«DES MUSICIENS SONT INCAPABLES DE FAIRE LA DIFFERENCE ENTRE UN VIOLONCELLE ET UN VIOLON»
Vieux Mac a le blues ! A l’instar de celui du juge, il exprime son spleen. Pour cette fois- ci, il a revêtu sa toge pour prendre la défense des enfants et des migrants clandestins.
Il vient de sortir en début de semaine un album de huit titres pour hurler son indignation. L’ancien greffier a fait une vibrante plaidoirie pour exprimer tout haut sa ligne de défense.
Vieux Mac, l’actualité c’est la sortie de votre album en un moment où justement les artistes n’en sortent plus…
C’est vrai que par les temps qui courent, sortir un Cd n’est pas du tout évident. il faut vraiment le faire. Je ne me compte plus en tant que personne, mais je veux exister en tant qu’acteur culturel. Pour ce faire, je voudrais léguer quelque chose de consistant à la jeunesse de mon pays, au monde et à la postérité. La gloire est dépassée car elle est derrière moi. Je veux vraiment occuper mon temps à faire des propositions. Tout ce que je fais tourne autour de cet axe. Je propose des choses au public. Si les gens prennent, c’est bon, sinon aussi, c’est bon. Car, au moins, j’aurais fait mon devoir. Je joue pour exister et c’est aussi simple que cela.
« La gloire est derrière moi, je joue pour exister » Peut – on en savoir un peu sur le contenu de cet album ?
Les deux principaux thèmes abordés dans cet album sont relatifs à l’enfance et à l’émigration clandestine. Ce ne sont pas des thèmes nouveaux, je veux juste apporter ma propre vision des choses. En ce qui concerne le thème de l’enfance, je suis d’avis qu’il faut arrêter d’agresser cette couche juvénile. a travers cet album, je lance un cri d’alerte. Nous, adultes, donnons une mauvaise image aux enfants et nous les agressons. Nous leur faisons subir des choses qu’ils ne méritent pas. Je peux dire que les agressions dont sont victimes les enfants sont d’ordre physique et surtout moral. Les adultes mentent, volent, se battent. Ils oublient que les enfants observent et surtout… copient. Nos parents nous ont toujours conseillé de toujours faire du bien et de ne jamais faire le mal. Pourtant, ce sont ces mêmes adultes qui transgressent toutes ces règles. Je me mets à la place de l’enfant pour constater qu’il y a problème. C’est mon propre parent qui transgresse le premier les règles établies. On doit revoir nos attitudes. il faut revoir la mentalité des enfants en les éduquant dans un esprit culturel, économique et politique. il faut les mettre sur les rails et les aider à traverser la rue de la vie. Je ne me limite pas à la façade car tout le monde a déjà chanté ce thème.
Comment expliquez- vous ce lien si particulier avec les enfants ?
Je dois avouer que je suis un grand enfant. Encore une fois, et à l’image d’un réalisateur de cinéma, quand l’enfant accompagne un adulte, il a tendance à baisser la tête et l’enfant à la relever. Ce qui fait que leurs yeux se croisent au juste milieu. Et moi, je veux être à ce point précis. Je veux être à la fois à la place de l’enfant et de l’adulte. Nous faisons subir aux enfants des choses qu’ils ne méritent pas. Je vous informe que je suis aussi le président d’une association basée à Somone et qui s’occupe de l’enfance. Ce qui signifie que cela me préoccupe vraiment. Je me sens tellement concerné que ça devient pratiquement une chose normale que de chanter pour évoquer ce sujet intarissable à mon niveau.
Les enfants constituent un fonds de commerce et pas mal d’artistes en profitent. Qu’est –ce qui vous motive, vous ?
Aujourd’hui, le monde va très vite et les enfants suivent ce rythme. Je crois que le véritable danger qui guette les enfants, c’est internet. Autant ils fréquentent cet outil autant ils en deviennent dépendants et se dépersonnalisent. Est-ce qu’il y a un moyen provenant de l’autorité pour aller à la source de la malédiction ? L’internet tel qu’il est utilisé par l’enfant est une malédiction. Les enfants vont vers la perdition. Des sites immoraux sont souvent visités par des enfants. Tout le monde a eu à déplorer ce fait. Moi, en tant qu’artiste, je le déplore. Cependant, j’essaye aussi de trouver des solutions. J’ai vraiment envie d’aller à la source et dire non à cette malédiction. Il faut que l’internet soit pris positivement. C’est un problème que nous, les artistes, devrons régler car les enfants ne le feront jamais à notre place. il faut donc vraiment protéger les enfants et non se servir d’eux ou en faire un fonds de commerce.
