UN AMOUR CIRCONSTANCIEL ET UNE MEFIANCE PERMANENTE
Dans un environnement économique morose, le paysage médiatique a connu une expansion des publications à partir d’une certaine complicité avec des milieux d’affaires ou des hommes politiques à la conscience troublée.
Entre la presse et l’Etat, c’est l’histoire d’un amour circonstanciel teinté d’une méfiance permanente. La cause nationale, présentée comme leur dénominateur commun, est aussi le diviseur qui atteste de l’impossibilité d’une vision partagée sur l’ensemble des questions qui rythment la vie de la République et de la Nation.
L’autorité de l’État souffre difficilement qu’il puisse exister un contre-pouvoir à la voix tonitruante et, de surcroît, une voix qui peut être déstabilisante.
Face à cette posture, perçue à tort ou à raison comme de la paranoïa, la presse cède à la tentation de s’ériger en dompteur d’un régime qui entend consolider ses premiers pas dans la gouvernance publique. Elle prend même le risque de porter des batailles par procuration, parce que les intérêts de ses alliés sont menacés au point que sa propre survie devient un enjeu brûlant. Dans un environnement économique morose, le paysage médiatique a connu une expansion des publications à partir d’une certaine complicité avec des milieux d’affaires ou des hommes politiques à la conscience troublée.
Le panorama ainsi établi est tout ce qu’il y a de plus pervers pour la presse. La démultiplication des établissements de formation, au cursus biaisé, a déversé sur le marché de l’emploi des aspirants « journalistes » abandonnés à leur sort. Faute de mieux, ils se bousculent aux portes des groupes de presse où certains dirigeants, plus affairistes que journalistes, les exploitent sans scrupule et les maintiennent dans une médiocrité ambiante. Peu importent les codes du travail et de la presse qui leur confèrent théoriquement des avantages pécuniaires, matériels ainsi que des droits sociaux. Ainsi fragilisés, ces journalistes cherchent à combler le gap des salaires modiques à travers des relations d’intérêts.
Pour corriger cette situation inique et très préjudiciable à la qualité de la presse et à l’objectivité de la relation avec l’État, l’autorité doit nécessairement concevoir et dérouler une meilleure politique de formation et d’emploi pour la presse. Une meilleure politique économique aussi pour faire des entreprises de presse des entités viables qui ne soient pas abonnées tout le temps à la main tendue et aux effacements de dettes fiscales.