la Justice, du moins de ses secteurs les plus corrompus. Mais plus grave, il est question d’initier, à la faveur des découvertes de nos nouvelles ressources pétrolières et gazières, une entreprise systématique de dévoiement de notre vie démocratique ressemblant, à s’y méprendre aux théories de "l’illibéralisme", portées par Viktor Orban, actuel président de la Hongrie et super-fan de Trump et ...Poutine.
Ces ténors de la nouvelle extrême droite prônent un régime respectant strictement la tenue d’élections régulières, - même si elles sont manipulées (comme le parrainage version Macky, l’éviction judiciaire d’adversaires politiques, le trucage du fichier électoral...) -, mais se préoccupant très peu des libertés, encore moins du respect des droits économiques et sociaux. Les outils démocratiques sont détournés selon le principe de la fin, qui justifierait les moyens.
C’est ainsi qu’il faut comprendre le fait, que malgré une majorité étriquée, à la limite introuvable, le régime APR, arrive encore à faire passer ses lois au parlement, dont les sessions se suivent et se ressemblent, faisant de plus en plus penser à un cirque tragique, avec des personnages grotesques, as de l’injure et de l’invective.
On assiste, dans la même veine, à une autre instrumentalisation, celle de la cause féminine à des fins politiciennes, grâce à un procédé déloyal, qui transforme des contradictions politiques et des divergences idéologiques en "guerre des sexes", en présentant les opposants comme de machistes violents et violeurs, de surcroît.
Au moment où elles initient des campagnes médiatiques de dénigrement des adversaires politiques, on note une omerta troublante des autorités étatiques sur des scandales avérés, lourds de dangers pour la stabilité de notre pays, comme les détentions arbitraires, la criminalité à col blanc de l’élite au pouvoir que vient de confirmer l’ARMP, la disparition inexpliquée de deux membres des FDS, l’achat d’armes par le ministère de l’Environnement...etc.
Ainsi, de lourdes menaces pèsent sur la nation et sur notre sécurité à tous, comme l’a si pertinemment dit une ancienne ministre membre du parti présidentiel. C’est pour cette raison, que l’opposition a l’obligation de déjouer les pièges de la démocratie représentative bourgeoise, avec ses fausses querelles, qui éludent les débats de fond.
Il s’agit, au-delà de la posture de dénonciation et d’alerte, de se mettre à la hauteur des véritables enjeux en élaborant un programme commun de rupture, mobilisateur de tous les segments du peuple, particulièrement la classe ouvrière, la paysannerie et l’intelligentsia progressiste, qui sont les plus intéressées à une véritable alternative politique en 2024.