Dans l’album vous abordez également l’émigration clandestine ?
Je dis non à l’esclavage car à un moment donné, nos parents libyens ont eu à adopter un comportement qui n’était pas du tout africain. J’ai choisi de les citer pour exprimer toute mon indignation. nous avons tous pu voir sur internet ces images insoutenables et ces pratiques inhumaines infligées à nos frères migrants. Je dis : plus jamais ça et j’ai même réalisé un clip documentaire pour mieux aborder le sujet.
Le grand absent de l’album, c’est votre regretté frère Habib, pourquoi vous ne lui avez pas rendu hommage?
Si, je vais bien sûr lui rendre hommage. Il y a tellement d’hommages rendus à Habib que je me suis dit qu’il serait de trop que j’en fasse maintenant. Je peux juste parler de celui de notre ami Jules Guèye qui est très bien apprécié et qui est régulièrement diffusé sur nos écrans. Il n’empêche que j’ai composé quelque chose en son honneur et je le dévoilerai quand on célèbrera l’an un de son décès dans deux ou trois mois. Et comme moi je n’aime pas faire de vagues, je préfère travailler en coulisses et dans l’ombre. Sans beaucoup de bruit, je vais lui faire un hommage et ce sera solennel en ce moment choisi.
Pour cet album, Coumba Gawlo en est la marraine. Pourquoi ce choix sur elle ?
Je crois que la raison est évidente. Déjà, elle est ambassadrice et elle œuvre beaucoup pour l’enfance et pour la Femme. Elle a été tellement touchée quand je lui ai annoncée qu’elle était la marraine de l’album. Elle m’a dit qu’elle sera à mes côtés et que ce choix lui fait énormément plaisir. Je crois que le choix est mérité et il n’est pas de trop…
Vous êtes greffier, vos collègues ont suivi une série de grèves. Comment percevez- vous cela ?
Je m’intéresse toujours à cette épineuse question. Il y a un avocat qui m’a dit un jour : « vieux, je suis passé plusieurs fois à ton bureau et je ne t’ai pas trouvé ». Je lui ai répondu que mon bureau c’est la scène. C’est juste une petite anecdote ! Mais je me dois de chanter le monde du greffe. C’est un monde qui présente beaucoup de problèmes. C’est vrai que ces temps derniers, ils étaient en grève et cela avait pratiquement suspendu tout le fonctionnement de la Justice. Eux, ils déclament et moi je chante. Je le fais à la suite du « blues du juge ». Tout le monde sait ce que signifie le blues. Je veux dire dans cette chanson que le juge, pris isolément, est un être comme vous et moi. C’est-à-dire un être avec ses sens, ses qualités ses défauts .et pourtant, la société lui a donné un rôle et il doit enfiler la robe. Une fois qu’il enfile cet habit, il cesse d’être un simple être humain. Voilà toute l’ambigüité qu’il y a dans cette position de juge. On demande aux juges d’être à la fois humains et surhumains.
Musicalement que peut-on attendre en écoutant cet album.
