ZLECA ET ECO, LE MARCHÉ ET LA MONNAIE
EXCLUSIF SENEPLUS - Comment accumuler des richesses quand vous acheter tout en Europe, aux Etats-Unis et en Asie ? Que vous payez avec une monnaie contrôlée par la France ou les USA ou l’Union Européenne ?
Nous autres Africains avons tellement été abusés, pendant si longtemps que nous ne nous attendons plus à rien de bon. Venant du reste du monde comme de nos propres dirigeants. A chaque annonce, nous nous demandons : « que nous préparent-ils encore ? A quelle sauce vont-ils nous manger cette fois ? » Nous en devenons cyniques. C’est pourquoi l’opinion africaine n’apprécie pas à sa juste mesure l’avènement de la Zone de Libre-échange Continentale dite ZLECA ou AFCFTA, selon les acronymes en français et en anglais. De même, l’opinion en Afrique de l’Ouest n’a pas apprécié à sa juste mesure le projet de lancement de la monnaie unique pour tous les pays de la CEDEAO en 2020.
Ces deux initiatives posent pourtant les fondements de toute souveraineté : le marché unique et la monnaie commune. Kwame Nkrumah préconisait à l’époque la « conquête » du « royaume politique » et que « tout le reste sera donné de surcroit ». Il entendait par là que le combat pour l’indépendance politique et pour la souveraineté nationale était primordial. Aujourd’hui on dirait : « le marché et la monnaie d’abord ».
Comment en effet accumuler des richesses quand vous acheter tout en Europe, aux Etats-Unis et en Asie ? Que vous payez avec une monnaie contrôlée par la France ou les USA ou l’Union Européenne ?
La ZLECA ne vise rien moins que de créer la plus grande zone monétaire du monde. Pour 54 pays, 1.2 milliards de personnes, 3000 milliards de dollar de produit intérieur brut (PIB). Il ne s’agit pas bien sûr d’échanger des cacahuètes contre des fèves de café ni d’exporter des véhicules de troisième main « venant de France » du Sénégal vers…l’Ethiopie ou encore de la friperie made in USA de Banjul vers la RDC.
Pas de place pour les « opérateurs économiques» pour importer des produits industriels de Chine ou d’Allemagne au Sénégal ou au Mali par exemple pour les réexporter vers le Nigeria et l’Afrique. Il s’agit de fabriquer véritablement en Afrique des produits et marchandises.Puis de les exporter sur le marché commun, de Dakar à Djibouti. De Tunis au Cap. De créer ainsi en Afrique une richesse qui reste en Afrique.
Des critiques « de gauche » nous disent que la ZLECA est une construction capitaliste qui renforcera la mainmise du « libéralisme globalisé » sur l’Afrique. Peut-être ! Mais est-ce s’opposer au libéralisme, que de laisser l’Afrique se découper en comptoirs spécialisés du commerce international ? Mais c’est seulement un projet qui a été formellement lancé dimanche dernier à Niamey au Niger par les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union Africaine. Il reste à le réaliser, ce projet. Et il y a du boulot pour les années à venir.
Quant à l’Eco (On aurait pu trouver une appellation plus « roots » non ?), elle nous permettra du coup de dépasser l’ère du CFA et des micros monnaies nationales : Dalassi, Naira, Cedi etc...
Là encore, les spécialistes nous mettent en garde : les différends pays pourront-ils vraiment respecter toujours le même taux de change, contrôler les prix, maintenir la masse monétaire en circulation aux niveaux prescrits ? Inquiétudes fondées de spécialistes avertis sans doute ! Là encore, pour avancer encore faut-il se mettre debout et mettre un pas après l’autre !
L’Eco n’est une recette miracle, il ne suffit de le créer pour que le sous-développement, la mauvaise gouvernance, la stagnation économique et culturelle ainsi que tous les maux qui affectent nos pays disparaissent.
La création de l’Eco à partir de 2020 n’est qu’un premier pas vers la solution de tous ces maux, un pas décisif certes mais pas suffisant.
Déjà un premier obstacle se dresse sur la voie vers la réalisation de la monnaie unique de la CEDEAO, c’est la réticence des présidents francophones, Macky Sall et Alassane Ouattara en tête, à abandonner leur bon vieux FCFA.
Retrouvez désormais chaque semaine sur SenePlus, le billet de notre éditorialiste, Alymana Bathily