PLAIDOIRIE HORS LA COUR
Je suis de ceux qui pensent que l’arrestation d’un journaliste, tel que Pape Alé Niang pour le nommer, est une nuisance politique. Un coup de poignard de trop dans le dos, déjà passablement malmené, de notre démocratie
«Le crayon de Dieu lui-même n’est pas sans gomme».
Ainsi s’exprime Aimé Césaire dans sa magnifique pièce de théâtre intitulée « Une Saison au Congo ».
Musulman, cette assertion me parle et me fait apprécier le sens du repentir, du pardon et de l’absolution. Elle éclaire le changement que l’on perçoit dans sa propre vie, suite à des prières ou des aumônes exaucées, qui éloignent le chagrin et les difficultés. La gomme divine est une Grâce !
Plus simplement, cette proposition de Césaire est un appel à la Raison. Nous devrions la méditer en ces temps incertains pour notre pays, le Sénégal.
Alors oui ! Des esprits, apparemment illuminés, vont vous adjoindre de rejoindre les rangs, de choisir un camp. Contre un autre. Des gens, dont on se demande bien au nom de quoi, ou de qui, ils s’arrogent le privilège de décider de ce qui est convenable et de ce qui ne le serait pas, vont vous conseiller, avec une larme hypocrite au coin de l’œil, de ne pas ramer à contre-courant : « vous vous feriez des ennemis inutilement… », vous susurrent-ils avec des trémolos dans la voix ! Comme si les « ennemis » étaient, eux, dans le bon droit ! Ou que le baromètre de l’acceptable suivrait les inflexions de leurs errements.
Ainsi, par lassitude ou par convenance, on finit par lâcher prise et par se laisser entraîner dans la cohorte des complices. Par leur silence. Par leur lâcheté parfois. Par leur indifférence coupable bien souvent !
Alors non ! Je suis de ceux qui pensent que l’arrestation d’un journaliste, tel que Pape Alé Niang pour le nommer, est une nuisance politique. Un coup de poignard de trop dans le dos, déjà passablement malmené, de notre «démocratie». J’ai parlé un jour de « démon-cratie »… C’est dire que tout est une question de perception, lorsque les principes sont à géométrie variable !
Car disons-le, la démocratie ne se réduit pas, tout simplement, à un système électoral et à des élections de plus en plus chahutées. La mise en œuvre de mesures législatives et réglementaires de plus en plus restrictives, les modifications intempestives de la Constitution, l’affaissement notable des pouvoirs, législatif et judiciaire, au profit d’un pouvoir exécutif macrocéphale, entraînent une érosion de la confiance des citoyens quant à la fiabilité des institutions qui nous gouvernent.
C’est cela qui explique l’attrait morbide qu’exercent les réseaux sociaux et qui rend crédibles toutes sortes de supputations. En atteste le succès, déraisonnable, d’une nouvelle race qui prolifère : « les influenceurs… » Ceux qui débitent toutes sortes d’invraisemblances et qui se font écouter, pourtant, par des millions de personnes orphelines d’une autorité. Qu’elle soit parentale, éducative, étatique ou autre, l’individu a besoin de ressentir une autorité. Une référence. Un point d’ancrage spirituel, moral, politique, économique. L’être humain est ainsi fait ! Et c’est bien de cela qu’il s’agit lorsque l’on se plaint, tous, de la déliquescence progressive de notre fort sentiment de vivre ensemble !
Pour faire court, un sursaut collectif est devenu urgent, nécessaire voire indispensable. Pour saisir, tous ensemble, l’opportunité de la valorisation des nouvelles richesses qui se font jour dans notre pays : car le gaz et le pétrole, l’or, et tant d’autres ressources naturelles sont des biens, potentiellement incendiaires, lorsque le leadership est déficient ou maléfique.
La qualité des hommes et des femmes qui animent un système politique, à un temps déterminé, est essentielle à sa survie.
Éduquer, organiser, encadrer surveiller, sécuriser, sanctionner au besoin sont des prérogatives de service public ! L’État doit en assurer la charge au profit de tous. Sans distinction autre que le droit et le mérite.
La politisation partisane de notre pays doit cesser. Nous devons remettre de l’ordre avant qu’il ne soit trop tard !
En attendant, à moins de nous dire, de manière claire et simple, le crime qu’aurait commis Pape Alé Niang dans l’exercice de son métier de chercher à savoir et de faire savoir, un signal d’apaisement et d’ouverture serait une réponse positive à la demande de liberté provisoire déposée par ses avocats.
Tous les détenus pour des délits d’opinions devraient bénéficier de la même… gomme !
Il n’est jamais trop tard pour bien faire : gouverner c’est aussi savoir apaiser !