Tantôt, je disais que j’ai proposé et c’est ce que j’ai fait. le producteur a toujours imposé son diktat à l’artiste et c’est depuis toujours ainsi. Moi, actuellement, je peux me permettre de faire tout ce que je veux dans la musique et de ne suivre que mon feeling. J’ai fait du jazz pendant une trentaine d’années, mais le jazz a été combattu parce qu’il n’y a presque pas eu d’émissions qui lui était consacrée. Quand on fait un album, c’est pour un public. la presse est notre relais, mais si le public n’est pas avisé ni informé, il ne peut en profiter. J’ai été combattu car avec mon langage acerbe, j’ai eu à critiquer le festival de Jazz de Saint -louis. Et depuis lors, vous ne m’entendez plus dans ce festival. et cela est presque une hérésie. Vous, journalistes, savez qu’il y a un festival de jazz qui se passe au Sénégal. vous êtes les premiers à vous poser la question à savoir pourquoi vieux Mac Faye n’est pas dans la programmation. Ce sont des questions que les gens se posent. Moi je leur explique que je dis ce que je pense parce que c’est un domaine que je connais bien. Mais comme cela n’a pas l’heur de plaire aux organisateurs, on m’a sanctionné en me rayant complètement de la programmation du festival de jazz de Saint -louis. Aujourd’hui, je suis au regret de constater que si je vais à Saint louis, c’est parce que ce sont des toubabs qui m’y ont amené. Je regrette que les toubabs soient mieux avertis et plus culturels que les Sénégalais. Je déplore énormément cet état de fait. en plus, les quelques clubs de jazz qui existaient au début, ont été envahis par d’autres artistes qui ne faisaient pas dans le jazz, mais qui étaient obligés de changer de fusil d’épaule car les boites de nuit ne prospèrent plus. Progressivement, Vieux Mac Faye a été écarté de façon très naturelle. Après avoir déploré tout cela, j’ai viré vers le blues. J’ai viré dans le blues puis l’afro blues qui est plus consommable et consommé. il est beaucoup plus perceptible par le profane que le jazz. Voilà pourquoi j’excelle aujourd’hui dans l’afro blues. Il y a le titre « assalo » qui se trouve dans l’album et dans lequel je chante la Sicap rue 10, mon fief qui m’a vu grandir. En écoutant ce titre, vous allez sans doute percevoir très clairement les conséquences de ce revirement.
Vous avez dit que vous allez désormais proposer. Où en êtes – vous avec la formation et de votre école de musique « Arc en sons » ?
La formation est mon crédo. Je suis partenaire de la mairie de Dakar et nous œuvrons pour la mise en place d’infrastructures éducatives musicales. Je suis aussi partenaire d’ONG qui vont venir s’établir au Sénégal pour se mouvoir dans ce domaine. C’est par rapport à mon expérience que j’ai eue en 1983 quand j’ouvrais mon école de musique sur fonds propres. Ce n’était pas évident et on avait commencé à travailler. Pour la petite histoire, Serigne Modou Kara Mbacké m’avait envoyé cent élèves de l’orchestre philarmonique. Malheureusement, l’expérience n’a pas perduré et j’ai dû arrêter la collaboration. Cela m’a posé un énorme préjudice. Bref, cela m’avait refroidi. Mais je n’ai pas baissé les bras et j’ai repris. Le monde sénégalais a besoin de cette musique. L’instrument est en train de perdre du terrain. Au Sénégal, il y a trop de voix et peu d’instruments. Beaucoup de personnes se disent musiciens professionnels et sont incapables de reconnaitre les composants d’un accord de do majeur et même faire la différence entre un violoncelle et un violon. Ou un saxophone d’une trompette. C’est vraiment très grave.
Il y a donc un vrai problème ?
Bien sûr, il y a un sérieux problème ! Et justement, nous voulons arriver à bout de ce problème. C’est pourquoi je me sens investi de cette volonté de remettre les choses en place. Il faut que les gens qui gravitent autour de la culture luttent contre ces carences. En ce moment là, les gens vont revenir à la musique. C’est pourquoi il est impérativement recommandé à tous les chanteurs de jouer d’un instrument d’harmonie. C’est la guitare et le piano qui permettent de faire simultanément plusieurs notes. il y a un problème que tout le monde connait et il faut aller au fond des choses.
A la veille des élections et des remous sur le parrainage que dites- vous à vos compatriotes ?
Je suis un citoyen et à ce titre, je veux juste que la paix règne et que tout se passe dans le calme. la politique n’est pas ma tasse de thé. Je livre mes messages à travers mes chansons et je pense que j’ai une voix assez audible pour aborder des sujets porteurs. J’ai toujours livré mon avis et je suis convaincu que notre Sénégal sera au-dessus de toutes les contingences. Ce pays sera construit par tous les citoyens. et depuis toujours, j’ai voulu jouer ma partition sans trop de vagues. Je vais poursuivre ma mission à mon rythme tout en espérant que tout se passera dans le calme, la paix et la discipline.